Aïno de Pierre Benoit

Aïno de Pierre Benoit

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par PPG, le 14 mars 2010 (Strasbourg, Inscrit le 14 septembre 2008, 48 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (3 748ème position).
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Qui croire ? Que croire ?

Claire Plessis, pensionnaire du couvent de l'Assomption de Labastide Clairence au coeur du Pays Basque, accepte un poste saisonnier au château de Bassussaritz pour le compte de Lady Morgane, vieille dame anglaise vivant en Espagne, près de Bilbao. Il s'agit de perfectionner en langue française la jeune femme d'origine lapone : Aïno. A son arrivée, Claire se rend très rapidement compte que sa protégée parle parfaitement le français et que cette dernière lui adresse le dédain le plus total. Quelle est alors la raison de sa présence ici ? Les raisons de ses appointements plus que généreux ? Serait-ce simplement pour occuper le temps de Lady Morgane, qui semble manquer de partenaires de jeux et de boissons ? C'est bien ce que Claire se résigne à faire face à l'attitude d'évitement d'Aïno laquelle, en effet, quand elle n'est pas recluse dans ses appartements privés entourée de ses abeilles, s'en va régulièrement des journées entières sans prévenir, ce qui a le don d'agacer au plus haut point Lady Morgane. Cette dernière est bavarde auprès de Claire, mais est-ce sincère ? Quoiqu'il en soit, elle n'hésite pas à se confier à elle de l'attitude d'Aïno, qu'elle considère pourtant comme sa fille adorée, mais dont les critiques répétées à son encontre engendrent un malaise chez Claire. Serait-elle prise à témoin pour un dessein mystérieux ? Il y a aussi l'histoire taboue de l'abbé Materne, évincé pour des motifs encore obscurs. Ce malaise se transformera en curiosité chez Claire, ce qu'elle regrettera amèrement par la suite.

Le mystère entourant Aïno est accentué par un terrible drame familial. Aïno est la comtesse d'Altona, dans l'île Magero, située dans la plus grande et plus nordique des régions de Norvège : le Finmark. Sixte, père d'Aïno, la bannira dès sa naissance du fait du décès de sa mère au moment de l'accouchement. Trois années après ce drame, Sixte épousera en seconde noce Gisèle d'Hammersford laquelle, par compassion envers Aïno, la confiera dès son plus jeune âge à une parente à elle : Lady Morgane. La loi salique ne s'appliquant pas dans le Finmark, ne s'agirait-il pas alors d'un complot contre Aïno destiné à récupérer son trône et ses biens au moment voulu ? A moins que tout cela ne soit qu'un écran de fumée derrière lequel Aïno se cacherait pour fomenter on ne sait quel projet.

Quel destin va se nouer entre Claire et Aïno ? Sans oublier Lady Morgane, et tous ceux, plus dans l'ombre, mais présents également. Toutes ces questions trouveront réponses de façon magistrale dans ce magnifique roman. Roman très féminin, puisque tous les personnages principaux sont des femmes, et que la narratrice n'est autre que Claire, à moins que cela soit Aïno, on ne sait plus... Les relations entre toutes ces femmes sont faites d'approches successives, minutieuses et prudentes. Ceci permet au lecteur de comprendre progressivement leurs fragilités et hésitations dans un climat soupçonneux et mystérieux à l'équilibre toujours fragile, lequel vacillera sur le tard, notamment lors de l'arrivée d'un homme. Il n'y a donc pas de grands héros, d'amours éperdus dans cet ouvrage, mais juste des êtres humains tentant de se comprendre eux-mêmes, patiemment, avant d'agir, brusquement. Ainsi, les actes, prémédités ou non, sont toujours brutaux quand ils surgissent, causant toujours des dégâts collatéraux, même pour soi-même. Leur enchaînement semble inéluctable, leurs conséquences toujours réelles. On découvre alors, parfois avec remords, souvent à son dépens, la faible maîtrise qu'on a de soi-même. Notre identité, toujours mouvante, s'ajuste au moment où nos actes dévoilent qui on est aux yeux des autres ; pire encore à vivre est le cas où on est seul à savoir ce que l'on a commis.
La vengeance y est ici un des moteurs de l'action, mais pas uniquement : pléthore d'autres sentiments différents font le même office.
Les descriptions "psychologiques" des personnages sont très fines. Une vraie réussite que ce roman. Pour ma part, l'un des tous meilleurs de l'auteur.

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Roman à clef.

10 étoiles

Critique de Angel54 (, Inscrit le 11 septembre 2010, 70 ans) - 1 février 2013

Sans doute l'oeuvre la plus sibylline de Pierre Benoit car tout y est nuance et perception subjective. Mystère des personnalités, curieuse ambiance ésotérique, nul ne peut s'y engager avec autant de talent que cet auteur dont la saveur littéraire n'est plus à expliciter.
Les contrées basque et scandinave n'ont-elles pas en commun le septentrion ibérique et européen où les caractères sont forgés au gré de ces climats parfois extrêmes ?
Le scénario est remarquablement tissé et nous transporte au fil des pages sur des terres où l'intrigue revêt un défi.
A n'en pas douter, Aïno restera son héroïne la plus insaisissable.
A lire sans modération !

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