Monsalvat de Pierre Benoit
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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La quête du Graal : chimère collective ou réalité individuelle ?
Préparant une thèse sur les Albigeois, François Sevestre, professeur en Histoire médiévale à la faculté de Montpellier, fait la connaissance d'une jeune femme lors d'un trajet en train. Coïncidence ou non, ils lisent tous deux le même ouvrage : "Croisade contre le Graal - Grandeur et chute des Albigeois". L'auteur n'est autre que Otto Rahn, archéologue allemand défendant avec ardeur l'hypothèse selon laquelle le Graal (la coupe dans laquelle Joseph d'Arimathie aurait recueilli le sang du Christ sur le mont Golgotha) aurait été une des pièces constitutives du trésor de l'église cathare (les hérétiques albigeois du 13ème siècle). Puis, qu'à la suite d'un mystérieux périple, il se trouverait encore à ce jour dans le château de Montségur, en Ariège. François Sevestre ne croit guère en cette hypothèse qu'il juge farfelue. Cette jeune femme s'en étonne ironiquement. Mais qui est-elle ? Au moment de se séparer il reste pantois du fait qu'elle connaisse son nom. Dès le lendemain, il comprend qu'elle assiste régulièrement à ses conférences afin de préparer elle aussi une thèse. Consultant brièvement les registres d'inscription, il découvre que son nom de famille est rattaché aux seigneurs suzerains de Montségur ! Et que son lieu de naissance n'est autre que Monsalvy : y aurait-il un lien avec le Monsalvat présenté dans "Parzival" écrit en 1205 par le chevalier et poète Wolfram von Eschenbach ?
Nous ne doutons pas un seul instant sous la plume de Pierre Benoît qu'un rapprochement s'effectuera avec force entre ces deux ! François Sevestre sera pris entre deux feux : garder l'équilibre entre une vie familiale stable et heureuse (marié et père d'une fillette de 6 ans) et un désir grandissant pour cette quête du Saint-Graal, ainsi que pour la belle Alcyone. Profitant d'un congé exceptionnel de quelques semaines fin 1943, accordé par le doyen de la faculté pour mener quelques investigations quant au Graal, il prendra la route avec Alcyone en direction du château de Monsalvy, où vit encore la mère de cette dernière. Là-bas, deux officiers allemands sont en garnison : le lieutenant Karlenheim et le major Cassius. Tous deux, en secret l'un pour l'autre, effectuent des recherches in situ quant au Graal. Confidente pour ces deux, Alcyone obtiendra leur cheminement : l'un revient de Montségur, bredouille ; l'autre l'a quitté pour Montserrat, sans plus de succès. Néanmoins, Alcyone et son acolyte tenteront à leur tour leur chance dans ces deux châteaux. Le parcours sera jalonné de nombreux arrêts et recherches. Une étape sera même décisive pour François Sevestre : celle effectuée chez des cousines d'Alcyone.
Un roman très conventionnel, esthétique mais sans surprises, ayant pour principal attrait la trame historique très envoûtante et mystérieuse, laquelle nous est servie et agrémentée par des dates clés, ainsi que des explications concernant les cathares : l'Inquisition, les persécutions, les mises à mort au bûcher, les fuites, l'illustration des secrets de famille et des tensions en résultant... Alcyone porte encore en elle le poids tragique de l'histoire de sa famille, symbolisant même jusque dans son prénom, certaines clés permettant de décrypter le Mystère. Elle semble également représenter la femme solitaire et solide qui doit avancer pour échapper à son destin et bâtir sa propre vie. C'est donc pourquoi, sur les recommandations de son père, elle refuse catégoriquement de penser au Graal. Pourquoi alors ce revirement ? François, quant à lui, représente la passion : celle qu'il éprouve pour son domaine d'étude, mais aussi celle amoureuse. Mais cet amour, sans retour apparent chez Alcyone, reste complexe, impossible, honteux, inavouable même : la passion, admirable, rejoint donc ici la tentation, moins vertueuse.
La fin est à la fois tragique et glaciale par certains aspects, mais aussi belle et symbolique pour d'autres. Impossible d'en dire plus. Quand même : qui n'a jamais rêvé de partir à la quête du Graal ? Mais que revêt le Graal pour chacun d'entre nous ?
Les éditions
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Monsalvat
de Benoit, Pierre
Albin Michel / Le Livre de Poche
ISBN : SANS000022468 ; 01/01/1957 ; 190 p.
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Un roman plein d'attraits...
Critique de Shelton (Chalon-sur-Saône, Inscrit le 15 février 2005, 68 ans) - 3 novembre 2012
Il est évident que Montsalvat n’est pas le plus grand des romans de l’académicien Pierre Benoît. Pourtant, il attire mon attention pour plusieurs raisons qui devraient nous pousser à le relire et à y découvrir des clefs de compréhension de ce romancier. En effet, voici un écrivain catholique pur jus, un homme de conviction, qui vient flirter avec l’hérésie cathare. Ne nous y trompons pas, il vient jouer avec le diable ou le défier, les yeux dans les yeux… Et pourquoi donc ? Aurait-t-il perdu la foi ? Non, et ce n’est pas au moment de la maladie de sa femme bien aimée qu’il renierait tout. Non, de ce côté, je crois qu’il est important de comprendre que sa foi, en son for intime, n’est pas en cause. Par contre, avouons que l’église l’a probablement déçu lors de la seconde guerre mondiale et tout particulièrement durant l’épuration qui a failli, ne l’oublions pas, l’emporter. Aussi, montrer un attachement à l’hérésie, tout en partant aux côtés de son héros, à la quête du Graal, peut être interprété comme un petit croche-pied à certains ecclésiastiques… et c’est là une de mes interprétations de ce roman.
Mais c’est aussi le roman de la passion. Pas la passion amoureuse car je crois que les liens entre François Sévestre et sa femme ou François Sévestre et sa maitresse Alcyone – ah, une héroïne dont le prénom est en A, le drame n’est pas loin – sont secondaires. La véritable passion, celle qui brûle tout sur son chemin, c’est la quête du Graal. Plus on s’approche de lui, plus le danger est grand…
L’histoire se déroule pendant la guerre, en pleine occupation allemande. François Sévestre est professeur d’histoire, maitre-assistant à l’université de Montpellier. Il prépare sa thèse, il en est aux dernières retouches. Il travaille sur la fin des Cathares… Alors que tout aurait dû bien se passer jusqu’à la fin, il rencontre de façon inopinée une jeune femme héritière d’un nom, d’une terre, de la tradition cathare… et tout se dérègle en lui…
Je vous passerai tous les détails que vous vous ferez un plaisir de découvrir vous-mêmes en lisant ce roman, mais sachez que dès qu’un homme se met en quête du Graal – de son Graal d’une façon générale – rien ne peut plus lui faire garder la tête froide. C’est comme un collectionneur sur le point d’acquérir une pièce qu’il cherche depuis des années et qu’il croyait inaccessible… Ni sa thèse à terminer, ni son recteur, ni sa femme, ni sa fille, ni sa maitresse… rien ne peut le protéger…
Ceci est valable pour les hommes comme pour les femmes et il s’agit de la passion ! Pierre Benoît a-t-il connu la passion ? Oui, j’en suis intimement convaincu et cela explique ce roman, ce très bon roman si on oublie l’aspect strictement historique et ésotérique… La passion de Pierre Benoît ? Mais sa femme, tout simplement, celle qu’il est sur le point de perdre quand il écrit ce texte…
L'histoire sans fin
Critique de Antinea (anefera@laposte.net, Inscrite le 27 août 2005, 45 ans) - 6 avril 2010
Il n’en faut pas plus pour que Sévestre, bien évidemment déjà sous le charme irrésistible de la belle Alcyone, se lance avec elle sur les traces du Saint Calice, oubliant cours magistraux, thèse et… famille.
Pierre Benoît brode une intrigue autour du Graal et des hypothétiques mais néanmoins fortement suggérés lieux dans lesquels le Graal aurait séjourné : Monsalvy dans le Cantal ou bien les plus probables monastères de San Juan de la Peña et de Montserrat en Espagne. Un rayon lors du solstice d’hiver, une carte griffonnée à la va-vite, et nous voilà dans une ambiance trigonométrique qui n’aura pas d’explication. L’essentiel porte sur la relation platonique des protagonistes, l’énervant professeur et la dominatrice Alcyone. Des personnages peu attachants, très conventionnels pour qui est habitué aux moins bons opus de cet auteur. On aura compris, malgré le plaisir que j’ai eu à retrouver l’écrit parfait du romancier (et à voyager dans ces petits coins de France et de Catalogne que j’aime beaucoup) que je ne recommanderais pas Montsalvat à celui ou celle qui souhaiterait découvrir Pierre Benoît. Un livre agréable donc mais à ne mettre que dans l’épaisseur raisonnable de sa pile.
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