Le Destin de Mr Crump de Ludwig Lewisohn
( The case of Mr. Crump)
Catégorie(s) : Littérature => Anglophone
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Le monstre au quotidien
Un fort jeune homme tombe dans les rets d'une femme de vingt ans son aînée. Il l’épouse et cela donne un livre qui fit scandale dans les années trente. La description, souvent minutieuse, de ce qu'est la vie de ce couple mal assorti, nous laisse peu à peu pénétrer dans l’enfer. Le lecteur devine la suite, sans y croire, en l'estimant impossible, et pourtant non, c'est imparable : dans le contexte du milieu et de l’époque, tout se tient, il n’y a pas d’alternative. Fascinant. Peut-être quelques extraits pour montrer la détresse du personnage masculin ? « Si elle était jeune et m'avait donné des enfants, ce serait pénible, abominable et accablant. Mais étant donné son âge (.) c'est purement grotesque, c'est une caricature obscène de la vie de famille ». Mais ce serait une erreur d’avancer l’âge de la femme comme cause du problème : les 3 petits points entre parenthèses ne sont pas là pour rien. Nous avons tous connu quelqu'un, homme ou femme, doté, d'une volonté et d’une sottise implacables.
Coincé, le personnage masculin « se réfugia dans le devoir, vieux palliatif, vieille nourrice murmurante qui nous laisse regarder, la conscience tranquille, notre vie saigner jusqu’à la mort ». Vous sentez la chair de poule qui s'étend ? Bref, il vient un moment, et la vie de ce couple le démontre, où les désagréments de la vie prennent l’allure d'une véritable catastrophe. L’objectif du livre (déclaré en postface sous couvert d’un auteur fictif) est assez mesquin: montrer que la femme mariée a trop « d'atouts dans son jeu ». Mesquin donc et difficile à avaler tel quel depuis que le féminisme est passé par chez nous . Je pencherais plutôt pour une question du genre : comment peut-on être un monstre ? Merle s’était un peu posé cette question (« La mort est mon métier ») à propos des grands monstres de l’Histoire. Lewisohn le fait pour les petits de la vie quotidienne. Et il le fait avec une froideur de ton qui ajoute à l’horreur. Pour les pervers, je conseille de lire en essayant de comprendre et d'apprécier le personnage féminin.
Lisez. Cela vous réconciliera avec votre belle-mère.
Les éditions
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Le destin de Mr Crump [Texte imprimé], roman Ludwig Lewisohn préf. de Thomas Mann trad. de l'anglais par R. Stanley trad. revue par Anna Noël
de Lewisohn, Ludwig Mann, Thomas (Préfacier) Stanley, Richard (Traducteur)
Phébus / Libretto (Paris. 1998).
ISBN : 9782859405427 ; 5,48 € ; 17/09/1998 ; 406 p. ; Poche
Les livres liés
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Les critiques éclairs (8)
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Quand le mariage est un enfer
Critique de Cédelor (Paris, Inscrit le 5 février 2010, 53 ans) - 1 mai 2021
Les deux premiers chapitres racontent les origines des deux principaux personnages du roman, Herbert Crump et Anne Bronson Vilas, autour desquels toute l’œuvre est bâtie, avant qu’ils ne se rencontrent. Rétrospectivement, ils sont indispensables pour bien comprendre ce qui va suivre. Cette entrée en matière a un air de Betty Smith, dont le style et l’atmosphère se rapproche de son roman « Le Lys de Brooklyn ».
Ensuite, Ludwig Lewisohn nous fait assister à leur rencontre, puis à leur mariage. Et là, on s’éloigne indubitablement de Betty Smith, même si ça déroule dans le même monde et la même époque… Tout le reste du livre, jusqu’à la fin, n’est qu’une longue descente aux enfers conjugale… En effet, Herbert et Anne, quoique mariés, sont tellement dissemblables qu’il paraît impossible qu’ils puissent rester ensemble autant d’années en tant que mari et femme. Outre déjà que Anne est de 20 ans plus âgée que Herbert, cette dernière est clairement un cas pathologique, manipulatrice, possessive, coléreuse, toxique à l’extrême. Et le pauvre Herbert est enfermé dans ce cruel mariage sans qu’il puisse trouver de solutions pour en sortir. Toutefois, Herbert a aussi sa part de responsabilité dans ce qu’il lui arrive. A l’inverse complet d’Anne, c’est un être doux, sensible, rêveur, dont le talent pour la musique est tel qu’il devient peu à peu, malgré son enfer conjugal, de plus en plus reconnu comme musicien et compositeur. Comment tout cela finira-t-il ? C’est ce qu’on se demande fiévreusement en tournant les pages !
C’est un livre à la fois admirable pour le ton et le style employé, tranquille, descriptif, qui expose les faits simplement, avec recul, presque clinique, et nous fait connaître en profondeur les pensées et sentiments intimes de Herbert, et par la construction littéraire où l’auteur prend son temps de bien développer la relation toxique entre les époux et son évolution, en n’omettant aucun détail même les plus sordides et ne nous épargnant rien de tout ce que ce mariage a de faussé et d’épouvantable.
On comprend ainsi pourquoi on qualifie ce livre « d’insoutenable ». Il est en effet insoutenable de suivre toutes les malheurs subis par Herbert du fait des continuelles machinations de sa femme pour le garder pour elle. C'est un livre âpre, qui fait remuer bien des sentiments personnels en nous : colère, indignation, consternation, dégoût,... Ce n'est pas une lecture qui rend indifférent émotionnellement.
Mais aussi dur et édifiant qu’il soit, c’est aussi une histoire solidement charpentée, écrite sérieusement, avec un rien d'ironie, une once de malice, une lueur de moquerie à l'égard de ses personnages, avec un mélange d’intelligence, de tendresse, de sensibilité, d’horreur. Un grand livre, centré sur les relations humaines, aussi délétères qu’elles soient. Et quoi de plus délétère que l'histoire de ce jeune homme pris au piège de la folle passion d'amour destructrice d'une femme ?
Au-delà du récit de l’histoire d’un couple dysfonctionnel, à mon avis, il semble que l’idée centrale du livre soit une critique des institutions et des préjugés de la société, comme quoi, la femme mariée détiendrait « tous les atouts dans sa manche en cas de divorce ». Il s’agit de la société du début du 20ème siècle en Amérique. Mais, même si le livre est éclairant de ce point de vue, il n’est pas vraiment convaincant. Car nul doute que si une femme mariée était convaincue d’adultère, la société et sa justice se montrerait tout autant impitoyable qu’envers un mari volage. Heureusement, les mœurs ont changés depuis, même en Amérique.
L'enfer du couple
Critique de DE GOUGE (Nantes, Inscrite le 30 septembre 2011, 68 ans) - 30 novembre 2012
Quelle violence dans cette étude minutieuse de la destruction au quotidien d'un homme par celle qu'il a épousée. Cruauté et certitude d'une part, naïveté et lâcheté de l'autre ! L'enfermement, qui fait suite à la découverte de la mesure de ce que le conjoint offre, est littéralement fascinant, destructeur et d'une rare cruauté...
Après une première lecture "découverte" où l'écoeurement l'emporte, j'ai relu cet ouvrage en imaginant les rapports inversés....
Et soudain, on rentre dans des perspectives plus "classiques" : domination, pouvoir de l'argent, faux-échanges, annihilation de l'autre, ça devient plus confortable, plus "normatif" et tellement moins choquant....
Si ce livre a fait tellement scandale, n'est ce pas parce qu'il met en scène l'inverse de ce que notre société véhicule ?
Je hais le personnage de Mme CRUMP, je haïrais également celui d'un M CRUMP, s'il s'avérait de la même eau. Mais M CRUMP tyrannique ne serait-il pas passé inaperçu tant son personnage est classique ?
A vous de voir !
Juste incroyablement possible...
Critique de Tristia (, Inscrite le 13 septembre 2010, 58 ans) - 13 septembre 2010
Et pourtant réaliste...
Critique de Falgo (Lentilly, Inscrit le 30 mai 2008, 85 ans) - 14 août 2009
Cependant les 100 premières pages sont essentielles pour comprendre le parcours personnel et social des deux protagonistes principaux et l'enchevêtrement de leur destinée commune.
Les mécanismes de domination et de soumission décrits sont, à mon sens, d'un implacable réalisme et rendent compte avec une précision chirurgicale de la montée vers l'horreur de ceux que leur destin personnel rend incapables de s'échapper (voir Dr Freud).
Je signale à ceux qui ont aimé ce livre un autre ouvrage (Roger Rabiniaux, "Impossible d'être abject", voir critique sur le site) qui traite de manière proche le même sujet, dans des circonstances très différentes.
L'art de la cruauté
Critique de Gaufrette (, Inscrite le 19 mars 2006, 56 ans) - 2 juin 2006
Car il s'agit bien de torture dans ce roman, dans ce couple, et le pauvre Herbert Crump est certainement une des plus belles figures masochistes de la littérature.
Faut-il seulement voir dans cette histoire une critique du puritanisme début XXème ou plus largement une réflexion sur l'ambiguïté des relations bourreau-victime ? Pas étonnant que Freud admirait ce roman...
Un conseil cependant pour le lecteur : les cent premières pages sont bizarrement assez indigestes, écrites laborieusement, mais il ne faut pas hésiter à continuer la lecture car le style se fluidifie peu à peu et la suite du roman est un sommet ! Vous n'oublierez jamais les Crump !
Insupportable, détestable et coriace, c’est Miss Crump
Critique de Manu55 (João Pessoa, Inscrit le 21 janvier 2004, 51 ans) - 6 avril 2004
Une certaine gêne
Critique de JASMIN (, Inscrite le 21 février 2004, 64 ans) - 21 février 2004
Je ne dois pas être pervers...
Critique de Jules (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 80 ans) - 10 février 2002
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