Le sari vert de Ananda Devi Nirsimloo

Le sari vert de Ananda Devi Nirsimloo

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par CC.RIDER, le 23 février 2010 (Inscrit le 31 octobre 2005, 66 ans)
La note : 4 étoiles
Moyenne des notes : 5 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 3 étoiles (56 124ème position).
Visites : 4 158 

Femmes, je vous hais...

Dans une maison de Curepipe, sur l'île Maurice, Kitty, une femme d'âge mûr et Malika, une jeune fille, veillent sur un très vieil homme, le docteur Bissam, un médecin hindou surnommé Dokter-Dieu, qui vit ses derniers instants dans une grande souffrance morale. Entre eux trois, plane l'ombre de la mère de Kitty, morte dans des circonstances troubles, à l'age de vingt ans et peu de temps après qu'elle ait mis au monde un fils mort quelques jours après sa naissance. Bien que les deux femmes aient hâte que leur père et grand-père meure pour enfin toucher l'héritage, elles veulent néanmoins qu'il leur révèle auparavant toute la vérité sur ce drame familial. Le discours du mourant va être aussi surprenant que violent...
Quel supplice que la lecture de ce bouquin ! Sur son lit de mort, ce toubib si dévoué envers ses patients se révèle avoir été un détestable mari, un médiocre père et un abominable grand-père. Quels trésors de haine recuite n'a-t-il pas accumulé contre sa famille : sa femme qu'il battait et insultait parce qu'elle n'était pas une bonne cuisinière, sa fille qui tomba amoureuse d'un minable bibliothécaire alors qu'il voulait un beau mariage et surtout sa petite-fille qu'il prend pour une débile mentale parce qu'elle a perdu sa place d'institutrice et parce qu'homosexuelle, elle fait l'amour avec une grosse matrone d'origine africaine. Ce livre n'est qu'une longue diatribe assez indigeste contre les femmes, non dépourvue d'une certaine mauvaise foi et de longs développements plus ou moins philosophiques. Jamais rien lu de plus nihiliste ni de plus hargneux écrit par une femme sur ses consoeurs dans un style un peu lourd et qui s'autorise parfois quelques menues privautés avec la ponctuation...
Extraits :
(On est prévenu dès l'introduction): « Si vous souhaitez des joyeuseries, passez votre chemin. Si vous pensez sortir d'ici le ventre grouillant de bons sentiments, vous vous êtes trompé de porte. »
« Celui que l'on dit monstre est l'expression la plus belle et la plus achevée de l'espèce. »
« Mais vous, les femmes, vous vous obstinez à jouer le beau rôle alors que vous êtes les ravageuses. Les glaneuses de souvenirs périmés. Votre envie de fouiller l'envers des choses vous perdra toujours, et toujours vous recommencerez. Vous êtes des mollusques, vous vous faufilez, vous vous trainez dans votre glaire, vous pénétrez les trous qui ne vous appartiennent pas... »
« Mais l'errance risque d'être longue, mes pauvres amis. Car ce n'est toujours pas assez. Maintenant elles préfèrent se tourner vers les femmes et se passer des hommes, qui eux se tournent vers d'autres hommes. C'était prévu dans les livres sacrés. C'est l'ère de Kali, le Kali Yuga de toutes les déchéances, des valeurs bafouées, des cartes brouillées... »

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6 étoiles

Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 29 octobre 2021

Huis-clos d’un mourant misogyne avec sa fille et sa petite-fille.
Curepipe, Ile Maurice : le docteur Bissam, hindou, est sur son lit de mort. Il est veillé par Kitty, sa fille, et Malika, sa petite-fille.
Rarement personnage central de roman se montre aussi antipathique et odieux ! Si, à la limite dans des romans de Céline ! On comprend très rapidement que Kitty et Malika ne sont à son chevet que par obligation et pour, en quelque sorte, expédier les affaires courantes et fermer la page du père-grand-père misogyne. Il n’est qu’amertume, invectives et méchanceté.
Mais Kitty et Malika aimeraient bien avoir le fin mot sur un drame qui n’a apparemment jamais été soldé ; la mort de la mère de Kitty (la femme du docteur donc), très jeune (quinze ans lorsqu’elle s’est mariée) et dans des circonstances peu claires. Le docteur Bissam étant sur son lit de mort, et ce fait étant connu et de lui et d’elles, elles espèrent qu’elles auront accès aux explications auxquelles elles estiment avoir droit.
Mais voilà, il faut supporter les diatribes et éruptions de haine envers les femmes du « bon » docteur. Et le lecteur aussi doit les supporter et ça n’en fait pas une lecture des plus faciles et agréables !
Quelque part Ananda Devi règle des comptes avec des attitudes patriarcales poussées à leurs limites, qui confine à des violences faites aux femmes. Il est à la merci de Kitty et Malika, puisque sur son lit de mort, et à la merci d’Ananda Devi puisqu’il est une de ses créations ! Ca ne peut que mal se passer pour lui ! Et de fait …

» Bien sûr, après avoir frappé quelqu'un qu'on aime, il est normal d'avoir envie de se faire pardonner. Normal d'apaiser la peau rougie et enflammée par une caresse, par un baiser. Mais l'autre alors se sent plus fort et pense que ces excuses sont une reconnaissance de dette. Mes regrets ne signifiaient pas que je jugeais la violence excessive. Ils n'étaient qu'une manière de lui dire que, malgré la colère qu'elle avait provoquée, je l'aimais quand même. Je voulais ainsi lui dire : « je te pardonne tes bêtises ». Elle comprenait : « je n'aurais pas dû te frapper pour si peu de chose ». Nous étions à des pôles l'un de l'autre. Elle s'est obstinée à ne pas comprendre. »

Un roman placé sous le signe de la violence et de la haine. Une haine des femmes …

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