Intime connexion de Catherine Clémenson
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Intime annexion
Le sujet du livre. Comment dire ? Si j’en crois la quatrième de couverture, c'est. le pied ? l’extase ? le nirvana ? le panard ? le grand frisson ? la volupté ? la petite mort ? le septième ciel ? la jouissance ? le plaisir, tout simplement ? « l’éclair blanc qui vous soulève dans une explosion tellurique et laisse une trace de feu dans chacune de vos cellules », comme dit la narratrice ? Allez, lâchons le mot : le sujet du livre, si j'en crois la quatrième, c’est « l’orgasme ». Et je déteste le mot. La chose, c'est autre chose. Oui, bien sûr, dès les premières pages, nous fonçons tête baissée dans les fantasmes d'une femme de cinquante ans, veuve de ses amours et de beaucoup d’illusions, qui cherche désespérément « l'éclair blanc ».
Oui, bien sûr, elle recrute sur Minitel ses partenaires de rencontre, dans une loterie parfois dangereuse où elle espère à chaque fois gagner le gros lot, le gros bibelot, celui qui fera d'elle une « vraie femme », ainsi qu’il est décrit dans les mythologies. Certes, la narratrice décrit assez longuement ses ébats variés, réels ou fantasmatiques. Mais le roman ne se borne pas à cela. Loin de là. Il s’engage sur la voie du féminisme ? Oui, bien sûr. Comment pourrait-il en être autrement quand « pour les cons bornés et rougeauds, les assassins à tête d'homme derrière leur volant en ronce de noyer, on est rien que des vieilles salopes… » ; quand. « coincée, ou salope ! Voilà ce qu'on est, pour la majorité des démocrates dans les pays riches… » Mais le roman, le premier roman de Catherine Clémenson ne se borne pas à cela. Loin de là. Car le titre a beau jouer sur les mots, en basculant le deuxième N afin d’isoler la syllabe inCONcevable pour les précieuses ridicules ; en évoquant l'artificielle « connexion » par Minitel qui relie la narratrice à ses fragiles fiancés... c’est nous, lecteurs, qui sommes en phase, d'emblée, et de plus en plus fort au fur et à mesure que l’araignée dévide son fil ; c’est nous qui sommes en « intime connexion » avec. une voix. Un envoûtant monologue (j’ai pensé à la Yasmina Reza d'« Une désolation ») sur la solitude désespérée d’un être humain qui brûle ses dernières cartouches.
Oui, ce livre est une quête. Et peut-être d’abord, derrière la chose, une quête harassante des mots : «C'est cette mystérieuse union, j’en suis sûre, qui avait rallumé les connexions, et fait refluer des profondeurs à la surface de la peau et sur toute l'épaisseur de la masse musculaire, ce frisson enfoui. Mais ce n’était pas encore ça, j'avais à explorer d’autres voies plus secrètes. Chercher les bons interlocuteurs. Les mots, de nouveau, s’étaient englués. » Une quête pour sortir du gouffre des jours : « J’étais comme un gros caillou au milieu d’une rivière, je sentais l’eau glisser de chaque côté et se refermer derrière moi et je m'enfonçais dans le limon, de plus en plus profondément. Je commençais à me dire que cet entre-deux, pour moi, n’aurait pas de fin… En broderie on appelle ça faire des
jours. » Et puis, de temps en temps, l'accalmie du souvenir : « Et tu as plongé ton regard dans mes yeux que je sentais aussi liquides et transparents que la mer dans les trous des rochers à mes pieds. et tu m’as chuchoté dans l'oreille « Mon bébé, mon bébé… » »
Jusqu’au moment où, enfin, les mots peuvent supplanter la chose, révélant à elle-même « cette femme qui tentait de naître » : « J’écartais les cuisses dans le soleil, et des mots, des milliers de mots m'assaillaient, des essaims de phrases, des tourbillons de souvenirs perdus, qui s’illuminaient, devenaient limpides, me poussaient à écrire, écrire, n'importe où, des bribes illisibles, des lambeaux de moments fulgurants. » Ecrire, oui, enfin. écrire ce livre qu'il nous reste à lire, pour le faire exister un peu plus. nous l'assimiler en une intime annexion…
Les éditions
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Intime connexion [Texte imprimé], roman Catherine Clémenson
de Clémenson, Catherine
M. Nadeau
ISBN : 9782862311685 ; 6,84 € ; 01/06/2001 ; 200 p. ; Broché
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