L'ange de pierre de Margaret Laurence

L'ange de pierre de Margaret Laurence

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Saumar, le 12 février 2010 (Montréal, Inscrite le 15 août 2009, 90 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (2 187ème position).
Visites : 3 736 

Tenacité à toute épreuve

Libre et indépendante, Hagar Shipley mène sa vie comme elle l’entend. L’auteure a fait, de ce personnage, une femme forte et combative. Orgueilleuse au point qu’elle cache ses moindres faiblesses et se refuse à toute résignation. Elle aime la vie, et l’optimisme demeure en dépit de tous ses déboires. D’une famille aisée, Hagar subit une éducation rigide et hérite du caractère de son père. Elle va à l’école avec quelques amies un peu « snob » Charlotte Tappen, fille de médecin et Lottie Drieser, ce qui n’ébranle pas cette Hagar toujours appliquée, et d’une fierté tenace. Margaret Laurence, a la plume facile et a su bien structurer son roman. Elle multiplie les plongées dans le passé pour nous faire connaître l’authenticité du personnage. Lorsqu’on rencontre Hagar, elle est âgée de 90 ans, bien déterminée et obstinée. Il est difficile d’apercevoir la sensibilité qu’elle peut ressentir, et ce, autant dans le passé que dans le présent. Après avoir travaillé trois ans pour son père, Hagar âgée de 24 ans lui annonce qu’elle va épouser Brampton Shipley. Elle n’accepte pas le refus de son père et quitte la famille, donc celle-ci n’assiste pas à son mariage et c’est la mère de Charlotte qui donne la réception. Bram est fermier, il est veuf, et de 14 ans son aîné. Il est plutôt bel homme, grand et fort. « J’aurais été fière, dit-elle, d’aller en ville ou à l’église avec lui, si seulement il n’avait jamais ouvert la bouche ». C’est qu’il est malotru et grossier. Hagar a deux fils, Marvin et John, qu’elle élève dans des conditions modestes. Il existe une certaine ambiguïté dans ses sentiments envers ses fils. Préférant John, elle voit en lui la continuité des Currie, mais cet espoir n’aura servi à rien. Quant à Marvin, ce garçon, plutôt lent, ne se laisse jamais émouvoir. Elle quittera son mari qui s’adonne à la boisson, et elle demeurera dans sa maison avec Marvin et sa femme Doris.

La nonagénaire, l’esprit encore alerte, a mal aux côtes et ses jambes peuvent à peine la supporter. Une fois de plus, elle tombe et ne peut se relever seule. Marvin et Doris l’aident. Ils en profitent pour lui parler de la maison de retraite annoncée à la télévision. Elle décide de prendre le bus pour aller s’installer dans le vieux chalet où elle a connu jadis un peu de bonheur. Elle prie le ciel de donner à son pauvre corps usé la force pour se rendre au bord de la mer. Enfin, elle aperçoit l’ancienne conserverie de poisson. Elle entre et inconsciente de tout, hormis de son extrême fatigue, elle se couche en chien de fusil sur le sol et s’endort aussitôt. Elle s’éveille courbaturée, tremblotante. Elle s’inquiète de savoir comment elle ferait sans personne pour l’aider; « Si je retournais à la maison, Doris me servirait mon petit déjeuner ». Non, elle ne le fera pas. « Doris serait trop contente de lui dire qu’elle ne pouvait la quitter des yeux ». Arrive soudain un homme dans la poissonnerie. La surprise de l’un, et la peur de l’autre passée, ils en viennent à communiquer tant et si bien qu’elle partage la bouteille de vin de cet inconnu. Ils parlent de leur famille respective. Elle lui raconte que son fils John est décédé d’un accident. M. Lee, ajoute que lui aussi a perdu un fils, dans l’incendie de sa maison. Il fait si froid ici, dit Hagar. Il veut lui passer son manteau de tweed, mais elle refuse; mon cardigan suffira. Ils s’approchent l’un de l’autre pour se réchauffer et s’endorment. Le lendemain matin, Hagar se réveille se demandant ce qu’elle faisait là. Elle est couverte jusqu’au cou d’un manteau de tweed gris. Puis, elle entend des pas et finit par voir Marvin et Doris. Près d’eux, il y a un étranger aux yeux inquiets. Marvin prend le bras de sa mère pour la soulever et l’étranger s’avance pour prendre l’autre bras « Vous, ne me touchez pas ». Comment pouvez-vous être aussi dure envers M . Lees? », proteste Doris. Il vient de vous sauver la vie! Et l’homme s’en retourne chez lui. En route vers l’hôpital, Hagar demande à son fils s’ils allaient à cette maison de retraite. Non, dit Marvin, il est trop tard. Le médecin dit qu’il faut aller à l’hôpital. Hagar se dit juste un peu fatiguée et qu’elle n’ira pas à l’hôpital. C’est alors qu’ils lui disent ce qu’avaient révélé les radiographies. Cette révélation suffira-t-elle à lui faire lâcher prise?

Dès le début, Hagar donne le ton à ce récit émouvant et réaliste. L’auteure a su nous captiver en créant une héroïne d’une telle personnalité. Tellement attachante cette Hagar qu’on y pense longtemps, la lecture terminée. Il s'agit d'aller visiter un membre de sa famille, dans une telle maison, pour penser comme elle. Il m’a rarement été donné de lire un récit de vie aussi crédible.

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J'ai pensé à mes grand-mères...

10 étoiles

Critique de AnnyPeron (, Inscrite le 16 septembre 2006, 53 ans) - 7 septembre 2013

On ne voit pas le temps passer. Peut-être que moi aussi, comme Hagar, lorsque je serai une vieille dame, je me dirai que je suis un fardeau pour mes enfants… qui m’hébergeront dans la maison que je leur ai donnée.

Et je repenserai à tous les drames que j’aurai vécus, aux choix pas toujours judicieux que j’aurai faits.

Peut-être que je serai triste et que je me sentirai rageusement impuissante, lorsque mon corps usé me trahira, me compromettra lorsque j’essaierai de rester digne dans mon refus de me sentir traitée comme une impotente par ma belle-fille. Peut-être que je serai parfois odieuse avec mon entourage, de peur de paraître faible.

Peut-être que je ne me sentirai plus à ma place nulle part.

J’ai beaucoup pensé à mes grand-mères, lorsque j’ai lu ce livre. Elles ne sont plus de ce monde aujourd’hui, mais je suis sûre qu’elles ont ressenti parfois les mêmes choses que Hagar, l’héroïne de ce roman.

Un très beau roman, raconté à la première personne, par cette vieille dame que j’ai trouvé si attachante. Elle nous raconte son quotidien qu’elle refuse, et nous bascule subitement à des dizaines d’années en arrière, lorsqu’elle était enfant, puis adulte, avant de nous parachuter au temps présent, puis repartir en arrière encore une fois… Et c’est si bien raconté que l’on ne se sent pas perdu une seconde, malgré ces bonds dans le temps.

Hommage à toutes les vieilles dames, à tous les vieux messieurs que la vie ne laisse plus décider de leur vie.

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Extrait choisi :

« - Nous avons pensé, Doris et moi, que ce serait peut-être une bonne idée de vendre cette maison, Maman. »

Je ne peux pas parler, car la douleur sous mes côtes est revenue tout d’un coup.

« - Jamais tu ne vendras cette maison, Marvin. C’est ma maison. C’est ma maison, Doris. Elle est à moi. »

« - Non, dit Marvin en baissant la voix. Tu l’as mise à mon nom quand j’ai repris tes affaires en main. »

« - C’est juste, dis-je très vite, quoique à vrai dire je l’eusse oublié. Mais c’était par pure commodité, n’est-ce pas ? En réalité, c’est toujours ma maison. Marvin… est-ce que tu m’écoutes ? Elle est à moi, pas vrai ? » …/…

Je ne peux penser qu’à une chose : cette maison est à moi. Je l’ai achetée avec l’argent que j’ai gagné, dans cette ville qui aura fait office de chez-moi du jour où j’ai quitté nos prairies…/… Si je ne peux plus être partie intégrante de ces meubles et de cette maison, de ces réalités fugitives retenues, fixées ici, suffisamment éternelle en ce qui me concerne, alors je me demande si j’ai encore ma place quelque part.

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