Feu de Régine Vandamme

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Saint-Germain-des-Prés, le 8 février 2010 (Liernu, Inscrite le 1 avril 2001, 56 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (23 206ème position).
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8H20 d’apnée dans la vie d’un homme

Véritable apnée que cette plongée dans la vie d’Hugues, marquée par un tel désabusement, une telle lassitude que l’oxygène nous manque. Régine Vandamme confirme ici son immense talent d’écrivain de l’intime…

Adressé à la deuxième personne du singulier, ce texte couvre un peu plus de huit heures de la vie d’Hugues, 44 ans, reclus dans son appartement capharnaüm, coupé du monde en un repli total sur soi, ou plus exactement sur son non-soi. Car il n’est plus personne, Hugues, il tente de s’annihiler et semble parfaitement y réussir. Pourtant il fut un temps où il était marié, journaliste et actif, menant une vie dite « normale ». Son divorce et la séparation d’avec ses enfants constituent ses premiers pas en Solitude, l’unique terre d’accueil où il puisse à présent se réfugier. Sans que l’on sache exactement ce qui a provoqué ce basculement définitif, il se noie sans même appeler à l’aide. Sa femme lui manque, ses enfants lui manquent et c’est comme s’il se réduisait à cette poche de vide, il n’est plus rien, ne ressent plus rien. Les béquilles que furent dans un premier temps les médicaments et l’alcool ne soulagent plus de rien, mais lui sont quand même utiles pour organiser « cet ordonnancement maniaque de ton temps ».

Des années plus tôt, une première fêlure l’avait lézardé définitivement : « Tu as quitté la vie ce jour d’été 1983, tu avais vingt-deux ans ». Le reste de son existence, vaine tentative de recoller les morceaux de son âme, n’aura comme effet que de le plonger dans une torpeur morbide : « Car vivre ne t’est plus ennuyeux mais inacceptable ». Ou encore : « Un jour, tu as su que tu ne pourrais jamais être seulement toi. Complètement broyé, tu n’as eu d’autre choix que rester au seuil de toi-même, (…). Tu n’en as plus pu de ton âme noircie par des années rances. Tu t’es dit que, peut-être, tu pourrais faire sans âme. » « Chaque fois que tu sors de chez toi, tu as la nette impression que tu marches à la rencontre de ta propre disparition. Il faudrait que tu trouves le moyen de ne plus sortir pour te tenir à l’écart de ce péril indistinct. »

Admirablement écrit, dans le style pudique et retenu propre à Régine Vandamme, ce livre nous embarque avec lui : Hugues va droit dans le mur, c’est évident, et nous l’accompagnons de minute en minute dans son chemin à l’intérieur de lui, car il est son propre anéantissement, vers le noir total. Et que dire de la toute fin du livre, qui nous réserve un choc ? Toujours dans le suggéré, la chute de l’histoire est tout simplement à couper le souffle. Au-delà d’une histoire poignante racontée avec un fameux talent, « Feu » pose la question du sens de la vie (sens intrinsèque ou qu’on lui donne) d’une manière lancinante, qui va crescendo, jusqu’à l’asphyxie…

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Feu dévorant, délitant

8 étoiles

Critique de Ddh (Mouscron, Inscrit le 16 octobre 2005, 83 ans) - 11 juin 2010

Feu, feu de joie ? Pas du tout ! Plutôt un feu qui se consume à l’image du cordon du feuilleton Mission impossible. Une mission quasi impossible : sauver un homme déchu mais pas avec l’issue happy end hollywoodienne.
Régine Vandamme avait connu un beau succès avec son premier roman Ma mère à boire. Elle nous livre ici un nouveau roman Feu qui émeut également mais dans une autre situation conflictuelle : de la relation mère fille on passe à l’homme désabusé face à tout son entourage
Le lecteur suit le parcours d’Hugues W., 10 heures de canicule en juin. Un feu dévorant, délitant, asphyxiant ce journaliste qui connut la gloire avant une lente dégringolade. Etait-ce inscrit dans les astres ? Oui, au vu de l’attitude mère poule adulatrice qui se poursuit durant toute sa vie. Hughes W. se comporte en enfant gâté.
Ce 23 juin, minute par minute, il se rend compte de sa déchéance, des occasions ratées, des bonheurs ratés, de son couple raté.
Régine Vandamme rompt avec les canons traditionnels de style mais sans heurter. Au contraire, cet emploi du « tu » à travers tout le roman apporte une plus grande intériorité. C’est en quelque sorte la conscience d’Hugo qui l’interpelle en dénonçant toutes ses erreurs, comme un juge implacable. A chaque minute de cette ultime journée, le moindre acte le fait retourner en arrière et s’enfoncer un peu plus dans sa déprime à l’évocation de souvenirs douloureux.

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