Tribulations d’une femme au 18è siècle

« Heurs et malheurs de la célère Moll Flanders, qui naquit à Newgate, et, pendant une vie continuellement variée qui dura soixante ans, en plus de son enfance, fut douze ans une catin, cinq fois une épouse (dont une fois celle de son propre frère), douze ans une voleuse, huit ans déportée pour ses crimes en Virginie, et enfin devint riche, vécut honnête et mourut pénitente. D’après ses propres mémorandums ».

Voilà le résumé du roman qui se trouve sur la 4è de couverture du livre.

Dans ce roman, Daniel Defoe nous dépeint la vie d’une femme qui se fait appeler Moll Flanders dans le Londres du 18è siècle. Elle cherche une certaine stabilité financière et doit se battre pour survivre, une bataille entre la morale et le vice.

Le roman est bien construit. Il nous tient en haleine à chaque page et est plein de rebondissements. Il nous décrit les mœurs et les coutumes de la bonne (et mauvaise) société de l’époque, de la bourgeoise au voleur en passant par la prostituée et la gouvernante. Il nous décrit en particulier l’univers des voleurs d’une précision presque indécente. C’est grâce à son passé de journaliste et des faits divers qu’il a récolté au fil du temps que Defoe a pu nous livrer un récit si détaillé sur ce sujet. Defoe s’appuie aussi sur ses propres expériences, notamment lors de son séjour à la prison de Newgate.

Il manque néanmoins un peu de sentiment. Moll Flanders a eu plusieurs enfants au cours de sa vie. Et pourtant ses enfants ne sont mentionnés que par de courtes phrases. Elle a aussi épousé plusieurs hommes. Et pourtant peu de déclarations d’amour.

On pourra aussi reprocher le manque de détails quant à l’aspect du Londres et de la Virginie de l’époque. En tant que lectrice du 21è siècle, j’ai eu bien du mal à me faire une idée de ce à quoi pouvait bien ressembler l’environnement dans lequel Moll Flanders évoluait. Il n’y a pas non plus de vrai repère temporel : on signale à certains moments que nous sommes en avril ou en août. Ni de vrais noms cités (certes, on peut le comprendre). Pas assez de matière pour se forger une idée claire et précise de l’aspect « physique » de ses aventures. Il manque les odeurs et les couleurs.

Defoe s’en tient donc aux faits et aux faits seulement. Mais il faut garder à l’esprit que c’est Moll Flanders elle-même qui nous raconte son histoire. Elle nous la raconte d’une traite. Pas de chapitre, pas de pause. C’est le flot de toute une vie qui déferle, d’événements qui se succèdent sans aucun instant de répit, que Moll nous conte comme à un étranger croisé au coin d’une rue. Elle se confie à nous, nous révèle enfin son secret et ce qui lui pèse peut-être encore sur la conscience. L’histoire de sa vie ne doit pas être perdue car c’est aussi le combat d’une femme qui a cédé à la tentation du vol, du sexe et de la trahison et qui essaie malgré tout de tourner le dos à cette vie de débauche pour vivre honnêtement. Elle sert d’exemple à ne pas suivre, sauf dans sa repentance ; elle met en garde les femmes contre cette vie et prend à plusieurs reprises un ton moraliste. Moll ne trouvera la repentance et la force de changer de vie que lorsqu’elle sera jugée et condamnée à mort.

Moll Flanders est une chronique du temps jadis, l’histoire d’une femme et de ses péripéties. Defoe reste terre à terre lorsqu’il fait parler Moll et c’est cela qui fait toute la force du roman.

A ne pas manquer.

• 

  Moll Flanders [Texte imprimé] Daniel Defoe préface de Dominique Fernandez traduction de Marcel Schwob, revue et complétée par Francis Ledoux

  de Defoe, Daniel Fernandez, Dominique (Préfacier) Ledoux, Francis (Traducteur) Schwob, Marcel (Traducteur)
  Gallimard / Collection Folio
  ISBN : 9782070371099 ; 9,70 € ; 13/06/1979 ; 527 p. ; Poche

  Go Amazon

  Livrenpoche
• 

  Moll Flanders [Texte imprimé]

  de Defoe, Daniel
  Editions du Cénacle
  ISBN : 9782367888811 ; 7,90 € ; 09/10/2020 ; 306 p. ; Broché

  Go Amazon

  Livrenpoche