La reprise de Alain Robbe-Grillet

La reprise de Alain Robbe-Grillet

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Kinbote, le 13 janvier 2002 (Jumet, Inscrit le 18 mars 2001, 65 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 6 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 4 étoiles (49 782ème position).
Visites : 4 625  (depuis Novembre 2007)

Quand Robbe-Grillet s'amuse

Après avoir subtilisé les papiers de la victime, il se rend à son domicile, où il rencontre l'épouse et la fille de Von Brücke… Il mettra les pieds dans une tragédie familiale. Des notes en bas de page contestent à intervalles réguliers les propos du narrateur, reprenant le récit et le lançant sur de nouvelles voies. Mais qui parle dans ces notes, qui dit la « vérité » ?
Mises en abîmes en cascades, sujet multinomial, trafics d’identités, jeux avec les mythes (œdipe, Antigone), prolifération des doubles, fragments d'autobiographie, multiples brouillages du récit par l’insertion de scènes de rêve, de tableaux, de trompe-l’oeil sont quelques-uns des moyens, coutumiers de cet auteur, utilisés ici pour clouer le bec - en guise de conclusion, provisoire, espère-t-on, à une oeuvre sans cesse reprise, revisitée mais dans le but d'aller de l’avant -, à ceux qui le trouvent ennuyeux, illisibles, assassin de l’intrigue, inutile destructeur du roman à la papa, saccageur de nos habitudes de lecture en pantoufles.
Sur le fond il reste fidèle à ses fantasmes d’adolescentes savamment dénudées, délicatement martyrisées, mais toujours avec leur consentement, comme un des narrateurs tient à le préciser. Ce qui nous vaut des pages très sensuelles. Il traite de téton le bouton poli par les doigts des visiteurs des sonnettes demi-sphériques, invente pour rire la parthénothérapie affective (la santé mentale par le commerce des fillettes prépubères) et, prêtant à la subtile motte intime féminine des vertus mémorielles, il lui donne le joli nom de madeleine.
Qui a dit que Robbe-Grillet était rasoir (alors pour couper les poils de notre entendement paresseux) ? Il s’amuse, et on suit dans les méandres de la galerie qui se bidonne ses nombreux « je » avec un évident sourire aux lèvres, maintenant que ses provocations ne crispent plus que les esprits chagrins et que notre néo-romancier est d’une certaine façon entré dans le musée de cire des écrivains prestigieux.
Le nouveau Robbe-Grillet est arrivé. Il se boit dans un flacon aux suggestives formes évasées; il possède en plus des rondes vertus déjà éprouvées le goût éternel des jeunes filles en fleurs.

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Je ne suis pas un mutant !!

4 étoiles

Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 67 ans) - 4 avril 2017

Soulagé de constater combien je suis loin d’être un mutant. Alleluïa ! Je me réfère là à une assertion de Gotlib, le fameux philosophe ( !!) ayant écrit un jour qu’on savait qu’on était un mutant si l’on était capable de replier une carte routière dans ses plis du premier coup ( !) ou… de comprendre un roman d’Alain Robbe-Grillet !!

(Bon, en réalité la citation (de Gotlib) exacte est la suivante : « Le mutant est un homme qui a subi, comme son nom l'indique, une mutation. Il en résulte un être magnifique, doué, notamment, d'une intelligence surhumaine. Intelligence qui lui permet d'atteindre des niveaux d'abstraction inaccessibles au commun des mortels, comme de comprendre un film d'Alain Robbe-Grillet ou de décrypter un horaire de chemins de fer. De même, après avoir consulté une carte routière, le mutant est capable de la replier sans se tromper ... DU PREMIER COUP! »)

« Nouveau roman » ; je ne suis pas encore familier du concept mais … première expérience avec cette « Reprise » … et pas franchement convaincu. Disons que, de même qu’il me faut beaucoup de tâtonnements pour replier correctement une carte routière, je n’ai pas franchement compris « la reprise » !
Et c’est dommage. Ca partait bien, dans une tendance et une ambiance évoquant « Le troisième homme », de Graham Greene ou un roman d’espionnage de John Le Carré. Et bien écrit, sollicitant l’intelligence et la sensibilité du lecteur. Je m’installais correctement dans cette lecture. J’étais dans le Berlin post-conflit mondial de 1949, avec les zones d’influence américaine, française, britannique et soviétique, j’y étais … et puis insensiblement l’ombre d’un doute s’est immiscé – je me suis dit que je n’étais pas assez concentré – puis c’est le doute lui-même qui, pour le coup, m’a fait douter, puis j’ai fini par comprendre qu’en fait on se foutait de moi.
Au prétexte purement dogmatique de « déstructuration », de non-nécessités de héros ou d’intrigue, bref au nom du concept de « nouveau roman », Alain Robbe-Grillet cassait le jouet, larguait délibérément son lecteur, le rendant dans l’impossibilité de savoir qui réellement était le narrateur, voire qui était qui, et jusqu’à quel point. Pathétique !
C’est donc ça le « nouveau roman » ? (ou plutôt c’était ça ?) Dieu me garde du dogmatisme qui tue simplicité et naturel. Je connais leur mot d’ordre, je l’ai percé à jour : « Pourquoi faire simple … ? »
Non je ne lâcherai pas John Le Carré, Graham Greene ou John Irving pour de la bouillie à chat aux arômes artificiels.
C’est avec beaucoup de circonspection que je vais aborder mon prochain Robbe-Grillet !

Le flou

6 étoiles

Critique de OC- (, Inscrit le 4 mars 2011, 27 ans) - 29 mars 2011

" Nous sommes à Berlin, en novembre 1949. HR, agent subalterne d'un service français de renseignement et d'interventions hors normes, arrive dans l'ancienne capitale en ruine, à laquelle il se croit lié par un souvenir confus, remontant par bouffées de sa très jeune enfance. Il y est aujourd'hui chargé d'une mission dont ses chefs n'ont pas cru bon de lui dévoiler la signification réelle, préférant n'en fournir que les éléments indispensables pour l'action qu'on attend de son aveugle fidélité. Mais les choses ne se passent pas comme prévu... A. R.-G. "
En effet, les choses ne se passent pas comme prévu, et comme l'a justement dit Kinbote, Robbe-Grillet s'amuse avec nous : le héros est parfois désigné par je, parfois par il, change de nom, ne se retrouve plus entre des rêves, des hallucinations, la réalité, des souvenirs d'enfance, son jumeau qui rôde, qui se fait passer pour lui, les espions qui le surveillent.
Le texte, rédigé sous forme de rapport, est parsemé de notes d'un autre narrateur, nous embrouillant toujours plus.
Dommage, Robbe-Grillet se perd en descriptions vraiment lourdes et rébarbatives, avec une prose des moins "belles".

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