Terres noires, terres blanches de Andrew McGahan

Terres noires, terres blanches de Andrew McGahan
( The white earth)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Camarata, le 3 janvier 2010 (Inscrite le 13 décembre 2009, 72 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (13 084ème position).
Visites : 3 521 

A qui appartient la Terre ?

La particularité de ce livre puissant, terrible et envoûtant, tient au fait que notre jugement et nos sentiments sur le héros John Mac Ivor se modifient totalement à mesure que les histoires se déroulent.
En effet 2 récits évoluent en parallèle, l'un est situé dans le présent, il concerne le neveu de Mac Ivor, un enfant de 10 ans William, l'autre débute dans l'enfance du vieil oncle Mac Ivor, aux origines de sa passion dévorante pour le domaine de Kuran.
Ce lieu est une ancienne propriété pastorale dont son père était le régisseur, située sur les contreforts de la chaîne des Hoops, avancée de la grande cordillère australienne.
Durant une grande partie du récit, j'ai ressenti de la sympathie pour Mac Ivor, cet homme austère, courageux confronté dès l'enfance à la désillusion, la misère et l'errance.
Il surmonte ses difficultés à partir du moment où il perçoit et reconnaît l'attraction que les lieux de son enfance exercent sur lui. Peu à peu toutes ses actions s'orientent, presque à son insu, vers le projet inaccessible de racheter le domaine de Kuran.
Il cherche à transmettre cette passion au petit William, fils de fermier pauvre élevé dans les mornes plaines céréalières, en lui faisant connaître cette nature secrète, grandiose et toujours changeante, en l’introduisant dans l'univers de légendes crées par le dialogue incessant entre les lieux et ses différents occupants dont les prédécesseurs des blancs furent les aborigènes.
Il le met en garde contre de futures lois qui sous prétexte de réparer la violence faite aux aborigènes, risque de livrer ces lieux de souvenirs magnifiques à des hordes de touristes moutonniers.
Et une question s'impose tout au long du livre, à qui appartient la terre ? Aux premiers, aux seconds, aux derniers ?

John Mac Ivor a peu à peu, tout sacrifié au projet d'acheter Kuran, sa femme, sa fille, l’honneur de celle-ci, et c'est lorsque cette fille réapparaît dans sa vie qu'une autre voix peut se fait entendre à William, une autre interprétation qui s'oppose à celle du vieil homme.
On devine que cet ode à la nature, cette passion de la liberté n'est peut-être que le beau et brillant déguisement qui cache un désir forcené, monstrueux, sans limites, d’appropriation.
L'enfant ne peut formuler clairement cette hypothèse car il manque d'expérience et qu'il dépend de son grand oncle, il ne peut échapper à sa volonté destructrice.

C'est la force de ce livre de ne pas désigner d'emblée le bon et le méchant, de nous laisser ressentir et évoluer, de nous faire voyager dans une nature magnifique, dans un pays hanté par la violence et le désir des hommes, un pays que nous connaissons tous .

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Les éditions

  • Terres noires, terres blanches [Texte imprimé], roman Andrew McGahan traduit de l'anglais (Australie) par Céline Schwaller
    de McGahan, Andrew Schwaller-Balaÿ, Céline (Traducteur)
    Actes Sud / Série Antipodes (Arles)
    ISBN : 9782742772445 ; 23,40 € ; 30/01/2008 ; 391 p. ; Broché
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Aborigènes vs Blancs

8 étoiles

Critique de Elya (Savoie, Inscrite le 22 février 2009, 34 ans) - 2 août 2010

Voici à nouveau un roman long et dense, comme je les aime pour l'été, paru dans une édition agréable à parcourir et à la couverture attrayante.
Lors des premières pages, c'est toujours aussi bien parti : un petit garçon, William, voit son père mourir, et sa mère s'enfoncer encore plus dans une déprime qui la rend dépendante. Ces deux-là se voient obligés d'aller vivre chez un vieux oncle possédant un immense domaine aux abord des terres désertiques australiennes.

Quelques points noirs apparaissent ici : les descriptions sont très longues et assez répétitives, et n'apportent pas systématiquement quelque chose de plus à l'histoire, m'ont fait plutôt décrocher que m'asperger encore plus du charme de cette Australie rurale.

William découvrira peu à peu (très lentement) les mystères dont regorge cette demeure austère, grâce à son oncle, Mac Ivor, personnage impénétrable mais intrigant. Ce qui est intéressant ici, c'est que la transmission de l'histoire concernant les problèmes entre aborigènes et blanc se fait entre William 10 ans, et un vieil homme, qui se doit d'expliquer le plus clairement possible à ce garçon tout ce qu'il en retourne, afin qu'il puisse comprendre et se forger non pas sa propre opinion mais rigoureusement la même que la sienne. Du coup, même si on ne connait rien sur ce sujet, on n'est pas perdu au milieu des titres des lois et autres affaires (Mabu, Native Title...).
Mac Ivor est totalement dédié à la cause blanche. Il se bat pour que les aborigènes ne puissent pas posséder les terres sur lesquelles leurs ancêtres ont vécu, et que les blancs se sont octroyées. On peut souligner les talents "d'avocat" de McGahan qui arrivera à nous expliquer tout cela sans condamner Mac Ivor ; en effet ses propos ne semblent jamais vraiment choquants, racistes ou xénophobes. Il trouve les bons arguments pour arriver à quasiment nous convaincre de l'absurdité de cette loi. Point de vue qui sera totalement chamboulé un peu plus loin...

"Certains croient que les Aborigènes sont les seuls à comprendre la terre, que seuls les Noirs auraient pu trouver un endroit comme celui-ci et l'apprécier à sa juste valeur. Ils pensent que les Noirs ont avec la terre un lien magique que les Blancs n'auront jamais, qu'on se contente de sillonner la région sans se douter de rien, qu'on ne comprends pas le pays, qu'on veut seulement l'exploiter. Mais ce n'est pas vrai. Nous aussi, on peut avoir des liens avec la terre, notre propre sorte de magie. Cette terre me parle. Elle se moque de ma couleur, tout ce qui compte, c'est que je suis ici."

Bien loin de ces combats concernant les propriétés foncières, Mac Ivor s'attache aussi à faire connaitre à Will tous les recoins du domaine pour qu'il soit aveuglé par la beauté de ce territoire, pour qu'il ressente les même émois envers cette nature peu luxuriante mais originale par sa diversité.

"A dire vrai, la terre doit appartenir à quelqu'un pour être réellement vivante. Elle a besoin d'un être humain qui l'entende, la voie et la comprenne parfaitement : d'où elle vient, où elle va."

Finalement, un roman intéressant et qui peut s'avérer passionnant pour qui s'intéresse à cette partie territoriale ou historique de l'Australie. Pour les autres, il semblera sans doute un peu trop long.

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