La grande falsification : L'art contemporain de Jean-Louis Harouel

La grande falsification : L'art contemporain de Jean-Louis Harouel

Catégorie(s) : Arts, loisir, vie pratique => Arts (peinture, sculpture, etc...)

Critiqué par Ciceron, le 30 décembre 2009 (Toulouse, Inscrit le 21 août 2007, 76 ans)
La note : 10 étoiles
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L’Art officiel, unique et obligatoire.

“On peut faire avaler n’importe quoi aux gens“. Harouel entame son étude par cette sentence du grand prêtre Marcel Duchamp. Il démontre comment l’art moderne a été une guerre sans merci menée contre l’usurpateur du réel, la photographie, puis l’art contemporain un combat féroce contre le réel lui même, l’art figuratif, pour le discréditer, l’éliminer du marché. et s’imposer exclusivement. En somme une révolution suivie d’une épuration.

Harouel plaque une définition plutôt radicale de l’art : la reproduction et transfiguration du réel par le seul miracle de l’œil et de la main. Kandinsky décrète l’absence totale de limites, soit, mais qui décide qu’une roue de bicyclette plantée sur un tabouret de cuisine est de l’art ? Pourquoi pas une ramette de papier A4 ou un rouleau de scotch?

A l’origine, un choc frontal. Dès 1840, la photographie entre en concurrence avec les peintres et leur fonction millénaire, la représentation des êtres, des lieux et des choses reconnaissables par tous. La plupart qui vivaient du portrait ferment leur atelier.

Une seule solution radicale pour échapper à toute possibilité de concurrence de la photo : la fuite devant la représentation du réel, pointillisme, fauvisme, impressionnisme, cubisme et précisément sa destruction, urinoir et ready-made de Marcel Duchamp, carré blanc de Malévitch, demoiselles de Picasso, merde d’artiste de Manzoni, vide de Klein.

L’étape suivante est la théorisation messianique parfumée de théosophie, et de philosophie allemande irrationnelle du XVIIIe siècle. Quatrième dimension, accès à la vérité du monde, révélation de l’esprit, divinisation de l’artiste. Kandinsky assigne à l’art la mission d’élever le niveau spirituel de l’humanité. L’art n’est pas une vaine représentation d’objet, l’œuvre exprime une idée, un élément intérieur. Bref, l’œuvre c’est l’artiste, c’est la phase de falsification, le remplacement de l’art par l’artiste. “La peinture ça n'existe pas, ce qui existe, ce sont les peintres“ (Picasso).

Mais le public et les masses ne sont toujours pas converties, voire hermétiques à l’art moderne. Le coup de grâce sera porté après 1945 par la politique. Hésitant un bref instant devant l’art révolutionnaire, les soviets et le Reich comprennent vite que la propagande ne peut être que figurative. Par contrepied, l’Amérique bascule dans l’avant-garde, sous l’impulsion de la CIA et de Rockefeller, administrateur du MoMa, avec l’hyper énergie de l’expressionnisme abstrait, Pollock, Rothko, De Kooning et Motherwell. Life consacre sa double page intérieure à Pollock. La messe est dite.

L’art contemporain va déferler avec ses divers “logos“, ferrailles de Serra, bandes de Buren, compressions de César, accumulations d’Arman, emballages de Christo, installations de Kienholz, cœurs de Jim Dine, bleu international de Klein, blancs de Ryman. Sauf que Rembrandt, Vélasquez, Rubens, Ingres et Turner sont toujours “vivants“, on ne peut les effacer. On va donc imposer physiquement l’art contemporain dans les temples classiques, Fabre au Louvre, Koons à Versailles et cette année, le pape Picasso associé aux maîtres. Et insulter l’art véritable en essayant de s’y associer.

Harouel achève l’imposture avec ces deux grands zélateurs, Pinault et Arnault qui instrumentalisent l’art contemporain pour leur publicité personnelle et soutiennent la cote de leur propre collection par leur influence médiatique. Dans le business, l’art contemporain devient la parure obligée du parvenu, il faut que ça coûte cher et que ça se sache. Au passage, l’amateur avisé achète avant que la cote explose.

Le problème n’est pas que Picasso, Duchamp, Hirst, Warhol et Buren soient divinisés, mais que Hopper, Benton et Wood aient été placardisés, enterrés vivants ou qualifiés d’illustrateurs. Une mention spéciale au seul artiste contemporain classique, Lucian Freud, qui, il faut bien le dire transfigure plus la laideur que la beauté, à moins que ce soit l’angoisse et la souffrance. A mon avis le plus grand peintre vivant.

Et si toute cette agitation n’était qu'une simple affaire de commerce ?

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