Espérons que ce sera la bonne…

Rut et Gorm n’ont fait que se rater. Enfin, jusqu’à présent. Leurs six premières rencontres, toujours fortuites, qui s’échelonnent sur une bonne vingtaine d’années, rivalisent en intensité et en fiasco. Pendant les intervalles, la vie « normale » continue, s’écoule, tantôt calme comme un lac ou tempêtueuse comme une cascade. La vraie vie, quoi. Je dis « vraie » vie parce que dans leur tête, Rut et Gorm en rêvent une autre. Une vie de désirs, d’acomplissement, enfin. Eloignés, ils sont pourtant dans le même espace affectif, sans le savoir.

Quand ils se sont vus pour la première fois, ils étaient encore enfants. Gorm était tombé de bicyclette en voulant l’éviter. Ils avaient tout de suite discuté, joué, et il l’avait involontairement blessée au front avec un caillou. Tout ça sur fond de moquerie d’autres gamins. Gorm Grande. Fils d’un riche patron de grand magasin, très pris par son travail, et d’une mère dépressive et étouffante. Rut Nesset. Fille du Prédicateur, sorte de pasteur inspiré et autoritaire et d’une mère effacée. Elle est surtout la sœur jumelle de Jorgen, retardé mental, et la petite fille d’une grand-mère qui n’a de vieux que l’âge. C’est d’ailleurs cette dernière qui rompra avec la tradition de l’île et enverra Rut à l’école (au grand désespoir de Jorgen : l’école étant sur le continent, c’est par trimestres entiers qu’il est privé de sa soeur). C’est également grâce à elle que Rut fera ses premiers pas en tant qu’artiste peintre.

Sans énumérer chacune des six rencontres, ce qui serait trop dévoiler, je peux dire que Herbjorg Wassmo traduit parfaitement une tension croissante, faite de confessions, de caresses parfois, d’humiliation aussi. Mais toujours, on sent grandir l’un dans l’esprit et le cœur de l’autre. Et toujours ils se quittent sur un goût d’inachevé, sur un point de suspension, sur un « presque ». On a l’impression que l’essentiel de leur vie tient en ces rencontres éphémères, jamais plus que quelques heures, et que le reste, c’est-à-dire leur « vraie » vie, n’est là que pour les faire mûrir, faire mûrir l’attente, afin de rendre possible une apothéose. C’est ainsi qu’ils se marient chacun, ont des enfants. Au décès de son père, Gorm lui succède et, curieusement, il excelle dans ce rôle. Quant à Rut, repérée par un galeriste, elle verra son talent de peintre reconnu mondialement. Ses toiles se vendent une petite fortune. Et puis il y a nous, lecteurs, aussi frustrés qu’eux, qui suivons leurs trajectoires séparées en espérant que le prochain carrefour sera le bon. Alors, cette septième rencontre sera-t-elle un nouveau soufflé retombé ?...

S’il fallait le qualifier, je dirais que ce livre est « complet ». Tout y est. Deux vies bien remplies côté professionnel. De multiples relations familiales complexes, riches, fortes voire parfois dramatiques. Et l’amour, traduit davantage par ses élans que par sa réalisation. Une œuvre complète, donc, dans un style tout aussi abouti…

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  La septième rencontre [Texte imprimé], roman Herbørg Wassmo traduit du norvégien par Luce Hinsch

  de Wassmo, Herbjørg Hinsch, Luce (Traducteur)
  10-18 / 10-18. Série Domaine étranger
  ISBN : 9782264043214 ; 7,33 € ; 02/07/2009 ; 569 p. ; Poche

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