Une étrange entreprise de Jean Anglade

Une étrange entreprise de Jean Anglade

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Tistou, le 6 novembre 2009 (Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans)
La note : 4 étoiles
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Hymne à Thiers (la ville !)

Etrange entreprise ; certainement. Etrange roman, aussi, décousu, comme préparé par morceaux mais sans vraiment d’articulations. Une unité de lieu toutefois : la ville de Thiers, la capitale de la coutellerie.
Soit Ahmed, kabyle pur jus tout juste débarqué vers les années 20 de là-bas en Auvergne pour fuir la misère et trouver moyen de gagner sa vie. Soit Joséphie, jeune femme de Thiers, en passe de devenir vieille fille (selon les critères de l’époque) et plutôt mal traitée par parents et sœur. Soit l’union improbable d’Ahmed et de Joséphie. Le développement d’un commerce industrieux sous l’impulsion d’un Ahmed qui n’a pas oublié d’avoir du courage. Soit la naissance d’un garçon, entre autres résultantes de l’union d’Ahmed et Joséphie ; Henri, qui finalement mettra en pratique ce postulat de Molière :
" C'est une étrange entreprise que celle de faire rire les honnêtes gens. "
Il le mettra en pratique en devenant clown après avoir tâtonné pour trouver sa voie et pratiqué toutes sortes de petites occupations. Mais l’étrange entreprise, elle est là. Le métier de clown indépendant, exerçant à domicile ou sur commande pour dérider, faire rire les gens. Henri, ce n’est pas un nom de clown, et de fait c’est sous le nom de crocus qu’exercera notre clown :

« A Thiers, le puy Seigneur sur lequel est bâtie la chapelle Saint-Roch était, à la belle saison, tout illuminé par la poussée des crocus. Petites plantes bulbeuses dont les fleurs ressemblent à des doigts levés, demi-réunis. Ma mère Joséphie trouvait que ma tête crépue ressemblait à ces fleurs jaunes. Quand je rentrais de l'école, elle avait coutume de s'écrier :
- Voilà notre Crocus qui revient !
On ne peut prononcer des paroles plus tendres. Etre comparé à une fleur, quel privilège ! C'est pourquoi, beaucoup plus tard, quand je devins père de famille à mon tour, je donnai à ma fille le prénom de Violette. Le secrétaire de mairie fit des difficultés, consulta la liste des prénoms admis, déclara :
- Violette, ça n'existe pas. Y a pas de sainte Violette.
En échange, il me proposa Marguerite, Rose, Véro¬nique. Mais je préférais Violette à cause du parfum. Je menaçai, s'il ne l'acceptait pas, de m'adresser à la maison d'en face, qui était le commissariat de police. Ce qui le fit bien rire. Après marchandage, il finit par céder, parce que j'avais déjà quelque célébrité sous le nom de Crocus. En réalité, je m'appelle Henri, né en 1940. L'institutrice de la Vidalie, quartier où nous résidions, madame Michaulet, nous faisait chanter Colchiques dans les prés... Sur ma langue, la chanson devenait :

Crocusses dans les prés
Fleurissent, fleurissent.
Crocusses dans les prés,
Qui annoncent l'été. »
Fort bien. Sauf que. Sauf que tout ceci est passablement décousu comme si plusieurs petits romans étaient agglomérés en un seul, pour en faire un grand, sans que le lien conducteur soit autre chose que ténu. Ca a un petit côté agaçant.

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