Lettres de château de Michel Déon
Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances
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L’admiration est aussi un art
Une lettre de château est le remerciement écrit adressé à ceux qui vous ont permis de passer un moment agréable en leur compagnie. Cela fait (ou faisait) partie des usages mais cet exercice de politesse est surtout un acte de gratitude.
Michel Déon en fait un témoignage d’admiration envers quelques artistes qui ont enchanté sa vie, ce qui est bien rare à une époque un peu cynique où le sens critique est perçu comme signe de bonne éducation.
Ce livre est en lui-même un enchantement par son style parfait sans être clinquant et par l’art qu’a l’auteur de nous faire vivre « des bonheurs de hasard qu’aucune volonté n’invente ». Son choix d’écrivains est très personnel en ce que nous y retrouvons des complicités ; celle de grands voyageurs avec Larbaud, Morand ou Conrad, celle de conteurs avec Giono, Stendhal bien sur et encore Conrad et Morand, sens de l'amour avec cette superbe relation des amours d’Apollinaire en un chapitre dont le titre rappelle en l’inversant un des plus beaux romans de Déon « Je ne veux jamais l’oublier ».
Il a choisi de nous dire aussi son admiration pour Manet, Poussin et Braque. Cet éclectisme est un autre choix de complicités. Avec Edouard Manet que le grand critique d’art André Fermigier qualifiait de « Swann qui aurait du génie », avec Poussin chez qui « retenue, pudeur des sentiments sont le triomphe discret du classicisme français » et qui comme Déon a surtout vécu et travaillé à l’étranger, non en exil mais avec le détachement qui leur a permis, à l’un et à l’autre, d’aimer mieux leur pays d’origine, « en tout cas plus sereinement, à distance. », avec Braque enfin, celui que Jean Paulhan appelait « le patron », pour qui il écrit au lendemain de sa mort un article magnifique d’émotion, voire de tendresse pour cet artiste exceptionnel appliqué honnête et bon. Déon raconte plus qu’il ne décrit et imagine la vie, les pensées des personnages peints car à l’inverse des critiques d’art professionnels qui restent les yeux sur la toile le romancier s’en évade pour nous dire l’avant et l’après du tableau. « Le déjeuner sur l’herbe » d’Edouard Manet crée un choc tout à la fois tumultueux - qu’il explique superbement par l’incongruité qui ne vient pas de la jeune femme nue qui nous regarde mais de ses deux compagnons en complet veston – et secret quand on sait que Victorine Meurent pose pour la dernière fois pour Manet avant une nouvelle vie que Déon imagine. Une fois encore tout est inventé et tout est vrai comme cet amour refusé de Stendhal pour une comtesse milanaise, refus d’où naîtra ce chef d’œuvre qu’est « De l’amour ».
Ce livre donne envie de se précipiter chez son libraire pour enfin lire Conrad ou rouvrir Giono, de courir au Louvre, à Orsay ou Pompidou, d’ouvrir Internet pour admirer cette Marie-Madeleine du Pérugin « pensionnaire du palais Pitti » à Florence, « belle, sans ombre de soupçon, si réservée, si indulgente. »
Cette chronique se serait voulue lettre de château à Michel Déon mais elle est bien trop maladroite. Puisse néanmoins cette maladresse ne pas cacher l’admiration que j’ai pour cet écrivain qui une fois encore a su m’enchanter.
Les éditions
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Lettres de château [Texte imprimé] Michel Déon,...
de Déon, Michel
Gallimard
ISBN : 9782070125418 ; 16,15 € ; 01/10/2009 ; 165 p. ; Broché
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