L'Annonce de Marie-Hélène Lafon
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Ces gens-là
Paul, un agriculteur de quarante six ans, vit dans un hameau perdu du Cantal entre deux oncles qui l’ont recueilli et une sœur omniprésente. Il ne veut pas vieillir comme ces « vieux garçons ensauvagés de solitude et de boisson après la mort des parents ». Annette a neuf ans de moins, c’est une « accidentée de la vie », vivant dans le Nord où elle élève seule Eric son fils après la rupture avec un mari alcoolique et violent, allant de métier en métier. Il veut faire sa vie quand elle souhaite refaire la sienne. Une petite annonce dans « Le chasseur français » les réunira. Après de brèves rencontres au buffet de la gare de Nevers, elle accepte de le rejoindre avec son fils et après tout, « La campagne, pourquoi pas. »
Au hameau, ils sont tolérés mais pas accueillis ; la sœur de Paul voit en Annette une usurpatrice et les oncles observent. Le roman raconte « une guerre qui, pour rester sourde, n’en serait pas moins longue et difficile, guerre d’usure et de patientes tranchées. » Au fil des jours et des saisons, du noir de la vraie nuit de la campagne, pour elle qui n’a connu que la ville toujours éclairée, au printemps quand « le pays était un bouquet, une folie, la cour vide, ourlée de vent vert, écrasée de soleil neuf », Annette, en écoutant les bruits de la maison va difficilement prendre sa place dans cet univers taiseux et taciturne. On pense à Brel, « Faut vous dire Monsieur que chez ces gens là, on ne cause pas, Monsieur, on ne cause pas », on épie. L’auteur a su parfaitement traduire la difficulté de vie pour ces gens pudiques qui ne savent pas les mots et qui s’expriment mieux par un geste, un regard car « les mots ne venaient pas à Annette ». A Paul ou Eric, aux oncles et à la sœur, non plus. Cette famille où on ne parle pas est un puzzle de solitudes qui jamais ne s’assemblent. Cette incapacité des mots explique l’absence de tout dialogue direct entre les personnages de cette histoire. Elle explique aussi la passion d’Annette pour les mots croisés et de son fils pour les dictionnaires, deux éléments qui ouvrent une perspective de bonheur, et « si c’est pas sûr, c’est quand même peut-être, parce que les autres veulent pas » pour citer Brel à nouveau. On reste accroché au livre, tenu en haleine, ayant trop peur que le silence qui peut parfois être fiel ne conduise au renoncement de ces deux-là qui tentent malgré tout de surmonter « les vieilles plaies de solitude et de peur ». A vous de découvrir la suite.
Ce roman ne s’apparente en rien aux romans de terroir ou régionalistes. Marie-Hélène Lafon va bien au delà. Elle a un style très personnel pour décrire situations, personnages et lieux en longs paragraphes, énumérations sans ponctuation comme pour créer un sentiment d’urgence, imposer un rythme à sa phrase, mots choisis avec amour. Car cette femme sait et surtout aime écrire.
Bien que la seconde partie du livre traînaille un peu, « L’annonce » est une belle découverte et un vrai plaisir de lecture.
Les éditions
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L'annonce [Texte imprimé], roman Marie-Hélène Lafon
de Lafon, Marie-Hélène
Buchet-Chastel
ISBN : 9782283023488 ; 15,00 € ; 03/09/2009 ; 195 p. ; Broché -
L'annonce [Texte imprimé] Marie-Hélène Lafon
de Lafon, Marie-Hélène
Gallimard / Collection Folio
ISBN : 9782070437702 ; 6,30 € ; 21/04/2011 ; 150 p. ; Broché -
L'annonce [Texte imprimé] Marie-Hélène Lafon
de Lafon, Marie-Hélène
Éd. de la Loupe / Terroir
ISBN : 9782848685588 ; 20,60 € ; 22/08/2014 ; 236 p. ; Broché
Les livres liés
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Les critiques éclairs (12)
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L'amour est dans le pré
Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 47 ans) - 30 décembre 2022
Faire "heureux" !
Critique de Frunny (PARIS, Inscrit le 28 décembre 2009, 59 ans) - 11 novembre 2017
Son premier roman, "Le Soir du chien", a reçu le prix Renaudot des lycéens.
"L'Annonce" paraît en 2009.
Paul -agriculteur à Fridières (Cantal) - n'envisage pas de finir ses jours en loup solitaire dans l'exploitation.
Même si Nicole -la soeur- et ses 2 oncles occupent la ferme et participent activement aux travaux quotidiens, Paul souhaite qu'une femme prenne place à ses côtes.
C'est Annette et son fils Eric qui le rejoindront depuis Bailleul (Nord), laissant derrière eux une vie de douleur.
Ils vont devoir trouver leur place aux côtés du "trio" agricole.
Un roman magnifique dans lequel Marie-Hélène Lafon traduit les mots manquants de Paul (taiseux) et d'Annette (en souffrance).
Une qualité littéraire au service d'une extrême pudeur et d'un amour naissant.
Paul et Annette doivent réapprendre à vivre.
Une oeuvre qui sent la Terre, le chien, l'étable, les vaches Salers, ....... le monde paysan.
Une oeuvre qui magnifie la famille qui vit ensemble générations après générations .
Un chef d'oeuvre, aussi fort que "Joseph".
Sublime hommage à la ruralité.
Style dense et alambiqué
Critique de Pascale Ew. (, Inscrite le 8 septembre 2006, 57 ans) - 29 janvier 2016
Le style m'a paru au premier abord trop ampoulé et trop travaillé et par conséquent trop opaque, mais j'ai fini par m'y habituer. L'histoire de ce très petit livre sans beaucoup d'action est moins importante pour moi que le style, empreint de sensations, d'atmosphère. Marie-Hélène Lafon décrit par évocations, nuances; c'est presque de la poésie. Le résumé dit que c'est une histoire d'amour, mais alors, si c'est le cas, c'est vraiment très pudique et fort caché entre les lignes !
Remarquable
Critique de Cyclo (Bordeaux, Inscrit le 18 avril 2008, 78 ans) - 16 janvier 2013
Annette a pris le train (trois changements), Paul est venu en voiture, abandonnant pour un soir la traite des vaches à un voisin. Au buffet de la gare, ils prennent un chocolat chaud. Paul parle, il raconte tout, Annette reste sur le qui-vive, sa première expérience masculine a été si dure. Mais elle est frappée par les mains de Paul, posées sur la table, et qui lui donnent une impression de force sur quoi on peut peut-être se reposer. Ils vont se promener sur les bords brumeux de la Loire de novembre, se fixent un autre rendez-vous, en janvier, sur deux jours, comprenant donc une nuit. Ils décident alors de se revoir définitivement, et au mois de juin, Annette et Éric débarquent à la ferme. Ils logent à l'étage avec Paul, le rez-de-chaussée étant occupé par les oncles et Nicole, qui attendent de pied ferme l'étrangère, l'intruse, et le bâtard envers qui ils vont (Nicole surtout, car les vieux sont surtout observateurs) livrer "une guerre qui, pour rester sourde, n’en serait pas moins longue et difficile, guerre d’usure et de patientes tranchées". La chienne Lola se prend immédiatement d'amitié pour Éric : le jeune garçon a un don avec les animaux. Intelligent et ouvert, le gamin sera peut-être celui qui mettra de l'huile dans les engrenages des adultes, et apportera la paix.
Annette peu à peu se fait à cette vie austère et rude, au noir de la nuit campagnarde, mais aussi au printemps merveilleux, elle réapprend à conduire, se lie avec une voisine, avec l'épicière, se fait toute petite pour être au moins tolérée par le groupe d'en bas, Paul le silencieux l'ayant d'emblée adoptée comme compagne. "On avait peu à dire quand il fallait, d'abord, vivre ensemble, le matin le soir, se toucher, s'attendre, se craindre, s'apprendre". Oui, on est dans un monde où on parle peu, et où d'ailleurs on n'a pas les mots pour traduire les émotions, seuls les gestes parlent. L'auteur, elle, trouve les mots pour montrer comment on peut combler "les vieilles plaies de solitude et de peur" qui sont le lot aussi bien de ces paysans que des âmes brisées venues du nord. Marie-Hélène Lafon use de paragraphes assez longs, d'énumérations, parfois omet des ponctuations attendues, et crée ainsi un style fait d'un rythme lent approprié à la longueur des jours et des travaux des champs, aussi bien que de l'apprivoisement progressif des deux nouveaux. D'ailleurs, a-t-on tant que ça besoin de parler ? "Les confidences sont la mort de l'amitié. Les sentiments sont faits pour être réfrénés, les secrets pour être respectés", ai-je relevé chez Carl-Henning Wijkmark, dans un autre beau roman lu récemment, "Derniers jours".
"L'annonce" est une belle réussite. Un roman sentimental si l'on veut, un roman rustique aussi, dans la lignée du "Regain" de Giono. On sent que l'auteur connaît bien la campagne et sait traduire en mots simples la difficulté d'y vivre et de s'y intégrer, aussi bien que les joies les plus évidentes, comme dans la scène de l'étable (jusque-là interdite à ces incapables de citadins) où le jeune Éric va réussir à se faire accepter par Nicole et les deux oncles ébahis, et que je vous laisse découvrir. Émotion garantie. Et une grande justesse de ton.
Authenticité et simplicité
Critique de Saumar (Montréal, Inscrite le 15 août 2009, 91 ans) - 31 décembre 2011
Pour Éric, l’accueil que lui a fait la chienne Lola, l’a aidé à s’acclimater. Les potins du village allaient bon train, au sujet des deux arrivants. Le plus difficile, pour Annette, sera de se familiariser avec ces « taiseux » habitués de communiquer du regard et des gestes de la main, sans oublier la sœur Nicole qui a tendance à surveiller son territoire. Somme toute, l’adaptation se passe bien et ils aiment la campagne. Terminé pour Paul, sa vie d’agriculteur seul, après le dur labeur des journées, il retrouve sa petite famille. Marie-Hélène Lafon touche un sujet d’actualité qui se passe au Québec. Certains jeunes, passionnés de l’agriculture, qui veulent continuer la ferme familiale, ne trouvent pas de femmes pour épouser ce style de vie dure. Les plus tenaces glissent vers l’isolement et pas d’enfants pour la relève.
D’un style surprenant, mais efficace, des mots justes, recherchés, et parfois même des mots inventés, tels que: femme « bustée », « enfançon », font de cette histoire ordinaire, un récit d’une authenticité remarquable. L’auteure nous raconte le quotidien réel de cette union d’accommodements. On y croit et on apprécie ses longues phrases descriptives et sa ponctuation inusitée qui nous force à voir la vraie signification de chaque mot. Compte tenu de leurs différences, de leurs souvenirs des expériences vécues, autant à la ville qu’à la campagne, l’union d’Annette et Paul durera-t-elle? Il n’en tient qu’à vous à le déceler.
Simple et sincère
Critique de Oops (Bordeaux, Inscrite le 30 juillet 2011, 58 ans) - 11 octobre 2011
à la campagne
Critique de Jfp (La Selle en Hermoy (Loiret), Inscrit le 21 juin 2009, 76 ans) - 25 avril 2010
Belle plume
Critique de Chabouchi (, Inscrite le 14 avril 2010, 48 ans) - 14 avril 2010
Je me suis progressivement attachée à ce livre dont ni le thème ni l'intrigue ne correspondaient, a priori, à mes choix littéraires.
Et la plume, fine, étonne par les partielles absences de ponctuation (dans les énumérations notamment). Elle déroute mais finit par donner un ton juste aux mille gestes quotidiens de nos agriculteurs. Elle se pare d'un vocabulaire riche et d'un niveau de langage assez élevé, ce qui peut paraître antagoniste avec le quasi dénuement de la vie décrite.
Belle plume, donc, qui fait partie des livres en lice pour le Prix Inter-Comités d'Entreprises 2010. Il y figurera dans mes trois premiers, c'est sûr !
Une révolte intime
Critique de Aaro-Benjamin G. (Montréal, Inscrit le 11 décembre 2003, 55 ans) - 16 mars 2010
C’est manière de tout gonfler inutilement fait en sorte que les moments anodins prennent l’ampleur de grandes tragédies et ce tout au long du roman. C’est agaçant et ça dénature ce qui est en fait une jolie histoire toute simple.
Toi l'Auvergnat - Les gens du Nord
Critique de Lutzie (Paris, Inscrite le 20 octobre 2008, 60 ans) - 14 mars 2010
C'est un livre d'une sensualité forte, celle de la terre, des saisons, des demeures qui craquent, des tempêtes qui font rage. Celle des mains de Paul qui remuent l'air pour couvrir l'embarras des mots, lors du premier rendez-vous qui fait suite à l'annonce.
Cette annonce qu'on passe avant d'être trop vieux, parce que la sœur et les oncles en vase clos, ça va bien quelques décennies, mais il faudrait peut-être penser à vivre un peu, secouer les coutumes ancestrales, bousculer l'ordre établi.
Cette annonce qu'on lit et à laquelle on répond. Avant de se risquer à s'apprivoiser, à goûter une peau nouvelle, à être plus qu'une mère, à voir s'ouvrir doucement son enfant à cette autre vie, et puis sa propre mère, un jour peut-être, aussi.
Très bon sujet ... mais pas assez creusé
Critique de Maylany (, Inscrite le 11 novembre 2007, 44 ans) - 31 décembre 2009
Un sujet très bien traité sur la forme : pas de roman à l'eau de rose, pas de mélodrame, des personnages, un décor et une ambiance bien saisis et décrits. Un style simple, sobre et direct.
Malheureusement, toutes ces qualités donnent beaucoup de plaisir mais aussi d'envie et après lecture de ces 195 petites pages écrites en gros caractères, on a la nette sensation de ne pas avoir eu son compte, d'avoir manqué une partie de l'histoire ; il aurait fallut développer davantage.
Une fin un peu floue
Critique de Verosalie (, Inscrite le 15 novembre 2009, 46 ans) - 15 novembre 2009
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