Une matinée perdue de Gabriela Adameşteanu

Une matinée perdue de Gabriela Adameşteanu
( Dimineat̡a pierdută)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Béatrice, le 29 août 2009 (Paris, Inscrite le 7 décembre 2002, - ans)
La note : 6 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (41 576ème position).
Visites : 4 473 

L’art de la survie

Ce roman a été publié en Roumanie en 84 sous la dictature. Comment a-t-il passé la censure avec ses multiples allusions aux prisonniers politiques ?

C’est un portrait social et une histoire de famille. Le monologue intérieur fournit deux points de vue contrastés : celui de Vica, un cœur simple – sa gouaille et sa litanie joyeuse. Le point de vue d’Ivona, dame de bonne famille, avec ses scrupules et sa vulnérabilité.

En remontant le temps d’une génération, l’auteur nous fait découvrir les parents d’Ivona. La partie médiane du roman évoque un moment historique : l’année 1916, l’entrée de la Roumanie dans la deuxième Guerre Mondiale. La grande question du moment : de quel côté ? Du côté des Allemands ou pour la Triple-Entente ? Cette partie traîne en longueur à mon sens. Il y a beaucoup de personnages historiques méconnus aux lecteurs francophones. Faut être patient ou motivé.

On plonge dans un univers enveloppant et intimiste. La déchéance d’une famille à travers les décennies ; mais aussi les gestes du quotidien, la mesquinerie, les commérages, la trahison, l’art de la survie.

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Un roman d'ambiance

7 étoiles

Critique de Fanou03 (*, Inscrit le 13 mars 2011, 49 ans) - 1 décembre 2016

Le roman de Gabriella Adameşteanu est vraiment fort bien écrit. Elle sait parfaitement adapter son style à l’origine sociale de ses personnages et aux époques qu’elle aborde. Ainsi la gouaille et la langue bien pendue de Vica, dans le Bucarest des années 1980, sont très bien rendues, tandis que en ce qui concerne la partie évoquant les drames bourgeois au début de la première guerre mondiale l’écriture ferait plutôt écho à certains auteurs français de la fin du dix-neuvième siècle.

La psychologie et l’intime, dans Une matinée perdue, tient une place prépondérante. Le récit dissèque les pensées de personnages, les faux-semblants familiaux, les relations ambiguës entre les protagonistes. Le rythme du livre, il est vrai, s’en ressent : la narration n’avance pas très vite, c’est le moins que l’on puisse dire (au point parfois de freiner le plaisir de la lecture) étant centrée surtout sur les souvenirs du passé. Il y a donc beaucoup de mélancolie et d’attente dans ces pages. Le volet historique et social est quant à lui très présent, comme un arrière-plan essentiel qui explique le destin des différents protagonistes.

Voici donc essentiellement un roman « d’ambiance », qui tente, au-delà de l’intériorité de ces personnages, qu’il explore en profondeur, d’aborder la question de la conscience nationale et du caractère du peuple roumain.

la visite

8 étoiles

Critique de Jfp (La Selle en Hermoy (Loiret), Inscrit le 21 juin 2009, 76 ans) - 26 juin 2010

Vica rend visite à sa belle-soeur Ivona. Comme chaque mois, celle-ci va lui remettre un peu d'argent, bienvenu pour mettre du beurre dans les épinards lorsqu'on dispose d'une toute petite retraite. Malheureusement, ce jour-là, la porte ne s'ouvre pas et Vica reste dehors à attendre, à attendre des heures et des heures le retour de son amie. Avant la rencontre des deux commères (car la porte va finir par s'ouvrir) c'est près d'un siècle d'histoire de la Roumanie qui va défiler, à travers les souvenirs de celle qui a connu les jours fastes et les jours sombres d'une famille, jadis très riche et puissante mais dépouillée de ses biens par le régime communiste. Ivona, qui raconte à son tour (derrière sa porte), a une toute autre vision des mêmes personnages et des mêmes événements. C'est là toute l'originalité de ce roman, assez long à lire mais très attachant par la forte personnalité des personnages et leur destin hors du commun. Chacune parle avec son langage, populaire pour Vica, châtié et mâtiné de français pour Ivona (on est aristocrate ou on ne l'est pas!) et l'on sent leur profond attachement l'une pour l'autre malgré le fossé qui les sépare et qui continuera à les séparer jusqu'à leur mort. La force de ce texte tient à son ancrage dans une réalité mouvementée, celle des peuples de l'Europe centrale, au destin si tourmenté, et à un réel bonheur d'écriture.

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