Rends-moi mon histoire et mes dents.

Patrice Lumumba a été un éphémère premier ministre du Congo, puisqu'il n'a dirigé son pays que trois mois. Il a été assassiné d'une façon atroce après avoir été battu et torturé. Son corps a été brûlé dans un coin de la forêt. La lumière n'a jamais été faite sur cette horrible histoire, malgré des déclarations ambiguës et feutrées de la Belgique et une commission d'enquête parlementaire, mais il ne fait nul doute que ce crime abominable a été commandité au plus haut niveau de l'État belge.

Jean Leroy, dans cette pièce courageuse imagine que dans un coin indéfini de l'espace et du temps, Patrice rencontre Sarah, dont le père était mêlé de près au meurtre. Ils font l'amour, sexe noir dans femme blanche. Comme dans un chœur du théâtre antique, les protagonistes de ce drame, les soldats, le président congolais et le jeune roi interviennent, racontent tour à tour ce qui s'est passé il y a presque cinquante ans, à cette époque où Lumumba était diabolisé par l'ancien colonisateur, où les journaux belges ont titré triomphalement, après ce crime "le diable est mort".

Le pieux monarque explique pourquoi selon lui, la mort de Lumumba était nécessaire et pourquoi il garde en permanence dans sa poche une de ses dents, comme un souvenir du poids de sa culpabilité ou un élément de mortification morale. Un gage pour obtenir le pardon, pour lui dont la vie est tournée vers son dieu? Certains de ses assassins en ont conservé, eux aussi. Talisman? Fétiche? Souvenir? On ne sait que peu de choses, que le corps de Lumumba a été carbonisé sans dents, et que sa mémoire a été salie par ses assassins. Son fantôme réclame que justice soit rendue à son combat pour l'égalité des hommes. Sarah est généreuse, elle se bat pour pouvoir inviter chaque homme qui souffre comme on invite un voisin, un ami, sans que les papiers soient nécessaires. C'est une âme lumineuse, elle ne comprend pas la violence, elle qui est la fille d'un assassin et elle combattra toujours jusqu'au bout de ses forces pour l'écologie, la justice, l'amour et la fraternité de tous les hommes. Elle veut savoir, Sarah, savoir et comprendre. On lui a dit que Lumumba était un dangereux communiste, alors elle demande à Patrice: "Es-tu communiste?" Et Patrice lui répond: "Si pour toi vouloir que chaque homme vive dignement est du communisme, alors, oui, je suis communiste."

Cette pièce magnifique a été jouée à la dynamique maison culturelle de Quaregnon, avec le soutien de la province du Hainaut. Elle a reçu en 2008 le prestigieux prix Charles Plisnier.

Si comme moi, vous n'avez pas eu l'occasion de voir le spectacle, je vous engage à lire cette superbe pièce, qui rend enfin justice à un homme qui ne demandait en fin de compte que la dignité de son peuple.

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  Les funérailles de Monsieur Lumumba

  de Leroy, Jean
  Editions du Cerisier
  ISBN : 2872671153 ; 06/11/2007 ; 62 p.