Qu'elle était verte ma vallée ! de Richard Llewellyn

Qu'elle était verte ma vallée ! de Richard Llewellyn
( How green was my valley)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Antinea, le 12 juin 2009 (anefera@laposte.net, Inscrite le 27 août 2005, 45 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (12 277ème position).
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Chronique d'une mort annoncée

Cela commence par un adieu. Là, dans la maison familiale à moitié recouverte par les tertres gloutons issus des entrailles de la terre, Huw Morgan s’apprête à quitter pour toujours la vallée de son enfance. Mais avant de quitter ce lieu, il se souvient. Benjamin d’une famille galloise de mineurs, le petit Huw grandit dans le respect des conventions de l’époque. Mais déjà la révolte gronde contre les propriétaires qui paient de moins en moins leurs ouvriers. Entre tradition et nouvelles idées sociales, son père et ses frères se déchirent sous les yeux du gamin et des femmes de la maison. Cependant il n’est jamais loin le moment de réconciliation, d’entraide communautaire, bientôt conduite par le bon révérend Mr Gruffydd. Huw se souvient de ses frères, de ses sœurs, de ses parents et de la belle Bronwen… Il se souvient aussi de ce linceul qui toujours grandissait sur son village alors qu’il devenait un homme. Il regarde avec fatalité ces masses sombres qui s’abattent à présent sur sa maison. Mais il se souvient. Et par-delà la vallée ensevelie, c’est toute son histoire qu’il redécouvre, la vie simple en famille, les révoltes des ouvriers, les amours heureux et malheureux des siens, son amour impossible, sa passion pour cette vallée autrefois si verte…

Un beau livre très bien écrit et qui comblera les assoiffés de nostalgie ! L’auteur sait faire vibrer la corde sensible au plus profond de nous. Il fait appel à cette mélancolie de l’enfance avec adresse et c’est en pleurant qu’on risque de quitter cette vallée si verte nous aussi.
De vraies réflexions ponctuent çà et là l’histoire. La vie ouvrière évidemment, comme toile de fonds, et surtout ce tournant inéluctable vers la vie moderne qui marquera le déclin de l’époque minière. Le racisme, les préjugés, les règles rigides de la vie en communauté sont aussi des thèmes forts de l’ouvrage. La vie pénible des femmes, dont le petit garçon, devenu homme plaindra la condition, puis les vices des grandes villes, aiguisant sans relâche l’envie des hommes… Un livre étrangement moderne sur notre folie et qui ne laisse pas indemne.

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Les éditions

  • Qu'elle était verte ma vallée ! [Texte imprimé], roman Richard Llewellyn trad. de l'anglais par Berthe Vulliemin
    de Llewellyn, Richard Vulliemin, Berthe (Traducteur)
    Phébus / D'aujourd'hui. Étranger (Paris).
    ISBN : 9782859405120 ; 6,57 € ; 18/02/1998 ; 498 p. ; Relié
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Le regard de Huw

9 étoiles

Critique de Poet75 (Paris, Inscrit le 13 janvier 2006, 67 ans) - 11 août 2022

Qu’elle était verte ma vallée ! Si ce titre est connu aujourd’hui, c’est sans doute, en premier lieu, du fait du film réalisé par John Ford en 1941, un des films les plus célèbres de ce réalisateur (et pour de bonnes raisons, car c’est, sans nul doute, un de ses chefs d’œuvre). Cependant, comme toujours, y compris quand il est question de films ayant une grande et juste renommée, il est intéressant, voire passionnant, d’aller à la découverte des romans que les scénaristes se sont ingéniés à adapter. Qui plus est, dans le cas de Qu’elle était verte ma vallée, c’est la promesse d’un constant bonheur de lecture qui se présente à qui aura la curiosité d’en parcourir le texte.
Richard Llewellyn, l’auteur, écrivit une petite dizaine de romans, qu’il serait peut-être judicieux d’éditer ou de rééditer en français. Dans Qu’elle était verte ma vallée !, ouvrage qui fut édité en 1939, lui qui était né à Londres, mais dont les parents étaient gallois d’origine, il évoqua cette terre de ses ancêtres à laquelle il demeura, sa vie entière, très attaché. Pour ce faire, il situa l’action du roman dans la vallée qui lui donne son titre, vallée où l’on a trouvé du charbon que l’on s’est empressé, bien sûr, d’exploiter. Tout au long du récit, l’on perçoit d’ailleurs les changements qui, du fait de la mine, affectent de plus en plus l’environnement. Encore bien verte au début du roman, la vallée devient, au fil du temps, de plus en plus grise du fait des déblais que l’on extrait du sous-sol et dont on ne sait rien faire d’autre que les entasser sous forme de terrils.
C’est dans ce cadre que l’auteur nous fait faire la connaissance d’une famille, la famille Morgan, dont tous les membres de sexe masculin travaillent déjà à la mine, excepté le petit dernier, le jeune Huw, qui n’a que douze ans au début du livre. C’est le regard de cet enfant, bientôt adolescent, que Richard Llewellyn eut la bonne idée de privilégier. Tout ce que l’auteur rapporte, c’est ce que ce garçon perçoit, ce qui donne au roman un ton particulier et en fait un magnifique récit d’apprentissage.
Les principaux événements rapportés par l’auteur furent fidèlement conservés dans l’adaptation cinématographique de John Ford, si ce n’est que certains d’entre eux, sans doute sous l’influence du producteur Darryl F. Zanuck, furent minimisés par rapport à la place qu’ils occupent dans le roman. C’est le cas, en particulier, de tout ce qui touche aux grèves et à la constitution d’un syndicat. On notera, à ce sujet, les dissensions au sein de la famille Morgan, entre Gwilym, le père, homme très croyant qui s’en remet à la volonté de Dieu, et ses fils, tous engagés dans la lutte pour les droits et la justice, quitte à se quereller avec leur père et même à quitter le foyer. « Je parlerai dans cette maison et partout où je rencontrerai l’injustice », s’exclame Owen, un des fils, face à Gwilym qui lui enjoignait de se taire. D’autres tensions surgissent, plus tard, quand Morgan le père est nommé inspecteur des mines, ce que beaucoup de ceux qui y travaillent conçoivent comme une trahison.
Même si elles ne vont pas à la mine, les femmes, elles aussi, occupent une place importante dans le roman, que ce soit la mère de Huw, une femme qui, à l’occasion, sait faire preuve d’une belle indépendance d’esprit (ainsi quand elle donne son approbation à Huw qui est allé traiter d’hypocrites ceux qui fustigeaient une femme accusée d’adultère), ou sa sœur Angharad ou sa belle-sœur Bronwen. Au cœur de l’ouvrage, se déploie une histoire particulièrement touchante, dont Huw est l’un des témoins privilégiés. Elle concerne Gruffyd, le pasteur de la communauté villageoise, et Angharad, la sœur de Huw, qui est une femme mariée. Gruffyd est décrit, au long de l’ouvrage, de manière contrastée : assez peu sympathique au début, parfois dur dans ses jugements, il s’humanise de plus en plus, se dépensant sans compter, par exemple, pour nourrir des affamés, et fait preuve d’une grande lucidité (pour lui, il en est persuadé, la plupart de ceux qui viennent à la chapelle le font parce qu’on leur a inculqué la peur et non par amour du Christ). Or, entre ce pasteur et Angharad, grandit un amour réciproque qui ne peut se concrétiser, mais que les médisants du village ne se privent pas de commenter abondamment. Huw, qui n’hésite pas, quand il le juge nécessaire, à se battre au nom de la justice, se montre particulièrement proche du pasteur.
Il y a abondance de personnages dans ce roman, mais ceux que j’ai nommés se détachent d’une manière particulière. Et, bien sûr, au centre du dispositif romanesque, il y a le narrateur, le jeune Huw, qui, à la surprise quasi générale, fait le choix d’aller, à son tour, travailler à la mine, plutôt que de briguer un métier mieux reconnu, lui qui le pourrait, ses capacités intellectuelles étant suffisamment remarquables pour ce faire. Mais le garçon se refuse à abandonner les siens, il ne se croit nullement supérieur à eux. C’est avec lui, par ses yeux, que nous appréhendons toute chose, la vallée de moins en moins verte, le travail éreintant de la mine, les injustices, les querelles, les solidarités, les amours, les épreuves, les préjugés, les engagements, la religion, le temps qui passe et efface tout. Un roman en tout point remarquable, sans nul doute, tout comme le formidable film de John Ford.

Qu’il est triste de la quitter !!

10 étoiles

Critique de Rock300 (, Inscrit le 1 janvier 2014, 60 ans) - 6 août 2014

J’avais également lu ce livre étant adolescent, il m’en restait quelques bribes de souvenirs épars et une impression d’inoubliable valeur. En effet c’est un grand roman, inoubliable parce qu’humain, avec des personnages attachants. C’est triste à pleurer parfois, et plein de vive gaité à d’autres moments. Je ne suis vraiment pas déçu d’avoir lu à-nouveau ce grand classique de la littérature et je le recommande car on en sort plus riche qu’avant.

La vallée de ceux qui ne sont plus

6 étoiles

Critique de Heyrike (Eure, Inscrit le 19 septembre 2002, 56 ans) - 16 novembre 2011

Huw Morgan nous fait découvrir la vie quotidienne de sa famille. Une famille galloise qui, comme tous les autres membres du village, s'échine dans les mines de charbon au péril de leurs vies. Si son père prône la sagesse quant à l'attitude à adopter envers les propriétaires, pour la plupart anglais, il n'en va pas de même pour ses fils aînés, qui entreprennent de fonder un syndicat pour réclamer plus de droit et de dignité. La lutte contre les propriétaires est engagée, entraînant en même temps des conflits au sein de sa famille.

Pendant ce temps les tumulus de scories continuent d'envahir les flancs de la colline qui abritent le village, menaçant de le faire disparaître à tout jamais. A l'image de ce qui menace l'existence laborieuse et cependant empreinte d'une joie de vivre de cette petite communauté fondée sur l'entraide mutuelle et l'amour de leur pays.

Chaque événement est célébré dans la liesse populaire, tout est bon pour convier les voisins à partager les moments de bonheur tout comme les tragédies qui se transforment en moment de recueillement pour tous, permettant ainsi de réaffirmer la solidarité qui les unit.

Ce roman construit autour de l'éveil à la vie de Huw Morgan, aborde aussi le thème de la vie quotidienne des ouvriers soumis au diktat de l'exploitation, à une époque où le capitalisme outrancier prenait tout son essor. L'ombre de Karl Marx plane parmi les ouvriers qui osent défier la logique productiviste. On assiste à l'anéantissement d'un monde où règne une rigueur morale puritaine très pesante, mais cependant empreinte de sagesse, pour le plus grand profit d'une puissance aveugle et destructrice qui place l'homme au-delà du cercle fondamental des valeurs humaines.

Si le style m'est apparu quelque peu désuet, il n'en reste pas moins que j'ai pris plaisir à lire ce roman qui est traversé par des moments très forts sur la condition humaine.

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