Le mur invisible de Marlen Haushofer
( Die Wand)
Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone
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Une "Robinson Crusoé" des bois...
Seule survivante d’une catastrophe, une femme se retrouve coincée dans un espace clos en compagnie de quelques animaux (chien, chat, vache). Elle s'organise afin de survivre, elle combat quotidiennement pour pouvoir manger, se chauffer…
On lit le « journal de bord » de cette femme qui décrit sa vie dans le chalet, au milieu de la forêt. Concrètement, il ne se passe rien. Mais la femme s’interroge constamment sur son passé, son présent et son avenir. Il n’y a aucun suspense, elle raconte le début en même temps que son quotidien. Elle se concentre sur ses tâches pour ne pas penser à cette solitude. Elle fait de ses animaux, ses plus proches amis. Un roman très fort, qu’on prend le temps de lire.
La lecture par Patrick Charbonneau, à la fin de l’ouvrage, fait une lumière intéressante sur la vie et l’œuvre de Marlen Haushofer.
Les éditions
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Le mur invisible [Texte imprimé] Marlen Haushofer roman trad. de l'allemand par Liselotte Bodo et Jacqueline Chambon lecture de Patrick Charbonneau
de Haushofer, Marlen Charbonneau, Patrick (Postface) Chambon, Jacqueline (Traducteur) Bodo, Liselotte (Traducteur)
Actes Sud / Babel (Arles).
ISBN : 9782868698322 ; EUR 8,50 ; 24/04/1992 ; 352 p. ; Poche -
Le Mur invisible [Texte imprimé] Marlen Haushofer roman trad. de l'allemand par Liselotte Bodo et Jacqueline Chambon
de Haushofer, Marlen Chambon, Jacqueline (Traducteur) Bodo, Liselotte (Traducteur)
Actes Sud
ISBN : 9782868693099 ; 48,64 € ; 10/08/1993 ; 253 p. ; Broché
Les livres liés
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Les critiques éclairs (6)
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Une survie soporifique.
Critique de Sotelo (Sèvres, Inscrit le 25 mars 2013, 41 ans) - 25 janvier 2024
Robinson Crusoé version féministe
Critique de Poet75 (Paris, Inscrit le 13 janvier 2006, 68 ans) - 12 juillet 2020
Au sujet de ces questions, le livre ne donne pas de réponses précises. Et il en donne d’autant moins qu’il se présente comme le journal de la femme sauvée. Or elle n’a aucun moyen de savoir ce qui s’est réellement passé. Elle n’a d’ailleurs pas le loisir de s’appesantir sur cette énigme. Le mur lui-même, si la femme s’interroge beaucoup à son sujet au début de ses écrits, finit par quasiment disparaître de ses préoccupations. Le plus important, en effet, ce qui l’accapare, c’est de trouver les moyens de survivre, toute seule, dans l’espace où elle peut se mouvoir.
Voilà de quoi il est question, le plus souvent, dans son récit. Elle raconte les jours, les semaines, les mois et les années de son combat pour sa survie, elle raconte ses peines, ses travaux incessants, ses maigres joies, ses peurs. De ce fait, obligatoirement, la chronique se présente sous une forme répétitive et assez monotone. Cependant, heureusement, Marlen Haushofer (1920-1970) réussit à trouver des moyens de réactiver l’intérêt du lecteur au long des pages. La lutte quotidienne de la femme l’oblige à prendre beaucoup de décisions très concrètes : économiser le peu qu’elle possède (des allumettes par exemple) afin de ne pas se trouver en état de pénurie avant longtemps, apprendre à cultiver la terre, à y planter des pommes de terre, à y faire pousser des haricots, se résigner à tuer des animaux sauvages pour s’en nourrir, etc.
Justement, ce sont les animaux, mais domestiques cette fois, qui occupent une bonne partie des pages du journal. Puisque la femme se trouve totalement privée de ses semblables, c’est à ses compagnons du règne animal que s’adressent ses soins, voire ses sentiments affectueux. À ses côtés, il y a, en effet, au fil du temps, une vache, un taureau, un chien, une chatte et bientôt des chatons. Ces animaux, s’ils l’obligent à une somme de travail supplémentaire, alors qu’elle est déjà contrainte à de nombreux labeurs éreintants, constituent aussi sa planche de salut. Ils contribuent fortement à la préservation de son humanité. Car, bien sûr, c’est cette question qui est sous-jacente à tout le roman. De temps à autre, d’ailleurs, alors que le récit reste le plus souvent prosaïque, il s’enrichit de réflexions à ce sujet. « Souvent, écrit par exemple la femme, j’essaie de me traiter comme un robot : fais ceci et va là-bas et n’oublie pas de faire cela. Mais je n’y parviens qu’un court instant. Je suis un mauvais robot. Je reste un être humain qui pense et qui sent et je ne pourrai pas perdre l’habitude de le faire. »
En fin de compte, tout au long de ma lecture, il me semblait avoir affaire à une sorte de variation moderne, post-apocalyptique et féministe de Robinson Crusoé. Le territoire de survie de la femme n’est-il pas comparable à une île ? Ne s’agit-il pas de survivre à des conditions extrêmes et à la solitude tout en conservant son humanité ? À ce sujet, le héros de Daniel Defoe est d’ailleurs le plus chanceux puisqu’il finit par se trouver un compagnon en la personne du dénommé Vendredi. La femme du roman de Marlen Haushofer doit se contenter, quant à elle, de ses chers animaux, tant qu’ils vivent à ses côtés.
Une oeuvre fascinante
Critique de Pucksimberg (Toulon, Inscrit le 14 août 2011, 44 ans) - 24 décembre 2018
Le roman déroute tout d'abord car il ne va pas dans le sens que l'on aurait imaginé.Le lecteur pourrait s'attendre à lire les longues interrogations du personnage, ses multiples hypothèses. On pense lire un roman dans lequel le personnage n'aura de cesse de trouver une solution pour échapper à ce mur invisible. Ce n'est pas exactement ce genre de roman que l'on a entre les mains. Le personnage accepte rapidement cette situation, en même temps elle n'a pas trop le choix ! La vie reprend ses droits et il faut aller de l'avant. Il y a des moments où le personnage rencontre du découragement, mais cela reste passager. Le point de départ de ce roman rappelle la science-fiction, mais on l'oublie assez vite. Parfois on en vient même à oublier ce mur. On suit une femme mener une vie dans un cadre naturel avec une certaine banalité. Le fait qu'elle ne s'interroge pas davantage sur la cause de ce mur invisible peut décontenancer le lecteur, un peu comme dans "La Métamorphose" de Kafka dans laquelle Gregor Samsa se réveille transformé en cafard et ne semble pas plus bouleversé que cela. Ce genre de comportement ébranle notre bon sens et notre horizon d'attente, et c'est très bien !
Il ne se passe pas grand-chose dans ce roman et pourtant il se lit avec plaisir et curiosité. C'est assez étrange. La relation qui unit cette femme aux animaux et à la nature nous interroge sur notre rapport au monde. La banalité devient singulière ici. On redécouvre notre univers. Certains points semblent tellement ancrés dans nos habitudes qu'on ne les voit plus. Le lecteur est pris par cette histoire malgré la description du quotidien de cette femme qui pourrait ennuyer. Il y a quelque chose de quasi-indéfinissable qui nous saisit et nous donne envie de poursuivre. Et puis l'on ressent l'envie d'interpréter. Pourquoi ce mur ? Est-ce qu'il y a une métaphore à analyser ? Le contexte de la guerre froide a-t-il un impact sur certains choix narratologiques ? Le sexe féminin occupe une place capitale dans ce roman. Un texte féministe ? Et si ce roman véhiculait un peu de tout cela ?
Ce roman a quelque chose de vertigineux et de captivant. La magie opère malgré la banalité de certaines scènes. Ce texte est fort et touche le lecteur.
Il faut penser Narcisse heureux
Critique de Phineus (Bordeaux, Inscrit le 16 février 2009, 87 ans) - 8 décembre 2011
La sexualité est vécue comme dangereuse et l’homme est tué ( l’Homme est tué) et cet homme est le pire du redoutable. Ça évoque le rêve d’un enfant qui ( comme tous les enfants dit-on), entendit un soir à travers la cloison entre sa chambre et celle des parents l’innommable, et rêva que le vivant de l’autre côté du mur s’arrêtait définitivement (c’est horrible, ça en fait du bruit !) et que la brute immonde, persécutrice, se délitait et tombait en morceaux.
Et que cette sexualité de monstre qui ne fait que tourmenter, et pire cette horreur du masculin, et encore pire cette possible complaisance du féminin (ma mère , Elle !) n’existe plus, plus jamais…
Mais dans le livre, ce rêve d’un enfant c’est celui d’une fille, c’est donc aussi le rêve du féminin, et c’est pour ça que ce livre est écrit pour une femme, et si un homme l’aime au point d’en être bouleversé c’est qu’il y a du féminin dans son bouleversement d’homme.
C’est donc le rêve d’une petite fille même si ça peut tout autant concerner des garçons qui, c’est normal, s’identifient aussi avec le féminin. A l’intérieur du mur invisible c’est Narcisse-femme qui se penche sur une image et ce reflet n’est pas seulement l’image de son visage (a-t-on jamais pensé que dans cette image que Narcisse accroupi sur le bord de l’eau contemple extasié, il voit aussi aussi le ciel, les beaux nuages dans le ciel, et les frondaisons caressées par le soleil, et le miroitement de l’eau diaphane, et le grain du sable roux au fond, et même ( pourquoi pas ?) des petits poissons qui frétillent ...)
Alors dans son Moi, son monde, son for intérieur, sa forteresse pleine elle plante, elle fait pousser (ça va pousser ou ça va pas pousser ?) et elle soigne et se soigne, et elle nourrit et elle lave, elle va dans le sens de ce qui est, mais elle ne construit pas, parce que construire, ça c’est un rêve masculin, celui de Crusoé le bricoleur (parce que le masculin c’est chercher à aller « contre nature », à prendre les choses à rebrousse poil, avec de l’énergie et souvent une certaine brutalité, et d’ailleurs, peut être, le premier, l’originel acte contre nature, c’est quand un homme a fait pour la première fois un petit barrage dans une rivière pour arrêter le courant !). Mais pour elle tout ça est hors de portée et entre autre c’est impossible de faire cette sacrée étable dans la maison. Elle vit sur les réserves qu’a laissées la figure paternelle translucide, ce legs, cet héritage le plus précieux : les médicaments, le chalet et les cabanes.
Et le rêve continue… Ce monde sans l’Homme (parce que sans l’homme) est étrangement pacifié, flottent parfois ça et là des lambeaux d’angoisse diffuse (mais pas de peur), de la fatigue, de l’accablement … mais pas trace d’un semblant de deuil, ni de ressentiment (sauf pour Louise !), et pas vraiment de manque d’amour…
Mais quand même un enfant pour qu’il dorme il doit se vivre protégé. Elle le sera, non par un homme, non par un Dieu, mais par un chien ; il comprend tout, il accepte tout, il ne demande rien.
Cette lecture délicieuse c’est un beau moment régressif.
Douceur, apaisement ...
Puissant
Critique de Nance (, Inscrite le 4 octobre 2007, - ans) - 4 mars 2010
Une femme raconte sa vie pour ne pas perdre la raison. Sa vie n’est pas si ordinaire... Seule, elle se retrouve prise dans une vallée entourée d’un mur invisible survenu à cause d’une catastrophe mystérieuse dont elle ignore la nature exacte. Elle ne peut pas sortir et rien n’indique qu’il y a encore de la vie de l’autre côté. Elle explique comment elle s’est débrouillée dans ses conditions pour survivre physiquement et, surtout, mentalement.
ÇA c’est ce que j’appelle une mise en scène ! Un chef d’oeuvre ! Un des livres les plus puissants que j’ai lu dernièrement. Une histoire lente qu’il faut savoir savourer avec patience. C’est aussi une histoire triste et sombre. On ne peut s’empêcher de se demander si on n’aurait pas laissé tomber à sa place et devenir complètement fou.
Solitude extrême
Critique de Garance62 (, Inscrite le 22 mars 2009, 62 ans) - 23 mai 2009
Elle, l'héroïne du livre, héroïne tout court s'il en est en littérature, devait passer quelques jours dans le chalet d'un couple d'amis, en leur compagnie. Elle y arrive le soir. Ses amis ne pourront jamais la rejoindre. Dans la nuit, une palissade de verre infranchissable isole le domaine forestier dans lequel se trouve le chalet du reste du monde.
La survivance obligée va alors remplir les journées de cette femme. Histoire d'actes quotidiens, de questions autour du froid, du bois à préparer pour l'hiver, de la nourriture, des plantations à faire, des récoltes à sauver de la pluie, des aléas de la météo, des dangers liés aux possibles animaux sauvages, du rythme des saisons, mais aussi bien sûr en filigrane de la solitude, de la parole, du silence, de l'ennui, du sens de cette vie.
Extrait :
"Aujourd’hui cinq novembre je commence mon récit. Je noterai tout, aussi exactement que possible. Pourtant je ne sais même pas si aujourd’hui est bien le cinq novembre. Au cours de l’hiver dernier quelques jours m’ont échappé. Je ne pourrais pas dire non plus quel jour de la semaine c’est. Mais je pense que cela n’a pas beaucoup d’importance. Je n’ai à ma disposition que quelques rares indications, car il ne m’était jamais venu à l’esprit d’écrire ce récit et il est à craindre que dans mon souvenir bien des choses ne se présentent autrement que je les ai vécues.
Ce défaut est sans doute inséparable de tout récit. Je n’écris pas pour le seul plaisir d’écrire. M’obliger à écrire me semble le seul moyen de ne pas perdre la raison. Je n’ai personne ici qui puisse réfléchir à ma place ou prendre soin de moi. Je suis seule et je dois essayer de survivre aux longs et sombres mois d’hiver. Il est peu probable que ces lignes soient un jour découvertes. Pour l’instant je ne sais pas si je le souhaite. Je le saurai peut-être quand j’aurai fini d’écrire ce récit."
On plonge dans ce livre comme pour tenir la main de cette femme, pour savoir comment elle va, jour après jour, vivre dans cet espace clos en dehors du monde.
Sur la 4ème de couverture, l'éditeur, Actes Sud, indique : "Voici le roman le plus célèbre et le plus émouvant de Marlen Haushofer".
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