Avec tes mains de Ahmed Kalouaz

Avec tes mains de Ahmed Kalouaz

Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances

Critiqué par Klein, le 15 mai 2009 (Inscrit le 16 octobre 2004, 60 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (22 898ème position).
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En souvenir du père

Ahmed Kalouaz construit son texte sur sa relation avec son père, né en Algérie vers 1917. Ce père s'est retrouvé orphelin vers 10 ans, puis a été élevé par son oncle. Il n'a donc pas connu l'affection, ne sait pas aimer, ni sa femme, ni ses enfants. Il a connu la France pendant la seconde guerre mondiale, tirailleur comme tant d'autres. Il en revient. Puis s'exile en France, l'eldorado. Et fait venir sa famille, chose rare à cette époque.
Ses enfants apprendront le français, ils n'auront pas la même langue. Ils ne parleront pas ensemble. En aurait-il été autrement sans ça ?
Ahmed Kalouaz tente tout au long du livre de connaître le destin de son père puisqu'il ne l'a pas appris de sa bouche. Son écriture est proche de la prose. Ou bien de la litanie. On se laisse bercer, comme lui ne l'a jamais été.
Cela nous ramène à notre propre vie. Qu'avons-nous appris de nos parents ? Que savons-nous ? Et nos enfants, leur parlons-nous vraiment ?

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De Saint-Aimé (Algérie) à Saint-Aimé (Grenoble)

9 étoiles

Critique de Garance62 (, Inscrite le 22 mars 2009, 61 ans) - 28 août 2009

C'est d'une toile d'araignée tissée avec les fils de l'amour filial qu'il est question dans ce livre.
C'est l'histoire d'un fils qui pardonne à son père décédé l'amour jamais reçu, l'abandon toujours ressenti.
C'est la biographie émouvante d'un homme qui n'a fait parler de lui par aucun exploit mais qui pourrait être le digne représentant d'une génération de semblables ballotés par son époque.

Le père d'Ahmed Kalouaz, Abd-El-Kader, « comme l'émir défait par l'armée de Bugeaud le 16 mai 1843 », est né en Algérie vers 1917. Ahmed, lui, y est né en 1952. Le livre est construit par petits chapitres qui nous mènent de décennies en décennies, à partir de 1932.

Nous suivons le père, enfant : « Tu n'as plus de père, ta mère t'abandonne(..).A huit ou dix ans, tu dormiras dans les arbres pour ne pas te faire dévorer par les chacals ou les hyènes ».
Nous accompagnons l'homme enrôlé, en 1942, dans l'armée française : « Te voilà engagé pour deux ans sous l'uniforme du 6è régiment de tirailleurs algériens ».
Nous suivons l'homme qui fuit la misère : « Au début de l'exode, le mot France voulait dire de l'argent et de la nourriture. »
Nous suivons l'homme déchiré entre deux pays, deux vies, deux soleils différents, sans « route arrière possible » : «Déjà, vous savez que vous vivrez un jour un impossible choix. Ici ou là-bas, vous ne pourrez pas choisir, personne ne retourne dans le pays idéalisé ».
Nous vivons de l'intérieur, au moment de la guerre d'Algérie, le racisme envers les Algériens qui vivent en France, la suspicion des voisins, les arrestations, les tortures, les massacres : « A Lyon, des compatriotes étaient torturés, ne revenaient jamais. A Paris, ce sont des centaines de travailleurs qui disparurent un jour d'automne, et que l'on retrouva flottant dans la Seine ».
Nous découvrons l'homme illettré : « Tu as vécu sans les livres, sans les mots que l'on retient, qui font avancer » et tant d'autres que je vous laisse découvrir.

Grâce à ces mots appris et dont il se sert avec justesse, poésie et délicatesse, Ahmed Kalouaz nous fait aussi entendre ses pensées sur :
le pouvoir et la connerie humaine :L'Algérie : « .. les gens de ce territoire rabaissés au rang de « races inférieures » par Jules Ferry et ses amis »,
la « reconnaissance » de l'état français : « Malgré tes actes de bravoure, tu te battras longtemps pour faire reconnaître ces états de service. Les plus chanceux des tirailleurs recevront au mieux une médaille, le plus souvent du mépris »,
sa préférence pour la France : « Nous faisons partie de votre vie, mais nous préférons vivre dans un pays réel, un pays que nous aimons »
sa critique des religieux : "Je t'ai vu sur ton lit d'agonie, aux portes de la mort, et hors de moi je suis parti, incapable de supporter la présence et le comportement de "religieux", venus à ton chevet me donner des leçons de maintien.

Nous entendons les paroles d'un cœur ouvert qui justifie ces grandes petites 109 pages : « Aujourd'hui je t'invente peut-être des lambeaux de vie pour peupler ces blancs, combler cette carence affective mutuelle. Pourront-ils dire combien tu as souffert et ce que nous avons enduré? », un cœur craintif : « J'ai peur de ne pas réussir à dresser de toi un portrait juste.. ».

N'ayez crainte, monsieur Kalouaz, même si la mémoire trahit quelquefois les faits, elle ne trahit pas les sentiments et le portrait que vous avez fait de votre père est beau, profond, intelligent et émouvant.

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