Drapeaux noirs de August Strindberg
( Svarta fanor)
Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone
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D'une incroyable dureté...
Un des derniers livres écrits par Strindberg dans lequel il règle des comptes avec beaucoup de gens. En effet, tous les personnages décrits dans ce livre sont inspirés de gens ayant réellement côtoyé l’écrivain. Il a d’ailleurs eu toutes les misères du monde à le faire publier car aucun éditeur ne voulait prendre ce risque de peur des poursuites.
Lars Petter Zachrisson dit « Zachris » est un écrivain et rédacteur au journal « Le Bien du Peuple frère ». Ce journal est dirigé par Lögnroth, le rédacteur en chef assisté de son secrétaire Smartman. Ici, Strindberg nous introduit dans le monde de la presse et de la littérature suédoise. Un monde qu’il nous présente comme irrémédiablement corrompu et décadent. Zachris ne recule devant aucune bassesse pour avancer et se faire une renommée. Il vole la fiancée de son meilleur ami, la sublime Jenny et en fait sa créature qu’il domine et manipule à sa guise. Au contact de Zachris, Jenny se transforme et sa divine beauté n’est bientôt plus qu’un souvenir car son sinistre époux s’arrange pour la mettre enceinte deux fois en la violant, la réduisant ainsi à sa merci complète et totale. Jenny deviendra une espèce d’épave morphinomane et ayant perdu complètement contact avec la réalité.
Mais les perfidies de Zach ne s’arrêtent pas là. Il ruine un de ses amis écrivain et l’accule au désespoir. Il se sert des gens et les piétine lorsqu’ils ne lui sont plus d’aucune utilité. Il règne sur son entourage en despote et se pousse vers le haut à coups de mensonges et de fourberies. Comme il est avocat, il connaît la loi à fond et s’arrange toujours pour ne jamais être coupable de rien. C’est un funambule qui jongle avec la vie et le destin de ceux qui ont le malheur de croiser son chemin. Sa vie est un véritable enfer ! Son ménage est une gigantesque farce et d’une décadence encore inégalée, mais Zach trouvera son salut comme toujours contrairement à Jenny…
Ce livre est une saga avec une foule de personnages dont j’ai suivi les déboires avec beaucoup d’intérêt. La méchanceté et la ruse dominent cette petite société mais on y trouve aussi de la camaraderie et un havre de paix en un établissement appelé « l'Abbaye », appartenant au comte Max, qui sert de refuge aux hommes trop meurtris par leur vie de débauche et qui souhaitent y trouver un peu de paix et de sérénité.
Strindberg atteint ici le sommet de son art. C’est écrit d’une magistrale façon. C’est dense, compliqué, tortueux, avec plein de références à des personnages célèbres et à des événements marquants de l’époque de l’écrivain. Il y a beaucoup de notes de fin de page extrêmement intéressantes et instructives. De plus, Strindberg s’accapare des chapitres entiers pour nous faire de petites leçons de morale, de sciences naturelles, de parapsychologie et de chimie ! Moi, j’ai aimé mais certains pourront trouver cela ennuyeux un brin.
Tous les thèmes et obsessions strindbergiens s’y retrouvent soit l’absence de morale, l’argent, les femmes et leur émancipation, les mœurs, la saleté de la vie, les bassesses humaines et les luttes pour le pouvoir et l’ascension sociale. Un livre d’une extrême dureté.
J’ai éprouvé toute une gamme de sentiments pendant ma lecture… J’ai souri, j’ai ri, j’ai été émue souvent mais le dernier chapitre constitué de la lettre de Smartman à son fils m’a littéralement tiré des larmes. Strindberg nous livre une confession si émouvante et si belle sur la vie, j’ai senti que son âme rejoignait la mienne et que nous ne formions plus qu’un tout tellement sa vision de la vie est semblable à la mienne.
Deux âmes en parfaite communion …
Le livre comporte une préface de Strindberg lui-même et une postface des deux traducteurs.
« Lögnroth n’était pas d’un aspect séduisant. Il était monté en graine comme une laitue pendant un été sec et portait les couleurs pâles du céleri. »
« Il était évidemment agréable d’en être débarrassé. Mais pour la fête de Noël il fallait les enfants ; ils étaient décoratifs et formaient la toile de fond. »
« Les tulipes sont des êtres gais qui aiment la lumière, la joie et la musique. Si on joue pour elles, elles rient aux éclats, se penchent sur le bord du vase comme si elles voulaient être de la partie. »
« La première fois de l’automne que l’on voit, en sortant le matin, les arbres nus, on est pris d’une sensation de solitude, de vide et de malaise. Mais le lendemain on découvre de nouveau horizons. On voit à travers les objets, on voit plus loin, on se sent libéré ; tout est plus aéré, plus spacieux. Ensuite, on cesse de ressentir quoi que ce soit, jusqu’au jour où le givre décore les arbres de quelque chose de métallique, de rose et d’argent. »
« Kilo s’enfonça dans la chaise longue et « éteignit ses yeux » pour mieux entendre et mieux comprendre. »
Les éditions
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Drapeaux noirs [Texte imprimé], roman August Strindberg traduit du suédois par Pierre Morizet et Eva Ahlstedt
de Strindberg, August Ahlstedt, Eva (Autre) Morizet, Pierre (Autre)
Actes Sud
ISBN : 9782868690029 ; 18,30 € ; 04/01/1999 ; 343 p. ; Broché
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Un livre terrible
Critique de Ciceron (Toulouse, Inscrit le 21 août 2007, 76 ans) - 28 avril 2009
“Mais la bétise est la seule chose qui puisse toucher le public d’une nation dont les habitants ont été surnomés “Die dummen Sweden“, qui veut dire “Les stupides Suédois“.
En corrigeant les dernières épreuves, Strindberg s’est demandé si ce livre n’était pas un crime et s’il ne fallait pas en suspendre la parution. Jamais lu une vision aussi noire des rapports humains et ne pensais pas qu’elle viendrait d’une nation à image lisse, citoyenne et écolo comme la Suède, souvent citée en exemple avec le Danemark, la Finlande et la Norvège.
Jamais vu un écrivain, visiblement talentueux, être la cible d’attaques aussi féroces qu’il se sente obligé de démasquer et dénoncer avec rage les déchus, les spectres, les flibustiers, finalement les “Drapeaux noirs“, leurs crimes, leur traitrise et leurs tricheries. En clair, l’auteur n’aurait pu quitter la scène sans ce livre.
Satire sociale au vitriol et missile contre le milieu des écrivains, des critiques et de la presse, dont la forme est très proche du théatre avec le fameux “dîner des spectres“ en 1er acte. Les personnages sont décadents, ils intriguent, complotent les uns contre les autres et piétinent leurs amis pour mieux arriver.
L’expérience de trois mariages est très présente : la perfidie féminine joue ici un rôle important. Strindberg juge les femmes corrompues par les idées émancipatrices, faisant volontiers cause commune avec les ennemis de leurs maris pour remporter des victoires dans la lutte des sexes.
Ne vois qu’une explication à cette persécution : la jalousie envers l’écrivain à succès le plus brillant de l’époque, séduisant, et pire que tout, qui disait ce que personne ne voulait entendre.
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Merci Ciceron | 1 | Dirlandaise | 30 avril 2009 @ 02:28 |