A la recherche du temps perdu de Marcel Proust : Analyse de l'oeuvre de Henri Béhar
Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Critiques et histoire littéraire
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Par la petite porte
Proust par la petite porte, c’est à dire par fragments. J’ai pioché dans la Recherche cinquante pages par ci, trois pages par là. Jamais un tome de bout en bout. La syntaxe, les temps verbaux et la question « où veut-il en venir » freinent ma motivation. Hé bien, il faut pas se poser la question où veut-il en venir ; ou alors il faut se la poser autrement.
Le bouquin propose des extraits de la Recherche regroupés par motifs. En les découvrant avec délectation, j’ai compris que j’avais le droit de me fabriquer ma propre démarche de lecture. J’en ai gagné une certaine sérénité. Car je ne finirai jamais avec Proust, comme je ne finirai jamais le Journal de Jules Renard ni les nouvelles de Borges.
Les lieux (Combray, Balbec, Venise), les personnages et les motifs sont les principales étapes de cette réflexion. A mon sens il manque des extraits illustrant le thème de l’appartenance de classe, autrement dit le match aristocrates – bourgeois (« Reconnaître l’appartenance de classe est un rite dans l’univers de la Recherche », dixit Jacques Dubois). La genèse de l’œuvre, le résumé et un recueil de textes critiques enrichissent l’analyse du roman.
Les éditions
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"À la recherche du temps perdu"de Marcel Proust [Texte imprimé], analyse de l'oeuvre Henri Béhar
de Béhar, Henri
Pocket / Les Guides Pocket classiques
ISBN : 9782266137539 ; 14,59 € ; 23/12/2005 ; 281 p. ; Poche
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Proust ou la négation de l'homme moderne
Critique de Serge ULESKI (Paris, Inscrit le 26 novembre 2007, 55 ans) - 10 novembre 2010
Le style, c’est un point de vue, un regard sur le monde qui lui est propre ; c’est un angle de vue particulier sur les choses, les êtres, la réalité ; un angle d’attaque aussi, pour peu que l'auteur soit guerrier.
Le style, c'est la culture de l'auteur : histoire et apprentissage.
En littérature, il y a « style » à chaque fois qu’il nous est donné à lire une langue re-construite, une langue recomposée et ré-assemblée.
***
Prenons Proust dont la tentative de réconciliation (même inconsciente !) des humanités avec les sciences sociales - la littérature avec la sociologie -, est un des grands mérites de l’auteur.
Proust donc ! Et à son sujet… tout ce qu'il n'a pas écrit et tout ce qu’il ignorait de et sur lui-même, ainsi que la question : pourquoi a-t-il fait cette œuvre-là et pas une autre ?
Proust et la fulgurance du passé ; fulgurance du souvenir - celui de l’enfance, de l’adolescence et des premières années de l’âge adulte -, qui vient comme un boomerang terrasser Proust et le clouer au lit.
Chez Proust, tout est passé, tout appartient au passé : ses personnages aussi - figures du passé de Proust, s’entend. Son présent ne lui sert qu’à se rapprocher du passé. Proust ne disait-il pas : " Un livre est un cimetière" ? Et ce passé, indissociable de sa personne, commence dès son plus jeune âge : à 20 ans, il est déjà dans le passé de ses 10 ans ; à 30, dans celui de ses 20 ans.
Pathologiques cette situation et tous ces souvenirs qui, sans contrôle, viennent envahir sa conscience d'être au présent. Chez Proust, le moindre rappel du passé lui fait l'effet d'un événement capital, d'une importance démesurée : une importance extra-ordinaire ; chez lui, chaque souvenir est un traumatisme en puissance, car son présent et son avenir, ne seront jamais à la hauteur de son passé, puisqu’il ne s’investit pas dans son propre avenir, faute d'en reconnaître la nécessité.
En tant qu’être humain - être humain au sens moderne du terme : s’entreprendre et advenir -, Proust a cessé d’avoir un avenir, très tôt. Pour cette raison, Proust ne peut que se retourner sur lui-même. Et plus il se retourne, plus il souffre, ou bien, plus ses souvenirs le terrassent d’émotion : ce qui revient au même.
Proust est né très vieux dans un monde très jeune. C’est le paradoxe. N’oublions pas que Proust a 29 ans en 1900 ; et ce siècle qui arrive est le siècle d’avenir par excellence, quand on sait ce qu’il adviendra. A l’entrée de ce nouveau siècle qui grandira très très vite, Proust est déjà un homme du passé dans sa manière de conduire son existence, de l’acheminer, en ne donnant… justement, aucune direction à cette existence, sinon une seule : celle qui le renvoie à son passé ; alors que l'avenir est la seule direction envisageable pour un individu de son âge - normalement constitué.
De là à penser que Proust (rentier-boursicoteur) serait la négation même de "l’Homme Moderne" : s’entreprendre, advenir, mettre en échec tous les déterminismes...
D'autre part, on ne manquera pas de noter que l'oeuvre de Proust est le plus souvent une oeuvre-refuge pour ses admirateurs inconditionnels ; un rempart, l'oeuvre de Proust, contre ce monde moderne dont la nécessité historique leur échappe : tout ce qui nous y a conduit et continuera de nous y conduire ; même si l’on se gardera bien de leur demander d’y adhérer.
En effet, comment pourraient-ils, comment pourrait-on, nous tous ?
Sans oublier ceux pour qui Proust n'est plus qu'un auteur vers lequel on se tourne une fois que l’on a baissé les bras et que l’on s’est juré de ne plus porter aucun livre – à bout de bras, justement ! –, en y cherchant dans la lecture de son oeuvre, sa propre terminaison, prisonnier d’une chambre tombeau ; dernière sépulture de vie pour les convalescents et les agonisants de l’existence.
***
Certes, vivre, c'est accumuler du passé. Etre capable, à tout moment, de convoquer ce passé, c'est prétendre à l'immortalité : adoration perpétuelle de soi jusqu'à l'extase ; grandissement épique de sa propre histoire familiale et sociale avec l'éternité pour leurre et le mensonge comme clé de voûte car, le plus souvent, se souvenir, c'est se mentir...
L’expérience existentielle de Proust - expérience initiatique -, c’est une vérité sur lui-même, et cette vérité le désarçonne, lui fait perdre tous ses moyens et le condamne très tôt, à son insu et tous ses personnages avec lui, à l'immobilisme, l'oisiveté et la mort - et pas seulement à cause d’une santé fragile...
Avec pour seul secours : l’écriture ; et seul recours : le souvenir et l’émotion suscitée par cet exercice épuisant de remémoration qui a tous les accents d’une... auto-commémoration.
Tel est son style.
“La nausée” de Sartre, à côté de cette expérience fulgurante qui frappe Proust de plein fouet et au plus profond, c’est trois fois rien : juste une petite déprime.
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