La jalousie de Alain Robbe-Grillet
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Le récit autrement
Voici un roman où il ne se passe rien (au sens traditionnel de l’action romanesque) mais qui interroge notre perception du réel et du temps!
A… (seulement désignée par une lettre) accueille Franck, dont la femme et l'enfant malades n’ont pas pu venir, sur la terrasse de sa propriété. Ils conversent du voyage qu'ils feront ensemble en ville un jour prochain pour, l'un, acquérir un nouveau véhicule et, l’autre, faire des achats. Un boy sert et dessert. Nous sommes quelque part en Afrique, au milieu d’une bananeraie ; c'est dire si le soleil et ses manifestations, ombres et variations de lumières, sont omniprésents. Seul fait notable, l'homme, à un moment, se servant de sa serviette roulée en bouchon et de son pied va déloger du mur puis écraser une scutigère, variété géante de mille-pattes, en provoquant la crispation des doigts de la femme sur la nappe. Par la fenêtre les convives observent l’avancée du travail des ouvriers oeuvrant à la réparation d'un pont de rondins.
La scène centrale est sans cesse revisitée, avec des précisions nouvelles, des agrandissements de détails. Peu de souci, comme on l’a beaucoup dit, de la psychologie des personnages, de leurs états d’âme ou motivations.
L'auteur nous installe cependant dans cette tradition du roman psychologique qui veut qu’il y ait une action, en tout cas, de l'amour, des passions, de la jalousie, mais on chercherait en vain celle-ci ailleurs que dans le volet qui porte ce nom.
Les protagonistes évoluent-ils au sein d'une relation désirante ? Qu'attendent-ils de l’autre ? On peut tout conjecturer, mais rien n'est jamais confirmé par l'auteur . Des indices sont déposés, comme les gros plans faits sur la chevelure de A.. , sur la lettre qu'elle lit ou le poème qu'elle écrit, sur le voyage en ville retardé à la suite d'un incident qui sera l’occasion d'un rapprochement, mais a-t-il, aura-t-il lieu ?
De sauts temporels en transitions imperceptibles, on navigue en aval et en amont d'un temps flottant , mais ça avance dans une impression somnambulique, comme si le récit avait du mal à s’extraire de ses composants de base, qu'il en était otage.
Les événements s’encadrent ou se fragmentent dans des fenêtres. Les taches du réel peuvent s'effacer ou s’accentuer quand ils sont vus de derrière le verre d’une vitre ou par les lamelles d’une jalousie. Robbe-Grillet, dans ses descriptions, inventorie toutes les figures de la géométrie, triangle, carré, trapèze, losange à tel point qu’on pourrait, si on ne l’a fait, parler de littérature cubiste car, comme dans la peinture du même nom, le récit est éclaté, les portraits dépossédés de leur dimension expressive, les détails vus sous des angles d'approche divers.
Au finale, une remise en cause de nos habitudes de lecture car, même s’il a passé la quarantaine (au propre et au figuré) et qu'il a produit des influences diverses depuis, ce roman n'a pas vraiment donné naissance à un nouveau courant littéraire. (Que reste-t-il du Nouveau Roman aujourd’hui ?). C’est un livre qui a pour ambition de déchiffrer le réel autrement qu’en termes narratifs coutumiers, pour nous éviter de tout voir sous le prisme de l'événementiel, du possible récit, du spectaculaire. Il lave le regard qu'on porte ordinairement sur les choses, nous poussant à voir un motif avec tout son contexte matériel, comme si les éléments participant de ce motif, aussi anodins soient-ils , interagissaient entre eux, infléchissaient le déroulement supposé des choses.
Les éditions
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La Jalousie [Texte imprimé]
de Robbe-Grillet, Alain
les Éditions de Minuit
ISBN : 9782707300546 ; 16,50 € ; 01/07/1958 ; 217 p. ; Broché
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Les critiques éclairs (9)
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Thème et variation
Critique de Justine J (, Inscrite le 19 mars 2013, 38 ans) - 31 mars 2013
Pour ma part, l'exercice de style m'a intéressée et séduite.
Un ton extraordinaire
Critique de Pluirelle (, Inscrite le 27 octobre 2005, 43 ans) - 27 octobre 2005
Sans fond...et sans ordre!
Critique de Kinbote (Jumet, Inscrit le 18 mars 2001, 65 ans) - 17 décembre 2002
Un exercice de style sans fond
Critique de Lucien (, Inscrit le 13 mars 2001, 69 ans) - 16 décembre 2002
Un exercice de style sans fond ?
Critique de Tophiv (Reignier (Fr), Inscrit le 13 juillet 2001, 49 ans) - 16 décembre 2002
Quand je me suis lancé dans cette lecture, je voulais découvrir « le nouveau roman » !
Sans rien savoir sur ce courant littéraire, j'ai choisi, au hasard, la jalousie. C’est donc sans aucun a priori, ni aucune indication que je me suis lancé. Lors de la 1ère moitié du livre, j’ai aimé certains passages, j'ai apprécié l'ambiance, je me suis forcé à lire de longues descriptions sur la forme d’objets ou sur l’ordonnancement de la bananeraie. Puis, j'ai été un moment désarçonné par cet éclatement chronologique et enfin, j’ai été énervé par les répétitions et les « redites ».
Ce qui m'a gêné, ce n’est pas cette chronologie floue, plutôt brillante, mais c’est le fait que les scènes sans cesse revisitées dont nous parle Kinbote le sont (à mon avis ! car cela ne semble pas être celui de Kinbote) d'une manière qui n'apporte jamais rien de nouveau. Souvent, l’auteur n'hésite pas à employer les mêmes phrases pour « revisiter » une scène ! Et puis, il y a toutes ces descriptions fastidieuses que Kinbote nous présente comme du cubisme. Et d’ailleurs, Robbe Grillet ne se contente pas de décrire des formes, il décrit également les gestes, je ne résiste pas à l’envie de vous citer un extrait
: « La main droite saisit le pain, et le porte à la bouche, la main droite repose le pain sur la nappe blanche et saisit le couteau, la main gauche saisit la fourchette …» . Et ça continue comme ça pendant une vingtaine de lignes !
Bref, chacun se fera sa propre idée, mais pour ma part, ce livre, s'il est certainement un bel exercice de style littéraire sur la forme du récit, ne possède vraiment pas assez de fond, de substance. Et franchement, au final, on s’ennuie pas mal et on est ravi que tout cela ne fasse pas plus de 216 pages ….
Rasoir?
Critique de Lucien (, Inscrit le 13 mars 2001, 69 ans) - 3 mai 2002
La barbe !
Critique de Syllah-o (Liège, Inscrit le 5 décembre 2001, 62 ans) - 6 décembre 2001
***
Critique de Eric B. (Bruxelles, Inscrit(e) le 15 février 2001, 57 ans) - 6 décembre 2001
Très belle critique
Critique de Jules (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 80 ans) - 6 décembre 2001
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