L'Attente du soir de Tatiana Arfel
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Les couleurs de la douleur
Un récit à trois voix, à trois personnages. Chaque personnage détient sa propre voix, évolue dans son monde et lit sa partition.
Il y a Giacomo, directeur du cirque du même nom, clown blanc qui dresse des caniches et fait naître des symphonies parfumées.
Né dans une roulotte, sa vie c’est le chapiteau et ses couleurs. « ..mon premier souvenir, celui du monde clos, se prolongeait à l’infini dans cette communauté d’hommes et de femmes qui, chaque jour, tendaient à redonner un peu de couleurs à notre monde si fade et si hurlant à la fois. »
Giacomo est fataliste, il sait que Le Sort le rattrapera, Le Sort qui apporte le malheur «...le sort rejoindrait toujours nos caravanes pourtant mobiles et capricieuses pour se servir en chair fraîche et en larmes qu’il affectionne beaucoup. »
Il y a Melle B. Jamais le regard de sa mère ne l’a caressée, jamais les bras d’un père ne se sont fermés sur elle. Elle avance dans la vie invisible, transparente, absente « Mon corps (...) était sans nerf, mes yeux sans regard et mon coeur sans émoi. »
La folie rôde « Je me couchai, en proie à des fusées d’idées qui rendaient la peau de mon crâne de plus en plus transparente » l
Elle récite des tables de multiplication lorsqu’elle est en proie à l’angoisse. Et puis elle a « un trou dans la poitrine » quelque chose lui manque qui lui a été enlevé.
Et il y a le Môme. Enfant abandonné à lui-même, il découvre le monde par le brillant du soleil et le froid de la boue du terrain vague où il vit. Il découvre les goûts par « le jus blanc » de l’herbe dévorée, le piquant et l’âcre des aliments trouvés dans les poubelles, les odeurs des flaques d’eau et de la terre gelée.
La seule chaleur reçue est celle d’un chien qui devient son lien avec le monde, mais ce lien va se rompre et il connait la douleur
« Il y a de l’étranger dans son coeur. Ça fait mal, mais pas de froid ou de faim. Ça brûle et ça pique mais on ne peut pas l’arrêter en mangeant ou en dormant. Ça vient du dedans, il n’y a rien a faire ».
Mais le monde va venir au môme par les couleurs, va s’éclairer et s’élargir par les couleurs, le bleu des sacs poubelle, le rouge d’un vieux tapis, « le jaune et l’espoir ». Les couleurs remplacent les mots et deviennent langage.
Trois univers que tisse Tatiana Arfel, la parole est donnée à ceux qui ne peuvent parler en mots ou dont les paroles ne sont jamais entendues. De son travail en psychiatrie elle a rapportée la connaissance de l’autre et de sa souffrance, des possibilités infinies de l’être humain, de l’importance des mots mais aussi d’autres langages.
La première partie du roman s’intitule « Un plus un plus un », puis dans une seconde partie se révèle la possibilité de compter pour quelqu’un « deux plus un » de n’être plus seul ou de l’être moins.
Le récit est ponctué par les étapes du cirque, par le temps qui passe pour les trois personnages qui marchent les uns vers les autres pour être enfin « quelqu’un pour quelqu’un.»
C’est un roman foisonnant d’une imagination très riche, pleine d’odeurs et de couleurs.
J’ai été prise par ce texte d’une grande force et d’une très grande humanité.
Les éditions
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L'attente du soir [Texte imprimé] Tatiana Arfel
de Arfel, Tatiana
J. Corti / Collection Merveilleux
ISBN : 9782703305712 ; 7,99 € ; 08/01/2009 ; 325 p. ; Broché
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Merveilleusement inattendu !
Critique de Oops (Bordeaux, Inscrite le 30 juillet 2011, 58 ans) - 25 juin 2012
http://ma-bouquinerie.blogspot.fr/
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