Le bouc émissaire de August Strindberg

Le bouc émissaire de August Strindberg
( Syndabocken)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Dirlandaise, le 19 février 2009 (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 69 ans)
La note : 10 étoiles
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Le pouvoir de la haine

Édouard Libotz n’a pas eu une enfance facile. Son père, épicier de son état, l’a toujours plus ou moins maltraité et le jeune homme a rapidement pris conscience du tragique de la destinée que son passage sur la terre lui réservait. Il réussit pourtant à faire des études de droit et s’installe dans une petite ville de Suède dont la principale caractéristique est d’être une station thermale assez recherchée. Les débuts sont difficiles pour Libotz et les clients se font cruellement attendre. Il reçoit aide financière et encouragement de la part d’Askanius, l’aubergiste qui devient plus ou moins son ami. Mais notre héros n’est pas au bout de ses peines. Pour les habitants de la ville, il est un étranger et le restera quoiqu’il fasse. Bien que son étude d’avocat commence à avoir du succès, il est en butte à la haine et à l’hostilité générale. Pourtant, Libotz n’est pas méchant au contraire, il est même rempli de bonne volonté et n’hésite pas à aider dans la mesure de ses moyens ceux qui sont dans la misère et la peine. Mais on dirait que toutes ses bonnes actions se retournent contre lui. Plusieurs événements viennent perturber la vie de la petite ville, des drames se jouent et des destins s’accomplissent. La haine domine la petite communauté et cette haine a besoin de quelqu’un pour la canaliser, un bouc émissaire qui fait qu’au lieu de se déchirer entre eux, les habitants s’unissent et concentrent toute cette haine sur une seule et même personne : Libotz !

Avec ce livre, j’aborde l’œuvre de ce grand auteur dramatique que fut Strindberg, réputé particulièrement pour ses pièces de théâtre. Et ce livre rappelle effectivement une pièce de théâtre par la construction magistrale du récit et la place immense que prennent les différents personnages. Je ne peux m’empêcher de faire un rapprochement avec le film « Dogville » de Lars von Trier. C’est puissant comme récit, tant par l’écriture dépouillée et efficace que par la façon dont l’auteur met en place toutes les pièces qui mèneront au dénouement tragique de ce drame enfanté par la méchanceté intrinsèque de l’être humain et sa mesquinerie légendaire.

Un livre qui recèle une analyse particulièrement fine et réaliste des relations humaines et des âpres luttes que doivent mener les humains entre eux pour rester vivants et réussir à tirer leur épingle de ce jeu cruel et cynique qu’on appelle la vie. Un chef-d’œuvre !

« Cette attitude était la conséquence d’une confiance fondée non pas sur une méconnaissance de la méchanceté foncière de l’être humain, mais sur une position de principe : il faut croire au bien, se forcer à penser du bien de son prochain et tâcher de lui trouver des excuses et de lui pardonner coûte que coûte, en cas de déception. Il était ainsi fait, il était né avec ces idées sur le monde, sur les hommes et sur sa propre destinée, et il appelait cela sa « religion » ».

« Ils causèrent, avidement, tel un couple de naufragés sur une île déserte. »

« Il se garda bien de s’enorgueillir de sa victoire, mais il emprunta désormais les rues principales et y marcha la tête haute. Les regards haineux des passants ne l’atteignaient plus, il était immunisé contre les injures, qu’il n’entendait même pas, et il évitait de regarder les vitrines où toutes les semaines, s’il en avait envie, il pouvait voir sa caricature. Ainsi vivait-il, revêtu d’un scaphandre hermétique, ne recherchant le commerce ni des grands ni des petits. »

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