Aveux et Anathèmes de Emil Cioran

Aveux et Anathèmes de Emil Cioran

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Philosophie

Critiqué par Septularisen, le 2 février 2009 (Inscrit le 7 août 2004, - ans)
La note : 8 étoiles
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LE SCEPTIQUE DE SERVICE D’UN MONDE FINISSANT...

Dans la droite ligne du livre «Syllogismes de l’amertume» (déjà critiqué ailleurs sur CL) voici en quelque sorte sa suite «Aveux et anathèmes». Ce livre-ci, est lui aussi composé d’une suite d’aphorismes tous très simples à lire et à comprendre… du moins à première vue, mais beaucoup plus compliqués et complexes qu’il n’y paraît si on creuse un peu la réflexion…

Une suite de petites phrases… voici tout ce que l’on trouvera dans ce livre, mais des phrases aussi tranchantes que des lames de rasoir!..
Des phrases comme : «Pour désarmer les envieux, nous devrions sortir dans la rue avec des béquilles. Il n’est guère que le spectacle de notre déchéance qui humanise quelque peu nos amis et nos ennemis», ou bien encore «Quand on doit prendre une décision capitale, la chose la plus dangereuse est de consulter autrui, vu que, à l’exception de quelques égarés, il n’est personne qui veuille sincèrement notre bien»…

Emile CIORAN c’est la philosophe de l’interrogation, mais pas celui des réponses… avec un langage qui sait être en même temps simple («Être moderne, c’est bricoler dans l’incurable»), beau («Il y a du charlatan dans quiconque triomphe en quelque domaine que ce soit»), recherché («Je viens de parcourir une biographie. L’idée que tous les personnages qui y sont évoqués n’existent plus que dans ce livre m’a paru si insoutenable que j’ai dû m’allonger pour éviter une défaillance») ciselé («Plus l’homme avance , moins il aura à quoi se convertir»), sculpté («La tyrannie brise ou fortifie l’individu ; la liberté l’amollit et en fait un fantoche. L’homme a plus de chances de se sauver par l’enfer que par le paradis ), surprenant («Nous ne devrions déranger nos amis que pour notre enterrement. Et encore!»)… et surtout facile d’accès («Indéniable atout des agonisants : pouvoir proférer des banalités sans se compromettre.»)…

Rappelons que ce philosophe est volontiers sournois et provocateur… avec des phrases comme «Ce matin, après avoir entendu un astronome parler de milliards de soleils, j’ai renoncé à faire ma toilette : à quoi bon se laver encore?»… Cela atteint son paroxysme notamment quand il parle de ses thèmes de prédilection : la religion («Que d’occasions manquées de me compromettre avec Dieu»), de la musique classique («Ce qui n’est pas déchirant est superflu, en musique tout au moins»), l’histoire et la philosophie de l’occident («Tous les philosophes que j’ai connu étaient sans exception des impulsifs. La tare de l’Occident aura marqué ceux-là mêmes qui auraient dû n être indemnes»), l’homme («Si l'homme oublie si facilement qu'il est maudit, c'est parce qu'il l'est depuis toujours»), la vie («Le fait que la vie n’ait aucun sens est une raison de vivre, la seule du reste»), la mort («En mourant, on devient le maître du monde») …

Car n’oublions pas avant tout qu’il s’agit là du philosophe du pessimisme («On apprend plus dans une nuit blanche que dans une année de sommeil. Autant dire que le passage à tabac est autrement instructif que la sieste»), de l’ennui («L’ennui est bien une forme d’anxiété purgée de peur. Lorsqu’on s’ennuie on ne redoute en effet rien, sinon l’ennui lui-même»), du nihilisme («Ces enfants dont je n’ai pas voulu, s’ils savaient le bonheur qu’ils me doivent!»), de la tristesse («N’avoir rien accompli et mourir en surmené»), du suicide («Il est impossible de passer des nuits blanches et d’exercer un métier : si, dans ma jeunesse, mes parents n’avaient pas financé mes insomnies, je me serais sûrement tué»), de la solitude («Tant la solitude me comble que le moindre rendez-vous m’est une crucifixion»), de la mélancolie («La mélancolie rachète cet univers, et cependant c’est elle qui nous en sépare»)…

Je ne peux que vous laisser découvrir, ce petit livre, et vous inciter à lire celui qui se définissait lui-même «Le sceptique de service d’un monde finissant»…

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Les éditions

  • Aveux et anathèmes [Texte imprimé] Cioran
    de Cioran, Emil
    Gallimard / Arcades
    ISBN : 9782070708307 ; 12,90 € ; 31/12/1986 ; 145 p. ; Poche
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