Justine ou Les malheurs de la vertu de Donatien Alphonse François de Sade

Justine ou Les malheurs de la vertu de Donatien Alphonse François de Sade

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Gryphon, le 16 décembre 2008 (Mexico DF, Inscrit le 22 juillet 2004, 59 ans)
La note : 6 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (12 448ème position).
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Vices naturels

Depuis 1791, on a vu pire, non seulement dans à peu près tous les arts, mais aussi dans la vie réelle. Seconde "Justine" des trois versions que Sade a rédigées, celle-ci est à mi-chemin, comme on le dit dans la postface, entre le conte philosophique du 18e et le roman gothique du 19e. Les dialogues ou monologues philosophiques y tiennent encore tellement de place qu'un lecteur négligeant, en feuilletant un peu, ne pourrait tomber que sur ça et réclamer un peu plus d'action (comme l'avait satirisé Umberto Eco il y a plus de quarante ans)...

La pensée en tant que telle est un matérialisme poussé à son comble. Une fois établi qu'il n'y a plus ni Dieu ni Providence, toutes les morales se valent. Sauf qu'au lieu d'adhérer un relativisme éventuellement bienveillant, Sade se trouve un ersatz de transcendance dans ce qu'il appelle la Nature, qui dans le meilleur des cas est indifférente, dans le pire des cas mauvaise - en tout cas à l'opposé de ce qu'en a pu penser Rousseau. En se conformant à cette image de la Nature et notamment le règne animal, on peut bien entendu justifier n'importe quel vice. On s'aperçoit cependant assez rapidement que les arguments des vicieux sont des justifications a posteriori, qui naissent de l'expérience du mal et qui paraissent soit artificiels soit cyniques. Si les vicieux plaident tous pour une libération des tabous religieux ou sociaux, ils le font uniquement pour assouvir leurs besoins radicalement égoïstes. Comme tous les grands malades, il leur manque la moindre empathie pour leurs victimes, qui pourtant auraient elles aussi eu le droit au plaisir et à la libération des tabous. Sade préfigure ainsi les idéologies totalitaires et leurs pseudo-justifications basées sur des morales scientistes et autres darwinismes sociaux. Au mieux, ça nous amènera à Nietzsche et son concept de sur-homme.

"Justine" est pourtant un roman, pas un traité. Si on délaisse le répétitif, caractéristique de la pornographie, et si on se penche un peu sur le personnage de Justine, on s'étonne de sa candeur irréelle, voire onirique, cette manière - autre répétition! - de raconter constamment au premier venu l'intégrale de ses malheurs, cette façon qu'elle a de guérir rapidement des pires outrages - finalement: cette imperméabilité à toute expérience vécue.

Quant à l'humour noir de Sade, sa meilleure illustration en est la fin de l'histoire: au moment même où Justine se croit définitivement en sûreté et rétablie en ses droits, elle meurt par la foudre.

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Un monde chimérique? Peut-être pas...

8 étoiles

Critique de Windigo (Amos, Inscrit le 11 octobre 2012, 42 ans) - 1 août 2013

Si De Sade aurait rencontré Hitler, je me demande bien ce que ça aurait donné comme résultat?

Ce livre que j'ai trouvé sexiste, chimérique et sadique est une satire du monde dans lequel vivait De Sade. À l'époque, la religion était forte et voulait que les gens soient vertueux, mais De Sade a écrit tout à fait le contraire, surtout au passage où Justine se rend dans un couvent pour demander de l'aide et se fait violer par les prêtres pendant tout le temps ou elle sera prisonnière de cet endroit maudit.

Par contre, il y a une réalité dans ce texte. Regardez tous ces prêtres qui se font accuser de pédophilie aujourd'hui. Mais Justine ne se fait pas violer uniquement par des prêtres. Dans ces bourreaux, il y a aussi des hommes d'affaires prospères, des criminels, des gens riches, etc.

Ce que j'ai moins aimé c'est le vocabulaire utilisé. Il me semble que c'était répétitif et parfois difficile à lire. Quant à l'histoire, elle était pas si mal, même si je ne lis des livres pornographiques que très rarement.

Mon livre favori de Donatien

10 étoiles

Critique de Marlène (Tours, Inscrite le 15 mars 2011, 47 ans) - 17 décembre 2011

Moi j'ai lu ce livre il y a quelques années , j'étais ado mais je ne l'ai pas lu en cachette ;) Pendant un bon bout de temps je voulais étrangler Justine que je trouvais bien idiote (la fille qui n'a pas de chance et pas de jugeote) . Le passage avec les moines m'a beaucoup marquée ou ce père qui abusait de sa fille . Bon nombre de remarques m'ont laissée songeuse (sur l'altruisme , l'égoïsme , l'iniquité de la 'justice' etc)
Et puis au détour d'une petite précision en bas de page j'ai vu Justine tout à fait différente , le roman dans son ensemble et ce 'revirement' m'a encore plus marquée
J'ai lu pas mal de livres du Marquis de Sade mais celui-ci , le premier que j'ai lu de lui , reste mon favori
Cela peut paraître étrange à votre entourage , quand on dit que l'on lit le Marquis de Sade mais il a des réflexions intéressantes toujours d'actualité

Un livre marquant

10 étoiles

Critique de DE GOUGE (Nantes, Inscrite le 30 septembre 2011, 68 ans) - 28 octobre 2011

J'ai lu ce livre a seize ans, en cachette avec la classique lampe de poche, cachée sous les draps dans un couvent de bonnes soeurs !
Les histoires "sadiques" m'ont laissée indifférente, par contre la "philosophie" que j'ai découverte dans ce livre a marqué ma vie entière :
Justine découvre un gentilhomme blessé, quasi mourant, sur le bord de la route : elle le soigne, le guérit et en guise de remerciements elle subit les outrages "classique" version Sade !
Elle interroge alors : je t'ai sauvé la vie, et toi, tu me fais du mal ? "
La réponse a été pour moi une révélation : "si tu m'as aidé, c'est pour toi et non pour moi ! Tu aurais eu trop mauvaise conscience à me laisser mourant, donc je ne te dois rien, ton acte salvateur était avant tout égoïsme et bonne conscience".
Bien sûr, c'est là, ma traduction et non les mots du "Divin ?" marquis.........
Quel choc quand on a été baigné dans une éducation judéo chrétienne !
Je n'ai jamais oublié cette leçon de vie, voila pourquoi je mets 5 étoiles à cet ouvrage.

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  Une leçon philosophique ! 59 DE GOUGE 23 décembre 2011 @ 08:50

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