La fille sans qualités de Juli Zeh
( Spieltrieb)
Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone
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perversité
Le jeu pervers de deux élèves du lycée privé Ernst-Bloch, lycée huppé situé à Bonn en Allemagne, trouve son épilogue dans un bain de sang. L'avocate à laquelle on confie l'affaire est bouleversée, tant elle a du mal à juger cet acte. Elle entreprend alors d'écrire l'histoire des trois protagonistes, leur rencontre, les prémices du jeu, son déroulement jusqu'à l'irruption de la violence.
Les deux élèves en question se nomment Ada (quatorze ans) et Alev (dix-huit ans).
Ada, dotée d’une intelligence supérieure mais dépourvue d’un physique avenant, n’est pas une adolescente comme les autres : froide, s’isolant volontairement des autres, elle se sent totalement indifférente au monde, indifférente à ses sentiments, n’hésitant pas à clamer l’équivalence de toutes choses : « Je peux faire ce que tu attends de moi comme je peux le refuser. Pour moi, les deux possibilités ont une valeur identique. » Alev, qui débarque au lycée un an après Ada, se fait très vite remarquer : sa séduction, son érudition, son assurance, son tempérament et son cynisme lui confèrent d’emblée une position dominante parmi ses pairs.
Ada, qui trouve en Alev un partenaire à sa hauteur, tombe elle aussi rapidement sous son charme. Alev se rend vite compte de l’effet qu’il produit sur Ada, cette étrange fille sans qualités ni véritable identité. Lui non plus ne croit plus en rien, si ce n’est à la toute puissance de l’instinct du jeu. Et une manière de la mettre à l’épreuve est de se transformer en show master qui établit les règles du jeu des destins, une sorte de maître du jeu pervers et machiavélique qui n’hésitera pas à jeter son dévolu sur leur jeune professeur de sport, Smutek, réfugié polonais ambitieux. Ada et Alev, s’autoproclamant arrière-petits-enfants des nihilistes et de Nietzsche, sans oublier Smutek, telles sont les pièces d’un vaste échiquier où la domination, la manipulation, l’humiliation, le chantage, l’immoralité et la perversité se feront la part belle.
Plusieurs références émaillent « La fille sans qualités ». Celles qui reviennent le plus souvent se réfèrent à Nietzsche ou à « L’homme sans qualités » de Robert Musil. N’étant pas férue de philosophie, je suis sans nul doute passée entre certaines mailles du filet tendu par Juli Zeh, qui nous livre là un roman aussi exigeant qu’interpellant, avec parfois ce sentiment de naviguer entre le film « Elephant » de Gus Van Sant et le roman « Les liaisons dangereuses » de Choderlos de Laclos, mais il est aussi bien plus que cela. L’auteur dissèque les conséquences de la crise des valeurs et des grandes idées, l’absence de l’idéologie et la fin des idéaux de notre société contemporaine sur une certaine jeunesse en mal d’identité qui ne croit plus en rien, si ce n’est à l’instinct et au démon du jeu, « l’ultime forme possible d’existence et par conséquent l'ultime forme possible de bonheur », où la frontière entre le bien et le mal est des plus floues et des plus fragiles. Ce roman, qui n’évite pas toujours certaines lourdeurs et certaines envolées philosophiques, reste néanmoins magistral dans la démonstration. Il n’a donc pas usurpé le titre très convoité d’événement littéraire à sa parution.
Les éditions
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La fille sans qualités [Texte imprimé], roman Julie Zeh traduit de l'allemand par Brigitte Hébert et Jean-Claude Colbus
de Zeh, Juli Hébert, Brigitte (Traducteur) Colbus, Jean-Claude (Traducteur)
Actes Sud / Babel (Arles)
ISBN : 9782742776870 ; 11,70 € ; 01/09/2008 ; 658 p. ; Broché -
La fille sans qualités
de Zeh, Juli Hébert, Brigitte (Traducteur) Colbus, Jean-Claude (Traducteur)
Actes Sud / Lettres allemandes
ISBN : 9782330003227 ; 01/12/2011 ; 465 p. ; Format Kindle -
La fille sans qualités [Texte imprimé], roman Julie Zeh traduit de l'allemand par Brigitte Hébert et Jean-Claude Colbus
de Zeh, Juli Hébert, Brigitte (Traducteur) Colbus, Jean-Claude (Traducteur)
Actes Sud / Lettres allemandes
ISBN : 9782742768578 ; 24,20 € ; 03/05/2007 ; 465 p. ; Broché
Les livres liés
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Les critiques éclairs (4)
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la vie d'ada
Critique de Jfp (La Selle en Hermoy (Loiret), Inscrit le 21 juin 2009, 76 ans) - 22 août 2015
Quand la vie est un jeu
Critique de Isad (, Inscrite le 3 avril 2011, - ans) - 11 février 2012
Le livre montre le monde scolaire avec des adolescents blasés, des jeunes filles qui s’essaient à la séduction, des professeurs qui recherchent les élèves intéressés par leurs cours. En toile de fond, la vie familiale avec les disputes d’incompréhension réciproque en famille et l’incommunicabilité entre les êtres. Des réflexions sur la justice et le droit font également leur apparition en début et fin d’ouvrage quand la juge s’exprime.
L’écriture est froide et détachée. Les faits sont énoncés avec une absence de sentiment telle que le ressentent les 3 personnages principaux. On n’a affaire qu’à la « raison » et à une expérience scientifique sur des humains pour tester une théorie qui rappelle celle de Stanley Milgram.
J’ai passé de très bons moments avec ce livre qui explore notamment le sens qu’on donne à la vie et les motivations des actes que l’on commet qui ne sont parfois que des pulsions fugitives qui engagent pourtant profondément.
IF-0212-3837
Exploration passionnante
Critique de Ulrich (avignon, Inscrit le 29 septembre 2004, 50 ans) - 18 août 2009
Voici une exploration passionnante dans l’adolescence désabusée. L’histoire est sans doute improbable ou du moins hautement machiavélique, presque tordue mais elle est servie par des personnages passionnants et déroutants. On se laisse totalement happer.
Le parallèle avec l’homme sans qualités est très bien orchestré. Dans les titres de chapitre tout d’abord, dans la personnalité d’Ada ensuite. Comme pour l’homme sans qualités, c’est plutôt la femme sans spécialité. Une femme reflet de son temps, forcément un peu perdue.
Evidemment il n’y pas toute l’intemporalité du chef d’œuvre de Musil ; la puissance évocatrice de la nature humaine n’est pas aussi forte mais ce livre se laisse dévorer et nous invite à la réflexion : réflexion sur notre époque, notre jeunesse, la jeunesse, sur l’autre. Une réussite.
Plus qu'agréable surprise...
Critique de Pendragon (Liernu, Inscrit le 26 janvier 2001, 54 ans) - 9 août 2009
Comme je l’écrivais ci-dessus, c’est un livre qui se veut très fouillé et très profond, il tente d’aller très loin dans l’analyse humaine et les relations entre les gens, il en ressort une œuvre extrêmement intelligente, certes, mais avec des longueurs et des lenteurs qui, parfois, nuisent à la vivacité que la spirale demande. Notons cependant que les réflexions philosophiques qui parcourent allègrement ce récit sont elles aussi très bien tournées et permettent au lecteur de se poser des questions, voire même de trouver certaines réponses sur les interrogations qui, somme toute, surgissent chez tout être normalement constitué vivant dans le monde dans le quel nous vivons…
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