Jacinthe noire de Marguerite Taos Amrouche

Jacinthe noire de Marguerite Taos Amrouche

Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Littérature => Arabe

Critiqué par Débézed, le 24 novembre 2008 (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans)
La note : 8 étoiles
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Comme un épi hors de la gerbe

« Alors j’ai vu ses yeux noirs, étranges, offerts et insondables. Il me fallait aller vers elle. » Marie-Thérèse, Maïté, jeune Limousine exilée dans une sinistre pension parisienne raconte la relation qu’elle a eue avec Reine, jeune Tunisienne, égarée dans cette même pension où sa différence, son exaltation, son exubérance, sa personnalité sont très mal acceptées par la directrice et ses courtisanes d’une religiosité onctueuse et hypocrite. Elle nous raconte comment, dans ce huis-clos, un groupe de jeunes filles va intriguer pour exclure l’intruse ou pour défendre sa différence, s’affrontant sous fond d’obscurantisme religieux et de prosélytisme larvé. Le suspens n’est pas bien grand car l’auteur nous rappelle sans cesse que cette relation se termine mal.

Maïté, Marie-Thérèse, raconte en fait l’histoire de Reine qui est un peu l’histoire de Taos Amrouche, première romancière algérienne de langue française, qui a du, elle aussi, rencontrer un certain nombre d’obstacles quand elle est arrivée en France. Elle accapare aussi la jeunesse exaltante de son amie pour oublier son adolescence un peu trop terne et sans relief. S’inventant ainsi une vie possible dans la grisaille parisienne à travers les personnages qui ont meublé la vie son amie.

La religion qui est l’axe autour duquel tournent toutes les intrigues et les cabales, est la ligne de ségrégation entre Reine et les filles qui la repoussent car Reine revendiquait qu’elle ne différait « guère de m(s)a vieille grand-mère, restée musulmane ». Cette lutte de tous les jours contre celles qui n’acceptent pas la différence est aussi, en filigrane, une évocation du colonialisme, « elle est d’une autre race », et d’une certaine forme de racisme qu’elle subit même si elle fait « partie de la catégorie de ceux qui se sont séparés des leurs, qui ont rejeté la foi de leurs ancêtres pour suivre le Christ. »

Bien qu’elle soit fortement inspirée par des auteurs comme André Gide, son idole, qui est largement cité dans le roman et qui s’est fendu d’une lettre en introduction du livre, Taos, même si son écriture est très fine et très juste, fait preuve d’un romantisme très « dix-neuvième siècle » où l’exaltation du moi et l’analyse des sentiments sont poussées très loin dans le fond des cœurs et des âmes. On est bien loin de Constance Chatterley et de sa sensualité à fleur de peau, l’amour reste toujours très sentimental, on ne parle jamais de la chair ni de ses plaisirs. Mais, cependant, sous cette sentimentalité à la limite de la sensiblerie tant on défaille dans ce long texte, des thèmes plus forts émergent comme l’affirmation de la personnalité des femmes dans la politique, la colonisation, le racisme, …

Roman inspiré des grands classiques du XIX° siècle mais fondateur d’une littérature féminine maghrébine qui portera de beaux fruits comme Assia Djebar et bien d’autres aujourd’hui à l’image de Malika Mokeddem par exemple.

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