La Véranda de Robert Alexis

La Véranda de Robert Alexis

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Donatien, le 13 novembre 2008 (vilvorde, Inscrit le 14 août 2004, 81 ans)
La note : 7 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (22 904ème position).
Visites : 3 510 

Merveilleux ou précieux?

Certains critiques parlent d'écriture d'ambiance "gracquienne" à propos de Robert Alexis.
S'il est vrai que cet auteur a l'art d'attirer son lecteur dans des atmosphères brumeuses et à la limite du fantastique, je crois plutôt qu'il s'agit d'une méthode ou d'un style pour nous faire participer à son exploration des mondes et des êtres.
Pour ceux, et j'en suis, qui sont prêts à se laisser glisser dans les plis du temps et des lieux magiques, enchantés ou effrayants, c'est une joie. Mais il faut savoir que ce sont des voyages à petite allure qui permettent la perception des détails offerts par les descriptions richement minutieuses.
C'est alors que la prose ralentit et freine sans doute la narration mais favorise la lente imprégnation de l'imaginaire du lecteur.

Le héros (lecteur) de "La véranda" voyage en train à vapeur. Nous sommes prêts à partir pour Constantinople dès la première page du livre. Et ce via Vienne, Salzbourg, Bucarest, Prague.

C'est peut-être la dernière fois!

Le train archaïque, avec sa haute cheminée et son panache de fumée "d'une compagnie depuis longtemps tombée en faillite", nous fait profiter des paysages et permet des escales dans les grandes villes de l'Europe centrale.
Lors d'une excursion en bateau, une bâtisse à flanc de colline émeut le voyageur qui croit la "reconnaître"! Il se renseigne. La retrouve.
Ce lieu "ouvrait les pages d'un livre longtemps tenu secret". Il fait plusieurs fois allusion à la drogue "Ayahuasca" qui est une boisson à base de lianes consommée par les chamans des tribus indiennes d'Amazonie. Ce psychotrope permettrait d'accéder au monde des esprits.

Il rencontre Cécilia, propriétaire des lieux, alors qu'il se promène à Salzbourg. Il se présente comme candidat acheteur de la bâtisse avec la véranda magique. Il est bien reçu : "Nous savourâmes un délicieux Petrus! Son goût, me confia-t-elle , se mariait bien avec le crépuscule".
La maison lui est offerte!!!!"Je m'accoutumai lentement à me laisser conduire bien en-deçà des mots, par ces courants soulevant un à un les voiles d'une autre réalité".
Il séjourne dans la demeure fantastique en compagnie de Cécilia et de sa fille. Le songe se poursuit. Il tient cependant à reprendre le voyage : "Reprenez les trains que vous aimez tant. Gorgez-vous de sabbats, et revenez-moi vite".
Il s'arrête à Bucarest pour y vivre quelques semaines avec la jeune Clara. Il y mène une vie de fêtard.

Lassé, il arrive à Istanbul et y rencontre un occidental pervers avec qui il visite des maisons de plaisirs. Certains occidentaux y trouvent des jeunes filles Abyssines qui n'ont pas quatorze ans. "Lui, restait au rez de chaussée avec des professionnelles plus convenues".

Il est atteint par le choléra et doit lutter pour survivre. A son retour, il est soigné par Katerina, fille de Cécilia et se réveille..............dans son compartiment lorsque le train arrive à Istanbul!!!!!!!!!!!!!!

Pour les amateurs de récits emboîtés, d'atmosphères romantiques, de personnages aux facettes multiples, voilà un auteur à suivre.

Robert Alexis est médiatiquement discret. Pour ceux qui voudraient le connaître mieux, je conseille de consulter le site de son éditeur José Corti........Un entretien très instructif et le dossier de presse permettent d'explorer ses sources et ses interrogations.

Bonne lecture.

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"La véranda" dans le boudoir du Songe...

10 étoiles

Critique de Lefildarchal.over-blog.fr (, Inscrite le 12 janvier 2009, 79 ans) - 12 janvier 2009

J'ai découvert tout à fait par hasard son premier roman « La robe » totalement captivant et singulier.
« La véranda » est le plus troublant, le plus subtil, le plus délicat de ses romans. L’auteur a dit lui-même dans « le matricule des anges » que son lecteur idéal ne s'arrête pas au récit.
« -j'aimerais que chacune de mes phrases soient pour lui un point de départ... le roman développe des intuitions ». « La véranda » est son roman le plus marginal. Il ne s'y passe presque rien... mais quel rien !!!
Le liseur se demande s'il s'est assoupi, s’il a manqué quelque chose par ... distraction? Non, il s’est laissé hypnotiser par la magie d'une écriture arachnéenne.
La première approche de ce livre n'est que l'effleurement indicible de l'irréel dont l'auteur dans l'ombre de son narrateur est un guide discret « -Il fallait seulement apprendre à changer de point de vue ».
Par de petites phrases presque anodines, il conduit vers l'indiscernable qui devient proche, presque palpable. Il échafaude une histoire dont l'architecture semble composée d'abstraction : « -L'imminence de la mort génère paraît-il cette singulière archéologie ».
S'aventurer dans « la véranda » c'est s'ouvrir à la perception de la terrible beauté d'un songe lancinant, c'est aussi consentir à une immersion dans la liquidité insondable dont est fait le regard du Destin. « -La métaphore du lac gelé m'amusa un instant. Nombreux étaient ceux qui ne vivaient qu'à la surface des choses ».
La frontière entre la vie et la mort est la charnière où se greffe « la transgression des limites ». Un thème cher à Robert Alexis.
Dans ce roman le sortilège opère comme les charmes d'antan. Une rencontre va être dont le déploiement sera sans équivalent: « -Je me souviens de ce moment comme l'un des plus forts de ma vie ». Ce livre s'articule autour d'un livre d'Hofmannsthal qui va accroître « le lien d'ombre » prêt à précipiter l'irruption de l'irréel dans la réalité.
Une fantastique évasion, une emprise terrible qui poursuit longtemps. La vie serait-elle un songe oublié ?
Un voyage en train, une halte à Linz, une villa entrevue, avec une véranda attire le narrateur. « - Je prends ce train peut-être pour la dernière fois ».
C’est bien d’un voyage dont il s’agit. Réel, symbolique. Revenir, renouer le fil d’un rêve interrompu. Illusion ? Mémoire ? Transparence des apparences… images nébuleuses d’une époque révolue… « la volonté d’en finir avec mes pressentiments… »
La villa aux abords d’un lac contient le passé prestigieux des Hohenhels. Le narrateur va acheter la demeure à vendre.
Deux femmes entrevues ajoutent au sortilège du paysage. « Très proches l’une de l’autre, on les voyait souvent réunies, vêtues de noir portant le deuil d’une dynastie parvenue à sa fin, s’aidant mutuellement à supporter la charge trop lourde des siècles. »
Edulcorer la puissance romantique du roman, la réduire à une énigme dont le mystère ne cesse de grandir est impossible car elle repose toute entière sur le velours d’un style à savourer comme une pipe d’opium dans le boudoir du Songe.

lefildarchal.over_blog.fr

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