Le banquier anarchiste de Fernando Pessoa

Le banquier anarchiste de Fernando Pessoa
(O banqueiro anarquista)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Jules, le 17 novembre 2001 (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 80 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (27 102ème position).
Visites : 6 568  (depuis Novembre 2007)

Un raisonnement en forme de théorème

Cela nous semble évidemment totalement aberrant, comme au narrateur d'ailleurs… Mais le banquier maintient son assertion et dit qu’il est fidèle à ses idées anarchistes, non seulement en théorie, mais également en pratique. Tout au long de ce petit livre, il va tenter de le prouver à son interlocuteur par un raisonnement qui se voudra aussi mathématique qu’un théorème de géométrie qui se termine par cqfd !
Je ne vais pas me lancer dans l'explication de ce raisonnement. N'en donner qu’une partie, pour ne pas être trop long, serait le travestir. Comme dans un théorème, chaque nouvelle étape ne peut découler que d’une précédente et en sauter une revient à fausser tout l'édifice.
Mais je peux vous assurer que cette démonstration n'est vraiment pas mal faite, même si elle ne m'a pas convaincu. Mais c'est en lisant ce livre que vous pourrez vous rendre compte par où elle pèche, bien que semblant très logique.
Un petit livre qui vaut la peine d'être lu, ne fut ce que pour voir comment, logiquement, il est possible de justifier parfois bien des choses.

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  Prose de Pessoa

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Se méfier de la cohérence des théories

6 étoiles

Critique de Henri Cachia (LILLE, Inscrit le 22 octobre 2008, 62 ans) - 22 septembre 2015

Le banquier anarchiste sonne comme un oxymore. Quoique aujourd'hui, tout, même l'impensable soit devenu possible tant le cynisme est devenu monnaie courante.
Ce livre nous rappelle de toujours nous méfier de la cohérence des théories et des grands orateurs, justifiant les entreprises humaines les plus dévastatrices, dans tous les domaines.
Cette première publication de Pessoa en 1922, se voulait évidemment provocatrice à l'époque, et on peut imaginer facilement les réactions qu'elles ont pu provoquer.
L'écrivain ne montre pas dans ce petit livre de cent pages tout le talent qu'on lui reconnaît aujourd'hui, notamment avec des répétitions énormes comme celle qui a fini par m'exaspérer à chaque fois qu'elle me sautait aux yeux. En effet les mots « fictions sociales » sont martelées près de deux cents à trois cents fois dans cet opuscule.
Néanmoins la lecture de cet ouvrage reste très plaisante et annonce la très belle plume de cet auteur.

Pour s'éclairer (ou pas) sur les opinions de Pessoa.

7 étoiles

Critique de Dubois (, Inscrit le 23 septembre 2011, 46 ans) - 27 septembre 2011

Ce qui se dessinait dans Chronique de la vie qui passe, le premier volume de ce diptyque consacré à la prose publiée du vivant de Pessoa, s’accentue ici. Très peu de fictions, mais quelques critiques littéraires, des théories artistiques et des écrits politiques. Le plus long texte est une étude sur le commerce et en particulier sur la correspondance commerciale, le domaine dans lequel Pessoa travaillait. Ce texte n’est pas complètement inintéressant car il développe quelques idées qu’on pourrait qualifier aujourd’hui d’ultralibérales. Mais il ne faut, bien entendu, pas s’arrêter à cela, car, comme toujours avec Pessoa, malgré tout le sérieux de l’analyse, il y a une certaine légèreté - inavouée, qui n’apparait que lorsqu’on envisage l’ensemble de son œuvre - comme une ironie sur ses propres opinions. Il n’est pas question de nier la sincérité de ses convictions ni de remettre en cause la manière ostensiblement rationnelle qu’il use pour les exposer, mais plutôt de douter, avec lui, de ce que pourrait être sa personnalité. C’est le phénomène des hétéronymes. Pessoa a signé tout les textes présents ici de son propre nom et donc on a tout lieu de croire qu’il s’y exprime le plus personnellement possible. L’ironie de la petite nouvelle éponyme, Le banquier anarchiste, est indéniable ; il se moque de l’antinomie inhérente à l’anarchie qui se veut une doctrine socialiste et individualiste, tout cela aboutissant avec la plus grande logique à la contradiction factuelle de l’anarchiste banquier. Mais, qu’en est-il de ses propres opinions, sur les différents poètes, les francs-maçons, le libéralisme ou encore sur la dictature de Salazar ? Il les défend, parfois, sans ironie apparente, mais avec la même logique. Cette logique dont Pessoa savait l’insuffisance à prouver quoi que ce soit dans des domaines tels que la psychologie, la sociologie ou la politique. Plus intéressante est la forme, la symbolique qui se cache derrière toutes ces analyses très rationnelles au fil des différents textes : Une opposition binaire entre deux forces contradictoires qui doivent tendre, dans leur opposition, à l’harmonie, celle-ci étant une sorte de troisième force ne s’opposant pas aux deux autres mais les transcendant.

Etre anarchiste

8 étoiles

Critique de Sahkti (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 50 ans) - 10 novembre 2005

Dans ce magistral récit d'une centaine de pages, Fernando Pessoa donne la parole à un banquier. Celui-ci explique avec force et conviction à un ami dubitatif comment on peut concilier la profession de banquier avec l'idéologie d'anarchiste. Suit une longue dissertation très intéressante sur la définition de l'anarchisme, son rôle, ses moyens et surtout sa possibilité ou non d'être réalisé. Et si oui, comment. C'est ainsi que l'on apprend pourquoi notre homme est devenu banquier et en quoi c'est l'apogée de l'anarchisme. Une motivation résumable en une phrase mais le faire ici serait déflorer le reste de la démonstration qui vaut son pesant d'or. Tout au moins au début, car par la suite, vers la fin, elle s'essouffle quelque peu et tombe dans la facilité.
Un beau travail de Pessoa sur l'art de convaincre avec peu de choses. Le propos est accessible, compréhensible par tous, alors qu'il se donne par moments des airs de dissertation philosophique. Tout est clair, limpide et on finirait par croire aux explications de ce cher banquier, si une petite voix ne nous disait en permanence "je me fais avoir, il y a un truc là!". Et oui, c'est tout un art de rendre logique des éléments qui ne le sont pas forcément et Pessoa se débrouille plutôt bien. Car il nous laisse cette possibilité de douter de ce que son narrateur raconte, il ne nous écrase pas, ne nous impose rien. Il décortique plutôt un mécanisme efficace de tromperie bien ficelée.

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