Les Javanais de Jean Malaquais
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Javanais à Java
Ce roman paru en 1939 a obtenu le prix Renaudot.
Mon commentaire :
L'anglais manchot Théobald John Kérigan prend la place de directeur dans une mine argentifère du sud de la France à la tête de cette drôle d'équipée : chevrier turc, arménien en rut, nord africains portés sur le gros rouge dominical, musiciens polaques, docteur allemand, boulanger viennois, agronomes rouskis. Tous ont un point commun : le lieu "paradisiaque " sur lequel ils logent, un site entre terre et eau, un morceau d'humanité soudé par la promiscuité des cabanes assemblées de tôles et de planches récupérées pour y loger cette centaine de travailleurs apatride.
Sur cette ile, cachée dans les bois, on y accueille tout le monde, grands et petits, costauds et chétifs, chrétiens ou pas, à partir du moment ou le besoin de travailler permet de manger sans compter la sueur, la salissure outrager votre corps. En réponse au Gide de l'époque, cet écrivain aux doigts fragilisés par sa suffisance, Malaquais présente ses personnages qui lui ressemblent tant qu'une part de chacun est un peu de lui-même.
C'est à partir de ce campement, terrain d'une ancienne fonderie qu'un sinistre avait détruit, que les ouvriers tirent la force d'exploiter la mine vétuste. La dénommée Java se révèle être tantôt paradis ou havre de paix pour certains, terre d'exil ou jardin d'Éden pour d'autres. Confrontés au cauchemar de la dure réalité, la communauté se replie au creux des besoins d'évasion de tous évoqués ou non, favorisé par l'alcool, dernier refuge avant la tombée des corps dans l'oublience d'un repos réparateur.
Les Javanais vivent avec autant d'intrigues et d'originalité qu'une populace de quartier, de joie et de peine qu'au sein d'une équipe soudée pour un identique objectif, de mystère et d'amour qu'entre les habitants d'un village isolé qu'auraient inventé avant l'heure l'espéranto pour communiquer.
J'accuse les Javanais de me donner une grande leçon de français.
J'accuse Malaquais de ne pas s'en tenir aux mots de l'écriture imprimée, pour attaquer de front leur musicalité toute en quinte et demie-mesure appropriée, et leur poésie.
J'accuse l'auteur d'engoncer ses personnages de rêves momifiés, d'idéalisme cadavérique.
Cette condition n'est pas plus humaine qu'une autre, pas plus innocente non plus. Ces morts à crédits à lui semblent fondre leurs bons jours dans ces lingots de minerais argentifères. Il serait triste de ne pas rire de soi d'autant que Malaquais le fait sérieusement, car si c'est mieux qu'ailleurs la misère n'ôte pas l'esprit de détente, les pointes d'humour, conditions requises pour avoir une bonne pêche.
De ce récit émane cette bonne tranche de l'art typique à Malaquais confirmé plus tard dans Planète sans visa.
Pas une phrase qui ne boitille, pas un mot qui n'inconvienne à ceux qui l'entourent. Quel travail d'artisan ! Quel talent !
Extrait dénotant l'intention franche de l'auteur : Magnus, un allemand qui travaille à la mine comme artificier, rencontre sur la route du village, deux individus égarés qui souhaitent être embauchés. L'un d'entre eux, allemand lui aussi, raconte son expérience de mineur en Tunisie :
... Dans la mine de phosphate où j'ai trimé, tu dérouilles ton bicot si sa caboche ne te revient pas.
— Tu exagères, réplique le javanais. Leur caboche est moins faite pour la dérouille que la tienne, toi qui est de Würzburg ! Le jeune blondinet fit entendre un semblant de rire et glissa la main sous le bras de Magnus.
— C'est qu'ils n'en foutent pas une. Ils te regardent bosser et n'en foutent pas une. Sont flemmards, tu sais, comme les youpins.
— La ferme ! dit Magnus dégageant son bras. L'allemand la ferma.
— Je suis un couillon dit le souabe. Magnus le laissa dire...
Lorsque Malaquais, ce polonais découvre avec allégresse à Paris la première partie de l'oeuvre de Céline (la plus remarquable à travers Mort à crédit), lorsque Malaquais, appuyé par Trotski approuve la position du docteur Destouches anti-communiste paru dans son Ferdinand au pays des Soviets, qu'elle pu bien être sa réaction de juif insulté par ledit auteur quand celui-ci s'acharnait à travers ces pamphlets antisémites ? Question sans réponse.
Pour terminer sur une note plus enjouée, offrez ce livre à vos enfants, il a encore une grande place dans l'actualité de demain.
Les éditions
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Les Javanais [Texte imprimé], roman Jean Malaquais
de Malaquais, Jean
Phébus / D'aujourd'hui (Paris. 1988).
ISBN : 9782859403898 ; 2,98 € ; 28/09/1995 ; 238 p. ; Broché
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