Polar et puzzle

En 48 + 2 séquences mêlant des genres différents (reportage, compte-rendu de réunion, article de journal, lettre), il nous est raconté dans le désordre chronologique l’histoire de la supposée Société de puzzlologie des USA de 1969 à 1995, époque où a lieu une série de crimes avec amputation d’un membre.

Dans les années précédant les assassinats, un homme d’affaires va donner une impulsion étonnante au puzzle de papa en organisant des concours de puzzle de vitesse dont les comptes-rendus, empruntant leur vocabulaire aux reportages sportifs, constituent les passages les plus savoureux du livre. Comme il s’agit d’un roman policier, le défi pour le lecteur est de trouver le coupable. et, comme c’est de coutume dans ce genre littéraire, l’accent est mis sur certains personnages susceptibles d’endosser l’habit du tueur : le milliardaire, le jeune prodige du puzzle de vitesse évincé, l’ex-président de la Société de puzzlologie, histoire de nous détourner du vrai coupable qui nous est présenté dans le dernier chapitre, en cinq points et intitulé sobrement « La solution ».

Étant donnée la structure du livre (les chapitres portant sur des faits éparpillés dans le temps de l’action), il faut du temps avant de disposer les diverses pièces chronologiquement (sauf à se reporter à « L’énigme » qui, d’emblée et judicieusement, nous présente les grands points de l’intrigue). Mais peu à peu, les silhouettes se démarquent de l’ensemble et on reconnaît les protagonistes de cette histoire improbable qui flirte avec le non sens et ce, jusqu’à l’épilogue. C’est l’occasion pour l’auteur de pointer les dérives du monde capitaliste (et plus spécialement du cynisme de ceux qui veulent lui faire porter le chapeau) et du sport tel qu’il est devenu, toutes disciplines confondues. Il nous dépeint aussi très bien l’évolution d’un groupe d’hommes sur une période de vingt-cinq ans avec ses rivalités et mesquineries, ses désirs de revanche ou encore ses volontés de se singulariser à tout prix.

Ce qui étonne, quand on sait l’âge de l’auteur (28 ans) au moment de la parution de ce roman (en 98 dans « La Noire »), c’est la maîtrise avec laquelle il agence les divers éléments de l’intrigue et contrefait des sous-genres littéraires, ne manquant pas de pointer le parallèle entre le roman policier et le puzzle : « Le joueur et le détective avancent à pas comptés, assemblant peu à peu toutes les pièces d’un tableau dont le motif général leur échappe jusqu’au bout. »

Seul bémol, le dénouement que, comme souvent dans les romans policiers ou supposés tels (car il s’agit plutôt ici d’une parodie du genre), j’ai trouvé décevant, en deçà de l’espoir que le roman a, par sa rigueur structurelle, contribué à entretenir auprès du lecteur.

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  Éloge de la pièce manquante [Texte imprimé] Antoine Bello

  de Bello, Antoine
  Gallimard / Collection Folio
  ISBN : 9782070358533 ; 8,60 € ; 11/09/2008 ; 324 p. ; Poche

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