Zone de Mathias Enard

Zone de Mathias Enard

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Aliénor, le 31 octobre 2008 (Inscrite le 14 avril 2005, 56 ans)
La note : 7 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 6 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (25 091ème position).
Visites : 6 562 

Un roman fleuve impétueux

J’ai mis trois semaines à lire ce livre ébouriffant d’un peu plus de 500 pages, et j’en ressors lessivée. Tout d’abord car le thème en est difficile. Dans ces 24 chapitres figurent tous les conflits que notre monde a connu et connaît encore, et avec eux les innombrables actes de barbarie et de violence qu’ils ont engendré.
Le héros de cette histoire a été un acteur clé de toutes ces horreurs, et en même temps que nous suivons son trajet en train jusqu’à Rome, nous revivons avec lui cette longue histoire et les actes terribles qu’il a commis. Rome, destination finale pour un nouveau départ. Il doit en effet remettre au Vatican une mallette contenant tous les renseignements collectés par ses soins durant des années, sur tous les hommes qui ont fait ces conflits et commis ces violences. Ensuite, il a prévu de disparaître. D’ailleurs il a déjà endossé une nouvelle identité pour ce voyage.

Lessivée aussi, car ce livre est tellement fouillé et documenté qu’il implique une grande concentration pour ne pas perdre le fil de l’histoire. Certains moments m’ont happée (en particulier les magnifiques passages sur Intissar et Marwan), mais à d’autres je me suis acharnée à poursuivre ma lecture, car il m’arrivait de décrocher.
Enfin, le style exige également une grande concentration, car il y a absence ou presque de ponctuation. Ces plus de 500 pages sont une interminable phrase, ponctuée ça et là de quelques virgules. Mais ne vous en effrayez pas, cela ne pose aucun problème. Simplement ce n’est pas un livre que l’on prend pour quelques minutes de lecture par-ci par-là au gré du temps libre. C’est lui qui vous impose son rythme. Il faut consacrer du temps à ce roman fleuve impétueux très exigeant.

Je n’étais pas certaine d’écrire un billet sur ce livre, tant je craignais de ne pas parvenir à restituer ce que j’ai ressenti en le lisant. Et aussi car je ne savais pas trop si je l’avais aimé ou non finalement. En écrivant ces lignes, je réalise que cette lecture m’a marquée, et que ce roman sera certainement pour moi un des plus marquants de cette rentrée littéraire.

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Des hommes et des guerres

10 étoiles

Critique de Lu7 (Amiens, Inscrite le 29 janvier 2010, 38 ans) - 1 février 2011

Je suis contente de retrouver des sentiments partagés ici par d'autre lecteurs, CptNemo et Phineus en l'occurence.

Ce rythme, que le lecteur peut choisir de se créer, ou bien de laisser filer comme le train sur les rails, cadencé, au pas des traverses.

Poser son front contre la vitre froide du compartiment, voir défiler des paysages, puis des lumières, et s'oublier, récrire dans sa tête, sans logique de temps, les guerres qui font un homme, les histoires qui font un pays, les conflits qui allument et font s'embraser une région du monde.

La phrase unique parce que tout commença il y a bien des siècles, et parce que non, cela ne finira pas au terminus, sur le quai, pas comme ça, ni autrement.

Pour moi, qui ai toujours besoin d'apprendre et comprendre l'histoire des Hommes, Zone est un trésor.

La nausée des hommes de l'ombre

6 étoiles

Critique de Kikeow (, Inscrit le 19 octobre 2010, 60 ans) - 19 octobre 2010

Ce livre est haletant et j'ai été happé de bout en bout par la nausée associée à toutes les horreurs (tortures, viols, ...) des différents acteurs de l'ombre des conflits de cette Zone.
Jusqu'où cela va-t-il aller ? Quels secrets lourds à porter porte le narrateur aux noms multiples ?

Il me semble surtout intéressant par la compilation des informations recueillies auprès d'agents secrets ou de professionnels de la guerre sous toutes leurs formes. Ces évènements ne sont pas dans les livres d'histoire mais font partie de l'horreur des guerres. L'interconnexion des mêmes acteurs sur des conflits différentes est un aspect également intéressant.

Du point de vue littéraire, le style sans ponctuation et les répétitions des mêmes évènements visant à faire ressentir cette logorrhée au lecteur me semblent lourd. Les relations intimes du personnage principal me paraissent sans intérêt même s'il est intéressant de montrer l'incapacité de celui-ci à avoir une vie "normale".
A mon sens, un style plus épuré ou classique aurait valorisé la richesse du contenu.

A lire quand même.

le grand voyage

10 étoiles

Critique de Phineus (Bordeaux, Inscrit le 16 février 2009, 87 ans) - 12 octobre 2010

Un récit qui pourrait passer pour la transcription du contenu de conscience d'un narrateur durant quelques heures passées dans un train. En fait rien de tel, on ne trouve pas un monologue intérieur à la Faulkner ou à la Simon, aucune imitation de ce qui pourrait se passer dans l'esprit d'un homme qui se souvient. Quand bien même le livre n'est constitué que d'une phrase unique sans origine ni fin, l'écriture écarte tous les procédés censés reproduire le désordre, ou le chaos de la conscience. Les souvenirs, les évocations, les fantasmes mêmes sont narrés de façon classique. Tout est structuré, ordonné et à aucun moment le lecteur ne s'égare ; il découvre avec étonnement que cette unique phrase il la découpe, la ponctue à son insu, naturellement.
Alors pourquoi une seule phrase ? Il est amusant de devoir préciser ça : ça ne concerne pas le narrateur mais l'écrivain ! c'est une métaphore et une mise en abyme : l'absence de points c'est l'absence d'un arrêt, d'une fin et d'un commencement, dans ce qui est évoqué, et ce qui est évoqué c'est le désir (éros et thanatos) ; il coule sans fin... sans point.

Puissance du style et force romanesque

8 étoiles

Critique de CptNemo (Paris, Inscrit le 18 juin 2001, 50 ans) - 2 septembre 2009

Un homme dans un train entre Milan et Rome. Au fil des gares traversées il se souvient. De son passé et de celui de la Zone. La Zone c'est la zone de guerre très ancienne que constituent les rivages de la méditerranée et l'Europe. Il se souvient des victimes et des bourreaux (dont il fut), des victimes devenues bourreaux et des bourreaux devenus victimes. Au fil des années passées dans un service de renseignement il a monté un énorme dossier sur les innombrables bourreaux, anciens et modernes de la zone. C'est ce dossier qui lui revient en mémoire au fur et à mesure de son avancée vers Rome.

Un livre extrêmement fouillé et documenté sur les nombreux pogrom et guerres commis en Europe et sur ces bords depuis la guerre de Troie (de nombreuses références à l'Iliade dans le livre, notamment le nombre de chapitres, 24 comme le nombre de chants de l'Iliade) voila comment on pourrait définir Zone .

Ambitieux mais réussi notamment grâce au travail remarquable sur la forme. J'ai beaucoup apprécié l'écriture qui nous porte dans le tourbillon des guerres qui ont dévasté l'Europe et ses frontières sans nous laisser beaucoup souffler. Les passages dans le train sont très beaux et j'ai beaucoup aimé le procédé consistant à utiliser les gares traversées pour faire la liaison entre les différentes pièces du dossier. L'absence quasi totale de ponctuation participe grandement au charme de l'écriture, contribuant à hypnotiser le lecteur et à l'emporter dans la Zone. Le narrateur et personnage principal est très agréablement détestable. Un petit regret pour la fin quand même que j'ai trouvée un peu bâclée.

Cela fait bien longtemps que je n’avais pas lu de roman français possédant une telle puissance. Dommage que l’éditeur ait axé sa communication sur le discours « c’est un roman avec une seule phrase » car c’est techniquement faux et très réducteur. Zone vaut bien mieux que ça.

Déconcertant

2 étoiles

Critique de Caravelle (, Inscrite le 29 juillet 2009, 37 ans) - 30 juillet 2009

On peut admirer la "prouesse technique" réalisée par l'auteur : écrire 500 pages sans point en entremêlant des dizaines d'histoires/lieux/époques.
Pour le reste... le livre est pénible à suivre. Je me suis forcée à aller jusqu'au bout en espérant une fin étonnante, en vain. Ce pavé est un vrai bloc : sans début, sans fin, sans intensité croissante, sans temps morts.
Au final un rythme monotone et lancinant.

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