Paperboy de Pete Dexter

Paperboy de Pete Dexter
( Paperboy)

Catégorie(s) : Littérature => Policiers et thrillers

Critiqué par Grass, le 24 octobre 2008 (montréal, Inscrit le 29 août 2004, 46 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (14 657ème position).
Visites : 5 868 

Il n'y a pas d'homme intact

Je ne sais pas pourquoi j’attendais. J’avais trouvé ce nouveau Dexter en usagé (2$, mort de rire) et il était là, sur le dessus de la pile de livres à lire, et je me le gardais, attendant le grand jour. Le grand jour n’est jamais venu, mais j’ai quand même fini par me déniaiser et m’y lancer, renforçant du coup ma conviction que Dexter est un immense écrivain, un monstre.

Les autres romans de Dexter que j’ai lu précédemment (God’s Pocket, Train, Deadwood) avaient tous quelque chose de prenant, quelque chose dans le ton, un cynisme violent mais sournois, une poésie de langage à la fois brute et sophistiquée. Dans tous les cas, c’était variable selon le ton que l’auteur donnait au roman, mais ici, je dois dire qu’au départ, je n’ai pas reconnu Dexter.
Il restait caché, attendant le bon moment pour le lancer la roche qu’il gardait entre ses mains, le salaud.

Les romans de Dexter sont tous de grands romans noirs. Des romans qui mettent en scène quelques personnages dont la vie va basculer, voire débouler, suite à tel ou tel événement. Suivent par après les péripéties et les concours de circonstance fâcheux, et les personnages se mettent à collectionner les cicatrices. Et comme je disais, alors que les autres romans annonçaient haut et fort le style de Dexter, Paperboy est abordé comme un roman noir de facture beaucoup plus classique. Du moins sur la forme. Pratiquement aucune émotion ne perce le jour de tout le long de ce roman relativement dense. Les personnages, pour la plupart avares de mots, communiquent plutôt mal entre eux. Les non-dits, les sujets laissés en suspens, les actions sur un coup de tête sont fort nombreux. Et le ton de Dexter dans tout ça reste impassible. Il peut bien raconter une scène de torture sur le même ton que s’il parle d’un homme seul qui se verse un verre de vin et se cale dans son fauteuil pour lire le journal.

L’histoire nous vient du point de vue de Jack James, un jeune de vingt ans assez réservé, qui fut nageur dans l’équipe de l’Université. Nous sommes en Floride, dans le comté vaseux de Moat, vers la fin des années soixante (du moins il me semble. Dexter campe toujours ses histoires dans un époque définie, mais sans vraiment le rappeler au lecteur à tout bout de champ. Je crois que c’est ce qu’on appelle Se concentrer sur ses personnages plutôt que de peindre le décor). Le père de Jack, W.W. James (World War, pour les intimes) est propriétaire de Moat County Tribune et ne vit que par et pour les journaux. Un homme froid et interdit, qui ne se rappelle même pas du nom de sa femme de ménage qui lui fait ses repas à chaque jour. Et le frère de Jack, Ward James, n’a pas encore la trentaine et est déjà un journaliste pressenti pour le Pulitzer. Son père en est grandement fier, même s’il travaille pour le Miami Times. James fait équipe avec Yardley Acheman, un journaliste aux grandes ambitions littéraires. Tous les deux forment une paire qui les mènera au Pulitzer. James enquête, Acheman écrit. James est réservé, préoccupé, Acheman est tête folle et boit de la bière pendant que son collègue enquête. Dexter, qui a été journaliste d’investigation avant de se lancer dans la fiction, se sert ouvertement d’Acheman comme bouc émissaire afin de taper sur le « nouveau journalisme », approche libre et peu rigoureuse du métier. Il avait déjà écorché le sujet dans God’s pocket.

Quoi qu’il en soit, l’équipe de journalistes se met à travailler sur le cas d’Hillary van Wetter, un péquenot de Moat County, qui purge son temps en prison après avoir été accusé du meurtre d’un shérif, lui-même responsable du meurtre du cousin de van Wetter. À l’aide d’une solide documentation fournie par Charlotte Bess, une femme dans la quarantaine qui s’est éprise du cas de van Wetter et qui est bien destinée à tout faire pour le sortir de prison et l’épouser, les deux journalistes se lancent dans un article qui présenterait un alibi pour van Wetter la soirée du meurtre, et tentent par le fait même de renverser un procès où les preuves ont été grandement négligées. Mais lorsque Acheman, las d’attendre la fin de l’enquête pour se mettre à écrire, décide de se lancer lui aussi en quête de faits et de preuves, ça commence à se gâcher. Chacun son métier.

Paperboy est un grand roman et comporte de nombreuses scènes mémorables. Mais ce qui frappe encore plus, ce sont les petits détails et les points que Dexter ne développe pas. Derrière un geste, une réplique ou une réaction, Dexter nous laisse nous même interpréter les émotions de ses personnages. Jamais n’aurait-il la prétention de vouloir prendre ses lecteurs par la main et leur dire quoi ressentir. Dexter est vif et intelligent et respecte ses clients. On finit de le lire, et on se sent un peu plus fort qu’avant.

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Les éditions

  • Paperboy [Texte imprimé], roman Pete Dexter traduit de l'américain par Brice Matthieussent
    de Dexter, Pete Matthieussent, Brice (Traducteur)
    Points / Points. Roman noir
    ISBN : 9782757805787 ; 2,42 € ; 08/11/2007 ; 372 p. ; Poche
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Bonne surprise

7 étoiles

Critique de Lily (, Inscrite le 17 novembre 2010, 40 ans) - 10 novembre 2012

La liberté d'imagination du lecteur se mêle agréablement et simplement avec celle que nous laisse l'écrivain. Une belle découverte!

efficace

8 étoiles

Critique de Clubber14 (Paris, Inscrit le 1 janvier 2010, 43 ans) - 9 juillet 2010

Nous entrons dans le monde palpitant du journalisme d'investigation, aux côtés de 2 journalistes talentueux, chacun dans son domaine et du narrateur (le frère de l'un d'eux).
Nous découvrons ainsi que ce métier est à mi-chemin entre le métier d'écrivain et celui de flic, un métier pour lequel il ne faut pas avoir froid aux yeux, où quand une porte se claque il faut pouvoir la contourner ou la forcer et où rien ni personne ne vous donnera une info gratuite.

Nous plongeons dans un roman assez noir avec Paperboy, Dexter met une pression psychologique intense à ses lecteurs, nous nous demandons jusqu'aux 2-3 dernières pages comment cette affaire va se conclure.....Ca a d'ailleurs été là ma seule source de déception, j'ai trouvé la fin trop rapide, un dénouement et un épilogue un peu faciles par rapport à la tension qu'avait su instaurer, tout au long du roman, l'auteur.

Dans l'ensemble c'est un très bon journalistico-policier,les personnages sont vrais et profonds, pas de tricheries.

Je recommande vivement ce roman, qui se lit assez vite sans être un page-turner.

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