Laver les ombres de Jeanne Benameur

Laver les ombres de Jeanne Benameur

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Christophe H, le 15 septembre 2008 (Inscrit le 7 avril 2008, 62 ans)
La note : 7 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (41 348ème position).
Visites : 3 820 

figures de femmes en équilibre

Auteur de nombreux livres pour enfants, de romans, de pièces de théâtre, Jeanne Benameur signe un beau récit, retenu, sensible, fort. Lea est danseuse et chorégraphe, amoureuse d’un photographe. L’une est dans le geste, le mouvement, le jeu d’équilibre. L’autre se focalise sur l’instant suspendu, l’immobile. Est-ce cet antagonisme paralyse toute aspiration au bonheur ? A moins que cette incapacité à lâcher prise vienne de beaucoup plus loin. Du mystère maternel.
En onze tableaux, comme on bâtirait une chorégraphie, Jeanne Benameur entremêle le passé enfoui de Romilda et l’avenir bridé de Lea. C’est à Naples, en pleine Seconde Guerre mondiale, que s’est logée la mort dans le corps d’une jeune fille à peine femme. L’horreur du monde s’incarne parfois… Et le silence s’abat sur les destins. Il faut, des années après, encore maintenir le secret alors que la vie fait semblant de dérouler son cours. « Comment une langue peut-elle articuler ce qui pèse et qui broie ? Le souffle de la parole peut-il donner forme à la mort ? » Pourtant, les mots viendront, libérant ces deux femmes. Tout était inscrit dans la chair, dans l’héritage silencieux. Le pardon et le souffle retrouvé sont à ce prix : oser une parole qui révèle l’effroi et, dans le même élan, libère les peurs.
Le roman est court, dense. Jeanne Benameur raconte cette histoire, tendue entre deux figures de femmes, évidemment liées puisque mère et fille, et pourtant si écartelées par leur propre histoire. L’écriture et âpre, charnelle, vigoureuse. C’est comme traverser une tempête : on n’échappe pas aux bourrasques. Il est des délivrances qui ne supportent pas les bavardages. Puis, dans l’air ébahi, se lève le matin du monde…

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Vaincre l'immobilité où toute peur est possible

7 étoiles

Critique de Bluewitch (Charleroi, Inscrite le 20 février 2001, 44 ans) - 23 mars 2016

"Laver les ombre" parle d'une femme qui ne se pose pas. Elle danse, emportée dans la passion du mouvement pour ne pas avoir à supporter son humaine présence, cet ancrage propice au retour à soi. Elle ne sait pas pourquoi, se figer la fait souffrir, la remue dans ses entrailles, lui fait peur. Elle danse pour altérer le vide, combattre le sentiment d'intrusion qui l'habite depuis toute petite.

L'ironie veut que l'amour l'emmène vers un homme de l'immobilité, un peintre, un homme qui regarde, déshabille son identité sous ses coups de pinceaux. S'essayer à poser pour lui est une douleur à laquelle elle hésite à s'abandonner. Et comme si tout devait se chorégraphier dans une frénésie nouvelle, c'est le moment que choisit la mère de Lea pour parler. La mère distante et silencieuse, aimante pourtant, se révèle, ouvrant le rideau sur un autre tableau, celui d'une jeune femme froissée dans les draps d'une maison close napolitaine, pendant la seconde guerre mondiale. Au fil du livre, les deux récits se répondent. La fille, la mère.

Même s'il se passe le temps d'une journée pluvieuse et d'une nuit de tempête en bord de mer, Laver les ombres y rassemble deux vies entières. Comme pour beaucoup d'histoires, celle-ci se construit autour du secret, de la honte, du besoin d'amour qui emporte parfois vers l'erreur qui changera tout.

Jeanne Benameur joue l'économie, l'intériorité, fait valser des personnages qui ne se toucheront presque jamais. Le contact physique est au creux du roman, tout autant que l'est l'introspection, la mise à nu des blessures tues. Si cette approche semble au départ un peu trop facilement descriptive des états d'âmes, elle s'enrichit et se nourrit au fil des pages, se donnant corps et mouvement, tenant moins les émotions à distance alors qu'elle semblait les observer de près dès le début. Comme il est dit en début d'ouvrage, "laver les ombres" signifie, en photographie, mettre en lumière un visage pour en faire le portrait. Ainsi va ce livre dans sa progression, où il est question de plus que de "simples" visages. Tout cela dans une extrême pudeur et avec beaucoup de délicatesse. De ces histoires comme il y en a tant, certes, mais qu'il est bon de voir se dénouer.

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