Mort à crédit de Louis-Ferdinand Céline
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Le récit d’une jeunesse pour le moins particulière
J'ai beau me dire que je suis bien inconscient de m'attaquer à une telle figure des lettres françaises, rien n’y fait. Je n'arrive pas à réfréner mon envie !
" Mort à Crédit ", c'est l'histoire d’un petit garçon dont la mère est mercière et le père petit employé dans une grosse compagnie d'assurances. Son aire de jeu est une galerie marchande couverte et chauffée au gaz. Pour trouver un peu d’air on va hors de Paris chez l'oncle. On est pauvre chez les Destouches et ça gueule beaucoup, entre les colères du père et les jérémiades de la mère. L'incroyable voyage en Angleterre !. Je ris chaque fois à ne plus en pouvoir !… Je vous livre l'extrait. un modèle du genre !. Tout le monde sur le bateau est malade, alors cela donne : " Tu vois toi aussi Ferdinand il t’est resté sur l’estomac le thon !… Nous refaisons l’effort ensemble… Bouah !. et Bouah !. Elle s'était trompée ! c'est les crêpes !… Je crois que je pourrais produire des frites… en me donnant plus de mal encore… En me retournant toute la tripaille en l’extirpant là sur le pont. J’essaye. Je me démène. Je me renforce. Un embrun féroce fonce dans la rambarde, claque, surmonte, gicle, retombe, balaye l’autre pont. L’écume emporte, mousse, brasse, tournoie entre nous toutes les ordures… On ravale. On s'y remet. A chaque plongée l'âme s'échappe. on la reprend à la montée dans un reflux de glaires et d'odeurs… Il en suinte encore par le nez, salées, c'est trop !… Un passager implore pardon… Il hurle au ciel qu'il est vide !. Il s'évertue !. Il lui revient quand même une framboise !… Il la reluque avec épouvante… Il en louche… Il a vraiment plus rien du tout !. il voudrait vomir ses deux yeux… Il fait un effort pour ça. Il s'arc-boute à la mâture. Il essaye qu'ils lui sortent des trous. "
Ferdinand ira en pension en Angleterre, un court moment, avant de commencer à travailler. Il exerce de petits métiers : livreur, coursier, magasinier etc. Mais il ne s'adapte pas et les tuiles les plus variées lui tombent sur la tête. Heureusement, il y a l'oncle Edouard ! Il le présente à un " savant inventeur ", sorte de Léonard de Vinci aux petits pieds. Et voilà bientôt Ferdinand à la campagne, avec le savant et deux ou trois gamins dans son genre. Il y découvrira l’instruction. Le savant travaille à une expérience de croissance accélérée des légumes par la radio-tellurie !… Mais il est ravagé par les dettes et se suicide. Voilà Ferdinand à nouveau sur le pavé… Il retourne chez son oncle qu'il veut forcer à l’aider à s’engager dans l'armée. La suite est une autre histoire, un prochain roman.
" Mort à Crédit " et Louis Ferdinand, c'est du tout grand art !. "
Les éditions
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Mort à crédit [Texte imprimé] de Louis-Ferdinand Céline [ill. de] Tardi
de Céline, Louis-Ferdinand Tardi, Jacques (Illustrateur)
Futuropolis / Futuropolis Gallimard
ISBN : 9782737627033 ; 37,20 € ; 24/10/1991 ; 623 p. ; Broché -
Mort à crédit [Texte imprimé] Louis-Ferdinand Céline
de Céline, Louis-Ferdinand
Gallimard / Collection Folio
ISBN : 9782070376926 ; 10,90 € ; 24/09/1985 ; 622 p. ; Poche
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Les critiques éclairs (22)
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Héneaurme !
Critique de Cédelor (Paris, Inscrit le 5 février 2010, 53 ans) - 13 décembre 2024
Je l’ai trouvé quand même un poil en dessous du « Voyage… » Mais qu’importe, il ne souffre pas de la comparaison, il peut être qualifié de chef d’œuvre. Simple affaire de goût. Et puis… les deux livres ne se ressemblent pas, ils ne peuvent être comparés mêmes s’ils ont été écrits par la même main. Et quelle main ! Une main qui a changé de braquet, de ton, de genre et su créer quelque chose d’autre, encore une autre façon d’écrire, alors qu’elle aurait pu se reposer sur le succès du « Voyage… » qui était déjà en soi très nouveau. On a du génie ou on en a pas. Et Céline en avait, incontestablement.
Mais voyons ce livre, ce « Mort à crédit ». Qu’en puis-je dire ?
Je l’ai ouvert, j’ai craint de m’ennuyer, de m’être fourvoyé dans cette lecture. Et les premières pages lues m’ont troublé, je ne savais plus comment lire ça. Et mes craintes se sont confirmées… Mais qu’est-ce que ça raconte ?! Et ça dure 600 pages comme ça !!? J’allais jamais pouvoir tenir ! Et puis… Et puis, j’ai fini par trouver le bon rythme de lecture… et puis Céline commence le récit de son enfance. Et là enfin, le génie démarre ! Et ça ne s’arrête plus ! Une logorrhée incessante, dense, riche, qui court, qui court, dans une langue follement prodigieuse !
Son enfance, que Céline raconte, pourrait être banale, semblable plus ou moins à des milliers d’autres du même contexte familial et social que le sien, de son temps. Mais il a su la transfigurer et en faire un objet littéraire proprement époustouflant. Toute l’humanité y transpire. Toute l’absurdité de la souffrance humaine. La sienne. À fleur de peau. Ce n’est pas un roman, c’est une sorte d’autobiographie à sa sauce, dont je ne sais si tout y est totalement véridique, s’il n’a enjolivé, noirci, modifié, inventé, ici ou là. Mais qu’importe, presque, le résultat est confondant. Je n’avais jamais rien lu de pareil. Ça peut sembler d’une lecture difficile mais pas tant, il faut simplement se laisser porter par le courant du texte, sans s’arrêter, prendre tout ce qui vient sans résistance. Ainsi Céline reste lisible, malgré son inventivité argotique, grammairienne, néologique, ou franchement ordurière. Et il est vrai que je n’ai pas compris tous les mots ou expressions employés, mais qu’importe, cela ne nuit pas à la compréhension du récit. Ni même ces 3 petits points qui ont tant fait gloser !
Et quel récit ! Un style très parlé, très verbal, qui ne fléchit jamais. Cela aide facilement à suivre, cela va tout seul, malgré des mots ou des tournures qui échappent. Mais quelle langue, ah là là ! Et quel comique il fait ! Une sorte d’humour noir, pince-sans-rire, franc et cru, inimitable, présent d’un bout à l’autre du texte. Je n’aurai jamais pensé Céline en humoriste si je n’avais lu « Mort à crédit ».
Puis, vers la 400ème page, quand j’ai abordé la partie avec Courtial des Perreires, j’ai ressenti quand même de la lassitude, une impression de redondance, de répétitivité. On continue sur le même mode expansif, excessif, emporté, toujours marrant, mais à la longue, ça fatigue ! Puis à un moment, insensiblement, ça repart, l’histoire vire de plus en plus au tragique, à l’extravagance, au déraisonnable. Et drôle quand même. Et ça finit, une fin qui n’en même pas une ! Qui laisse ouverte à des développements ultérieurs, un développement qui pourrait être celui du « Voyage au bout de la nuit », puisque chronologiquement, « Mort à crédit » est placé avant.
Un roman autobiographique définitif, innovant, unique en son genre, impressionnant, qui ne peut laisser indifférent aucun lecteur. Quelle somme ! Admiratif je suis devant une performance littéraire comme celle-ci. Céline est sans conteste un des grands écrivains du XXème siècle. Il doit être lu.
Un régal littéraire
Critique de Yann73 (, Inscrit le 28 août 2024, 51 ans) - 29 août 2024
Attention : le prologue d'une cinquantaine de page est ennuyeux et doit hélas décourager un grand nombre de lecteurs. C’est une sorte de rêverie poétique, comme une continuité du Voyage au bout de la nuit avec le narrateur médecin établi qui soliloque et hallucine à l'occasion. Ce n'est pas mauvais, mais était-ce nécessaire ? Si l’on sort de la lecture du Voyage, on est un peu déçu, on se dit qu'il refait la même chose.
Puis, en page 47 (de l'édition blanche - Gallimard), le récit de l'enfance du narrateur commence vraiment, avec cette phrase magnifique : "Le siècle dernier, je peux en parler, je l'ai vu finir...il est parti sur la route après Orly...Choisy-le-Roi..."
A partir de là, c'est un enchantement littéraire permanent, on ne s'ennuie plus du tout. Un roman d'apprentissage en somme, mais à la Céline, violent et cru, mais aussi très drôle.
Par rapport au Voyage, beaucoup moins (quasiment pas) de réflexions philosophiques : juste un récit classique dans sa trame, si bien que le titre (qui veut dire que la vie est si moche que c’est comme une mort à crédit) est un peu hors sujet, je trouve.
La première partie est très dure : le narrateur (âgé d’environ 15 ans il me semble) subit la violence et le stress de ses parents, puis, après son certificat d’étude, s’essaye péniblement au monde du travail. Il est d’assez bonne volonté mais, un peu flâneur (et quand même bien amoché psychologiquement par le violence physique et verbale de son père), il tombe dans certains pièges…
Après un séjour complètement braque (et toujours si drolatiquement narré) dans une pension anglaise, vient la deuxième partie du livre, une charmante éclaircie dans son existence. Son bon oncle lui trouve en effet une place chez un directeur de gazette scientifique et aéronaute inénarrable (mais formidablement bien narré par l’auteur). A trois reprises dans cette partie, le narrateur note qu’il est heureux (« le présent n’était quand même pas trop tarte »), ce qui est à souligner chez Céline !
A la fin ça se redégrade fort, puis, après toutes ces incroyables péripéties, notre narrateur Ferdinand est enfin en âge d’aller à l’armée.
Un des livres les plus puissants que j’ai lu. Et on se régale en permanence du grand style de l’auteur, magnifié à la perfection par la lecture qu’en fait Podalydès.
NB :
la version Folio est la version censurée (de certains passages très crus, une demi-douzaine en tout) , à l'époque ils avaient laissé des blancs dans l’édition !). Les versions Collection Blanche et Pléiade sont non-censurées (et je suis presque sûr le livre audio car j’ai écouté des passages gratinés...
Outre le long prologue, il y a deux autres passages ennuyeux dans le texte : au moment de la maladie du jeune narrateur, il raconte son délire fiévreux de plusieurs pages. Trop long. Puis un passage où il raconte à son jeune collègue l’histoire médiévale du roi Krogold, dont le lecteur se fiche éperdument (et Céline en a fait tout un livre..un inédit sorti l’année dernière…)
Concernant l'argot, très présent, il faut parfois s'accrocher un peu car le sens a vieilli, mais ça ne gêne pas trop la fluidité, et c'est plutôt amusant et poétique. Le mot d'argot "radiner" par exemple est souvent utilisé et il signifie de nos jours "rappliquer." On traduit spontanément. De toute façon, l'argot fait partie intégrante du style Céline (qui n’est pas que cela, qui est un très délicat équilibre, très travaillé, de la dentelle, comme il disait)
Redondant.
Critique de Obriansp2 (, Inscrit le 28 mars 2010, 54 ans) - 22 novembre 2015
Admiré aveuglément par beaucoup, qui ne l'ont pas lu
Critique de XueSheng (, Inscrite le 26 novembre 2012, 38 ans) - 26 novembre 2012
Cela doit-il être mis de côté quand on le lit ? Peut-être, peut-être pas. En tous cas, sa prose a beaucoup vieilli, et si la dénonciation de la guerre est bien venue, elle s'accompagne aussi de pas mal de banalités populistes, d'approximations et d'invectives vaines et insultantes pour diverses catégories de personnes.
Non, ces livres ne valent pas tout ce qu'on en dit aujourd'hui, même s'ils ont fait du bruit à leur époque, parce qu'ils étaient "inconvenants" ; or cela ne suffit pas à faire un grand auteur. On préfèrera Vailland par exemple (lire "La truite").
Y'en a un par siècle
Critique de Bifidus (, Inscrit le 24 janvier 2012, 61 ans) - 24 janvier 2012
Y'en a un par siècle des styles. Proust et Céline, laissez moi rigoler !
Shakespeare, Dostoievski et Céline point barre.
Tout le reste c'est lourd.
Régal des vermines
Critique de Bilo (, Inscrit le 25 mai 2011, 58 ans) - 1 juillet 2011
Unique
Critique de Herve2 (, Inscrit le 23 mars 2011, 54 ans) - 25 mars 2011
Grand
Critique de Thomasdesmond (, Inscrit le 26 juillet 2004, 43 ans) - 13 décembre 2010
Je suis prêt à tout pour comprendre ses errances haineuses des pamphlets, car son génie le vaut bien.
Quoi de plus triste que ce Mort à Crédit triste et beau à pleurer, à crever ! Quoi de plus fort et de plus renversant que le style de Louis Ferdinand pour percer les âmes, les travers de chacun, les horreurs tapies dans les tréfonds de nos âmes sales ?
Quelle réussite que d'avoir tout sacrifié pour évacuer définitivement tout le pathos, tout le sentimental, tout l'inutile au fond, que Céline déclare ignorer et éviter par pudeur !
Grand chef d'œuvre, dur d'accès, mais qui s'ouvre plus facilement après quelques dizaines de pages, livre qui change celui qui le lit, comme Le Voyage... livre d'un homme qui a stylisé à l'extrême son chagrin, ses souffrances, sans nous laisser jamais la possibilité de s'apitoyer sur lui, qui se montre sous le jour le plus dégueulasse possible, qui se rend insignifiant et vide, car l'important c'est ce monde qu'il voit et décrit avec sa langue, et qui rend son époque comme aucun autre ouvrage.
Je divague un peu mais c'est peu évident de parler de ce livre que je classe même au-dessus du Voyage au bout de la nuit.
Chef d'œuvre du XXème siècle français ? moi je valide !
Louis-Ferdinand Céline ou la littérature de l’échec
Critique de Serge ULESKI (Paris, Inscrit le 26 novembre 2007, 55 ans) - 27 octobre 2010
Quelles interprétations donner à la haine célinienne, et pas seulement dans les pamphlets ?
D’aucuns s’interrogent sans fin, les raisons à la fois inavouables et inconscientes de cette haine semblant échapper à l’auteur lui-même qui, sur le fond, ne s’en excusera jamais : « J’ai eu le tort de l’ouvrir ; j’aurais mieux fait de rester à ma place. Mais aujourd’hui encore, je défis qui que ce soit de m’apporter la contradiction sur ce que j’ai pu écrire à cette époque ».
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Qu'à cela ne tienne !
Rien ne remplace une biographie ! Celle de l’enfance, sans oublier, en ce qui concerne notre auteur, la généalogie de la famille Destouches.
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Fils de Fernand Destouches issu d'une famille de petits commerçants et d'enseignants, et de Marguerite Guillou, famille bretonne venue s'installer en région parisienne pour travailler comme artisans…
Le Père de Céline, homme lettré mais incapable d'épargner à sa famille la hantise du prochain terme à payer (hantise qui sera très longtemps aussi celle de Céline) était opposé aux études, gardant à l'esprit sa propre expérience : « Les études, c’est la misère assurée » disait-il à son fils.
Une mère dentellière, travailleuse indépendante qui vivra péniblement de son métier et de sa boutique…
Lourd de sens, Céline ajoutera : « On a toujours été travailleurs dans ma famille : travailleurs et bien cons ! » (c'est là un fils de commerçant qui s'exprime, et non un fils d'ouvrier ; distinction importante).
Certificat d’études en poche, un rien désœuvré, Céline joint l’armée très tôt, même si, en 1919, il reprend le chemin de l’école, passe son Bac - il a alors 26 ans -, avant d’embrasser la médecine, véritable vocation de Céline, et ce dès l’enfance ; il se dit « guérisseur dans l’âme ». Il étudiera la médecine dans les livres, seul, le soir, tout en travaillant le jour, même si jamais cette médecine ne lui permettra de joindre les deux bouts (… de payer son terme): il fermera son cabinet de Courbevoie très vite après son ouverture – fait lourd de conséquences.
Céline conjurera ce qui n’est pour l’heure qu’une déconvenue, en se lançant dans l’écriture, et entreprendra un long, un très long Voyage (1)
Il poursuivra sa vocation de médecin auprès des pauvres – dans les dispensaires -, non pas par charité mais tout simplement pour la raison suivante : de par son appartenance sociale, et après l’échec de son installation à Courbevoie, Cécile ne pouvait en aucun cas prétendre à une meilleure situation et à une autre clientèle.
1 - Il se vantera d’avoir écrit son "Voyage au bout de la nuit"… avec pour seul souci : être à l’abri du besoin, assuré qu’il était du succès de son récit : « cet ouvrage, c’est du pain pour un siècle de littérature, le prix Goncourt assuré pour l’éditeur qui s’engagera ».
Céline avait vu juste : ce sera le succès, mais le prix Renaudot pour consolation.
***
Hormis son appartenance de classe (on y reviendra plus tard), sur un plan générationnel, Céline demeure un pur produit de la France de l’après boucherie de 14-18, avec le traumatisme de la trahison de l’espoir et les humiliés de Bernanos ; génération sacrifiée dont nul n’attendait le meilleur ; l’époque l’interdisait : elle n’en avait plus besoin (à ce sujet, difficile de ne pas penser au père de Céline). Aussi, ce meilleur dont l’époque ne savait que faire, cette génération l’a accumulé jusqu’à devenir une force. Et quand cette force s’est libérée, de quoi a-t-elle accouché ? De quelles actions vertueuses ? Ou bien, de quels desseins monstrueux pour avoir trop longtemps macéré dans la frustration, le ressentiment, l’impuissance, la retenue et le dépit ?
Ce meilleur-là a alors donné naissance au pire qui est souvent, en littérature, le meilleur.
Céline se dit athée et mystique ; craignant sans doute tout autant l’étiquette d’humaniste que celle d’anti-humaniste, il revendique le fait de ne pas s’intéresser aux hommes mais aux choses. Ecrivain et chroniqueur, pour Céline, écrire c’est mettre sa peau sur la table : la grande inspiratrice, c’est la mort ; à la fois risque et certitude que cette mort.
Homme sans joie, chez Céline, le vulgaire, c’est l’homme qui fait la fête ; l’homme qui souffre est seul digne de considération ; et pour cette raison, rien n’est plus beau qu’une prison, puisque les hommes y souffrent comme nulle part ailleurs. Et son Voyage s'en fera largement l'écho... jusqu'au bout de la nuit...
Nuit noire... pour une littérature de l'échec : échec en tant que médecin (sa seule véritable vocation : on ne le rappellera jamais assez !) ; échec de la mère de l'auteur qui mourra épuisée et aveugle à l’ombre du ressentiment d’un mari déclassé...
Et si... avant de mettre le feu à la littérature, l’exercice de cette médecine qui ne le mettait nullement à l’abri du besoin a pu contribuer à son dégoût plus social qu’humain (Céline n'a pas toujours su faire un tel discernement) pour cette société dans laquelle on ne fait décidément que l’expérience de l’échec…
Dans les années trente, nonobstant le succès littéraire en 1932 de son Voyage (à la fois succès commercial et succès d’estime), Céline devra faire face à un nouvel échec : celui de son intégration sociale malgré sa tentative désespérée de rallier à lui les classes dominantes (ou pour faire court : toutes les forces qui combattront le Front Populaire) à coups de pamphlets antisémites - antisémitisme largement partagé à cette époque ; et plus encore, pendant l’occupation (2), en commettant l’erreur (3) de soutenir un régime et une idéologie par avance condamnés à l’échec - encore l'échec !
2 - On pensera au suicide social d'un Céline aveugle pour qui le peuple n'est qu'une masse sans forme et sans distinction "... dont le sadisme unanime procède avant tout d'un désir de néant profondément installé dans l'Homme... une sorte d'impatience amoureuse, à peu près irrésistible, unanime, pour la mort" ; et à ce sujet, il semble que Céline ait partagé ce désir et cette impatience.
Quant à ce monde dans lequel il n'y aurait rien à sauver... Zola dont Céline aurait très bien pu être le fils naturel - il en avait toutes les dispositions, du moins jusqu'en 1935 -, n'a-t-il pas su, dans le ruisseau de l'humanité, y chercher et y trouver de l'espoir et parfois même, du sublime ?
Au sujet de Zola, se reporter au texte de Céline : Hommage à Zola - Médan octobre 1933
3 - Les ignorants plus que les imbéciles… osent tout ; c’est d’ailleurs à cela qu’on les reconnaît ; ce qui, par ailleurs, n’empêche nullement l’expression et l’épanouissement de leur talent, voire de leur génie.
A la décharge de Céline... on précisera : erreur due à l’absence de culture politique et historique au sein d’une classe dépourvue des outils conceptuels propres à la compréhension de l’organisation d'une société.
***
Céline n’a jamais vraiment quitté son milieu familiale ni sa classe : il n'a jamais cessé de "penser" comme elle ; il n’a jamais su s’en affranchir.
L’aurait-il fait… nombreux sont ceux qui affirment qu’il nous aurait privés d’une œuvre incomparable. Certes !
Mais... échec après échec, ne sommes-nous pas aussi tout ce que nos prédécesseurs et nos contemporains ont tenté d'accomplir ? Pays, Etats, régimes, nations, continents, cultures, individus, seuls ou bien en grappes indissociables, nous tous, n'héritons-nous pas de leurs échecs comme de leurs réussites ?
Et si, pour citer notre auteur, l'amour, c'est l'infini mis à la portée des caniches, Céline n’a jamais cessé d’être ce caniche et tous ses personnages avec lui ; personnages pour lesquels le calice de la réussite est passé loin, très loin d'eux ; calice qu’il ne leur a jamais été permis d'entrevoir, encore moins de saisir, eux tous pourtant à la tâche, jour après jour, indéfectibles, comme d’autres... au temple, zélés et fervents...
Choisissant alors de retourner toute la violence de son échec et celle d'un déterminisme social dont les parents de l'auteur furent les victimes muettes et résignées, non pas contre lui-même - ce qui nous aurait privés de son œuvre -, mais contre ses semblables - ennemis humains ; et les heureux élus auront pour noms : les plus faibles - les pauvres qu’il a soignés sans profit ; puis les juifs – minorité de tout temps bouc-émissaire ; mais aussi.. communauté incarnant l’excellence artistique, scientifique et philosophique, et plus important encore : la réussite sociale ; et en médecine, cette communauté n’était pas non plus la dernière à s’imposer…
Violence donc… bientôt étendue à toute la société ; et pour finir : à tout le genre humain.
***
N’en déplaise à Nietzsche…
Et si le ressentiment à son paroxysme qu'est la haine était le sel de la terre, un moteur créatif sans rival et qui ne cessera jamais de nous surprendre ? Après Matthieu, Céline accouchant d’un évangile d’un nouvel ordre : un évangile vengeur... même privé d’une revanche digne de ce nom...
Car Céline est bien à l’humanisme ce que Sade (le marquis triste) est au romantisme : une fois déçus... parce qu'introuvables, amères, ils n’en sont et n'en demeurent pas moins, aujourd’hui encore, tous les deux, redoutablement les pourfendeurs impitoyables pour avoir été de ceux qui, à leur insu semble-t-il, auront longtemps poursuivi en vain une telle quête qui, nul doute, cache un besoin insatiable d'absolu dans une recherche effrénée de leur propre salut.
D'une Céline l'autre...
Critique de Jean-Paul Sartre1 (, Inscrit le 14 mai 2010, 57 ans) - 29 mai 2010
On (un quelconque journaliste) lui demande s'il a aimé sa mère... et voici le « médecin des pauvres » qui débloque: « La question ne se posait pas », mes parents étaient hantés par la crotte: passage Choiseul! La nouille est le seul aliment qui n'a pas d'odeur... ma mère était dentellière... la dentelle retient les odeurs... « j'ai été élevé dans la hantise des odeurs »... euh!... pardon! quelle était la question déjà? L'antisémitisme en filigrane... bref un document avec les points de suspension dans la voix.
N.B.
Toujours faire la distinction entre l'auteur et l'oeuvre. Même pour Hitler? Mouais.., quand c'est nul c'est nul! Avec Céline, les points de suspension rachètent tout. Si vous lisez la correspondance de Flaubert, vous ne le trouverez pas tellement fréquentable non plus.
le voyage continue...
Critique de Bastien N. (, Inscrit le 28 septembre 2009, 34 ans) - 28 septembre 2009
Lorsqu'on l'ouvre, c'est comme si on était pris dans une tempête: l' ouragan Céline. Le style y est davantage poussé que dans "Voyage au bout de la nuit": les structures grammaticales sont puissamment malmenées, la grossièreté et la finesse se côtoient pour former une prose trapue, vigoureuse et énergique.
Le mauvais accueil fait à "Mort à crédit" lors de sa sortie est incompréhensible, étant donné l'apport colossal que l'ouvrage a apporté à la littérature française (peut-être qu'à la veille de la seconde guerre mondiale, les esprits se préoccupaient plus de politique que de littérature?).
"Mort à crédit" est à l'image de son auteur: haletant, toujours tourmenté, jamais apaisé. Il marque aussi une évolution considérable du style de Céline, qui n'aura de cesse de perfectionner son écriture jusqu'à son dernier livre. Un chef d'œuvre.
Le mètre étalon
Critique de Aldus (Nantes, Inscrit le 12 novembre 2005, 61 ans) - 13 novembre 2005
c'est pas de la littérature de gare !
Critique de Ulysse (, Inscrit le 3 septembre 2005, 86 ans) - 23 septembre 2005
Ce n'était pas de la littérature de gare mais un vrai roman TGV. Le terminus m'a obligé à marquer la page avant de reprendre mon sac à dos où j'ai glissé "Mort à crédit" en me réjouissant à l'avance de reprendre ça le soir sous la lampe. Quand j'aurai fini, je lirai "Le Voyage". Sans attendre un prochain déplacement ferroviaire. Il faut lire Céline. Tout de suite. N'attendez pas d'avoir cent ans comme moi.
Portrait d'une vie
Critique de Neithan (, Inscrit le 19 juin 2005, 37 ans) - 15 juillet 2005
Dans cet océan d'indignation, d'horreurs et de scandales se trame l'existence du jeune Céline, qui nous pond un récit autobiographique, de l'adolescence à la majorité, nous contant ses mésaventures dans un langage grossier, obscène, par moment magnifique mais surtout toujours esthétique!
C'est je trouve le plus grand cri de désespoir de l'humanité! Si le désespoir et la mort savaient écrire, elles nous pondraient, je pense, le Voyage ainsi que Mort à crédit... Le second étant son meilleur travail après le premier... Pour ma part...
J'ai adoré ce livre pour son style (Aaah Céline... Il écrit comme il parle, et de cette façon nous transmet merveilleusement ses sentiments) et aussi et surtout pour son humour, souvent noir et toujours excellent!
Je voudrais terminer sur une parole de Céline que j'ai trouvée il y a de cela fort longtemps et que j'ai gardée, car superbement dite: "Si vous prenez un bâton et si vous voulez le faire paraître droit dans l'eau, vous allez le courber d'abord, parce que la réfraction fait que si je mets ma canne dans l'eau, elle a l'air d'être cassée. Il faut la casser avant de la plonger dans l'eau. C'est un vrai travail. C'est le travail du styliste."
"Elle a tout fait pour que je vive, c'est naître qu'il n'aurait pas fallu"
Critique de Rcapdeco (Paris, Inscrit le 19 mai 2005, 46 ans) - 23 mai 2005
D'abord, il y a le titre; dans toute la littérature française, je n'y vois pas d'équivalent. Ensuite, il y a la fougue de l'écriture... célinienne.
A lire si vous avez adoré le Voyage, mais attention, car il est tout de même un ton au-dessous. Par ailleurs, Céline, dans sa constante recherche de l'innovation littéraire, va beaucoup plus loin, et cela peut décontenancer. Ce livre est très noir, c'est en fait un roman "autobiographique". L'auteur hait son père, ne pardonne rien à sa mère, est exploité par ses patrons. On se dit plusieurs fois "Mais fais quelque chose!". Mais on s'enfonce toujours plus avant dans la médiocrité des hommes.
Pour ceux qui veulent d'autres Céline, attention, ils sont généralement jugés inférieurs aux deux premiers, et très innovants, difficiles d'accès. Pour ma part, je recommande quand même la trilogie "Rigodon", "Nord", "D'un Château l'Autre", qui conte la fuite à travers l'Allemagne qui tombe en ruines...
De Ferdinand à Céline
Critique de Krystelle (Région Parisienne, Inscrite le 10 juin 2004, 45 ans) - 13 janvier 2005
Mais "Mort à Crédit" c'est bien plus qu'un roman autobiographique. Une vision chaotique du monde transparait derrière ce style incomparable, cette puissante incontinence verbale qui contribue à l'esthétique de l'oeuvre.
Truculent!
Critique de Benoit (Rouen, Inscrit le 10 mai 2004, 43 ans) - 16 juin 2004
Dans ce roman, Céline nous raconte son enfance. Chaque époque est décrite avec humour, avec son écriture unique qui met bien en relief les côtés absurdes de sa vie : sa petite vie misérable chez ses parents, son travail chez un bijoutier à Paris, son séjour en Angleterre, son passage chez l'inventeur et enfin son séjour chez l'oncle.
Tout est dépeint avec drôlerie! Cependant, on ressent un peu de tristesse pour ce personnage, qui n'arrive à rien à chacune de ses tentatives pour sortir du trou dans lequel il est. Et ce ne sont pas ses parents qui vont l'aider, plus préoccupés par eux-mêmes que par leur fils... Pauvre Louis-Ferdinand!
Ah, Céline !...
Critique de Jules (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 80 ans) - 17 mars 2003
Je dirais d'abord que, si tu voulais mieux connaître l'homme et ses objectifs, " Les entretien avec le professeur Y" valent de l'or. Il s'y explique, tant lui-même que pour son style d'écriture, et comment !...
Pour la langue, le style, le rendu de l'émotion, le comique de situation, je dirais qu'il conviendrait de ne pas rater son plus petit livre "Casse-pipe" description des plus cocasse de l'armée avec son fameux "Maréchaogi" et le caporal Le Meheu. "Nord" c'est la débâcle de l'Allemagne, l'Allemagne qui explose, qui flambe et notre Louis- Ferdinand, Lili et Bébert qui assistent au feu d'artifice ! Idem pour "Rigodon" dans lequel Louis Ferdinand se retrouve à Sigmaringen aves le grand Maréchal. "Rigodon" c'est l'horrible prison danoise dans laquelle les gens deviennent fous. Louis-Ferdinand y part de la poitrine et des tripes, il va crever et apostrophe la terre entière !
Ces livres ne valent probablement pas "Le voyage" ou "Mort à Crédit", mais tous nous offrent des pages qui sont bourrées d'émotions, d'inventions d'écriture, de rage, de vérités sur la cruauté des hommes, la connerie de la vie, l'injustice, le sort terrible des plus pauvres, des petits, des anonymes "chair à canon" taillables et corvéables à merci, juste dignes de se soumettre, juste bonnes à expier des crimes qu'ils ne savent même pas avoir commis !... Inclassable Louis-Ferdinand, dérangeant Louis-Ferdinand, grossier Louis-Ferdinand, tendre Louis-Ferdinand, grand, très grand, Louis-Ferdinand !
Cruelle jeunesse
Critique de Nothingman (Marche-en- Famenne, Inscrit le 21 août 2002, 44 ans) - 16 mars 2003
Premiers mots
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Dans le mille!
Critique de Swann (Rhode-Saint-Genèse, Inscrit le 21 décembre 2000, 57 ans) - 21 décembre 2000
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