La vingt-cinquième heure de Virgil Gheorghiu

La vingt-cinquième heure de Virgil Gheorghiu

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Smokey, le 27 août 2008 (Zone 51, Lille, Inscrite le 12 août 2008, 38 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (12 277ème position).
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L'individu face au nazisme et au communisme

La société décrite ici ne connaît que quelques dimensions de l'individu. L'homme intégral, pris individuellement, n'existe plus pour elle. Voici un homme, prisonnier du système nazi instauré par Hitler puis du système communiste de Staline.

Lorsqu'elle arrête ou tue quelqu'un, cette société arrête ou tue une notion et non quelque chose de vivant. En bonne logique, ce crime ne peut lui être imputé, car aucune machine ne peut être accusée de crime. Un homme obligé à vivre dans les conditions et le milieu d'un poisson meurt en quelques minutes et vice versa.

L'Occident a créé une société semblable à la machine. Il oblige les hommes à vivre au sein de cette société et à s'adapter aux lois de la machine... Lorsque les hommes ressembleront aux machines jusqu'à s'identifier à elles, alors il n'y aura plus d'hommes sur la terre."

L'histoire de ce livre est celle d'un homme, Iohann Moritz, qui sera successivement décrété comme juif alors qu'il est aryen donc enfermé dans un camp de concentration, puis aryen pur et membre de la race des races des Seigneurs! qui sera ensuite traité par les Alliés comme ami puis comme ennemi, tout cela sans que jamais il soit tenu le moindre compte de ce qu'il est, dans son être, dans sa substance individuelle.

Cette histoire de fou, narrée avec la précision scrupuleuse d'un mémorialiste, apparaît comme l'expression littérale de ce que l'homme tend à devenir dans un monde qui le nie. Mais qu'est-ce donc que ce monde? De quoi est-il fait?
"Les "citoyens" ne vivent ni dans les bois ni dans la jungle, ni dans les bureaux, cependant, ils sont plus cruels que les bêtes sauvages de la jungle, ils sont nés du croisement de l'homme avec les machines. C'est une espèce bâtarde, la race la plus puissante actuellement sur toute la surface de la terre. Leur visage ressemble à celui des hommes, et souvent on risque même de les confondre avec des hommes, mais comme des machines; au lieu du coeur, ils ont des chronomètres...Ce sont des citoyens... Etrange croisement, ils ont envahis toute la terre."

Voici un passage:

""Un homme dont on ne respecte ni l'honneur ni la dignité est un esclave!" Se dit Bartholy. "Aujourd'hui celui qui veut vivre dignement se condamne lui-même au suicide. Notre société interdit la dignité et l'honneur personnels, c'est-à-dire toute la vie d'homme libre. Elle ne permet qu'une vie d'esclave. Mais cela ne saurait durer. Une société dans laquelle tous les hommes -depuis le ministre jusqu'au domestique- sont des esclaves doit s'effondrer.""

"Cette guerre... n'est pas une guerre de l'Occident contre l'Orient... Elle n'est qu'une révolution intérieure dans le cadre de la société technique occidentale... La Russie a pris toutes ses théories à l'Occident et les mises simplement en pratique; elle a réduit l'homme à zéro comme elle l'avait appris de l'Occident... Elle a imité l'Occident comme seul un barbare et un sauvage pouvait le faire."

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Les éditions

  • La vingt-cinquième heure [Texte imprimé] Virgil Gheorghiu traduit du roumain par Monique Saint-Come préface de Gabriel Marcel
    de Gheorghiu, Virgil Marcel, Gabriel (Préfacier) Saint-Côme, Monique (Traducteur)
    Pocket / Presses pocket (Paris)
    ISBN : 9782266157858 ; 7,60 € ; 13/01/2006 ; 436 p. ; Poche
  • La vingt-cinquième heure de Gheorghiu, Virgil
    de Gheorghiu, Virgil
    Plon / Feux croisés
    ISBN : SANS000017786 ; 01/01/1950 ; 403 p.
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Pauvre Job

8 étoiles

Critique de Vince92 (Zürich, Inscrit le 20 octobre 2008, 46 ans) - 28 mars 2022

Au début de la Seconde Guerre Mondiale, un laboureur roumain est soudainement arrêté parce que juif. Or, Iohann Moritz n'est pas juif, mais la rigueur et la bêtise étatique font qu'il ne parvient pas à faire valoir ses droits devant les autorités. En désespoir de cause, il s'évade en compagnie de codétenus vers la Hongrie voisine. Là, reconnu comme un espion roumain, il est sévèrement torturé avant d'être livré aux Allemands comme travailleur dans une usine de boutons pour d'uniformes .
Le destin particulier de Iohann ne s'arrête pas là... reconnu comme un membre de la Famille héroïque par un membre imminent de la SS, et à ce titre considéré comme un individu dont la pureté raciale ne peut pas faire de doute, il est tiré de sa prison et incorporé dans l'armée allemande: convaincu de l'imminence de la défaite allemande par quelques prisonniers français, il les aide à s'échapper contre la promesse que ces derniers permettront à sa nouvelle femme allemande et son bébé de se soustraire à la vengeance de l'Armée rouge qui déferle sur le Reich.
Les événements tragiques s'enchaînent pour Iohann et son entourage en Allemagne et en Roumanie et bientôt tout n'est plus que cendres et désespoir: la nouvelle femme de Ihoann et son fils sont morts, le Père Koruga et son fils, ses protecteurs, internés dans les camps, sont morts eux aussi. Morts également, sa mère et son père, restés en Roumanie... et même lorsqu'il est libéré et peut rejoindre sa femme Susanna, le cours de son destin une nouvelle fois va basculer.
Le roman de Gheorghiu est riche, dur, et provoque chez le lecteur une intense activité réflexive. Livre du destin, celui d'un pauvre laboureur roumain qui n'a rien demandé à personne, dont le destin s'acharne comme celui de Job, le héros de la Bible à le rendre malheureux en réduisant ses proches et sa vie à néant. Roman aussi de la critique de la technique vers laquelle les sociétés semblent se diriger au point de nier le caractère humains à leurs membres: Les individus sont réduits à leur catégorie et leur destins liés à celui de cette catégorie.
Tour à tour identifié comme juif, Roumain, Hongrois, Aryen, Roumain (ennemi des alliés), Iohann ne se sort pas de la logique bureaucratique mise en place par les hommes pour leur malheur. Rouage d'une immense machine qui les dépasse et qui les broie, les hommes n'en sont plus...Traian Koruga, le fils du pope du village, a conscience de tout cela et cette figure qui est le reflet de celle de l'auteur de la Vingt-cinquième heure, place au même plan les Nazis, les Soviétiques ou les fonctionnaires de l'administration américaine: la question essentielle n'est pas politique, elle est civilisationnelle: l'homme dans chacun de ces systèmes demeure à la place qui est la sienne: une pièce de la Grande machine.
La Vingt-cinquième heure est un grand roman, riche de sa portée philosophique: c'est une oeuvre humaniste confrontée à la réalité de ce que fut cet événement tragique de la Seconde Guerre mondiale. Mais le pessimisme de Gheorghiu est beaucoup plus large: l'humanité est entrée progressivement dans l'âge de la technique et de la bureaucratie (qui n'est qu'une conséquence de la première). Il est désormais trop tard et l'homme du XXIe siècle voit tous les jours les manifestations de sa relégation au statut peu enviable de pièce formant un tout.

Un bon auteur

8 étoiles

Critique de Jules (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 79 ans) - 7 janvier 2010

Comment se fait-il qu'il soit ainsi passé à la trappe. Je crois que ses livres sont un peu délaissés.

A l'époque, en pension, j'en ai lu au moins cinq ou six qui figurent encore dans ma collection de vieux livres de Poche.

C'est pourtant lui qui m'a fait découvrir ce qu'était la dictature en général et dans son pays en particulier.

Le fait est que par la suite je me suis davantage intéressé à des auteurs comme Kundera ou Ismaïl Kadaré qui écrivaient sur le même sujet.

Le top du top de mes livres

10 étoiles

Critique de Bobo (, Inscrit le 10 décembre 2009, 64 ans) - 7 janvier 2010

Tout d'abord il y a eu le film avec Anthony QUINN. Emerveillé par l'histoire j'ai acheté le livre.

Un choc, une claque.
Cet homme balloté par l'histoire sans pouvoir agir sur sa vie, avec d'autres hommes qui décident pour lui, c'est littéralement du Kafka.

J'étais bien jeune lorsque je l'ai lu, mais ce qui est certain c'est que plus jamais j'ai dévoré un livre d'une telle manière sauf peut-être le Comte de Monte Cristo.

Un peu anxieux, je l'ai fait lire à mes enfants, ils ont été également emballés.

Je vous le recommande très chaudement, c'est un des très rares livres auxquels je mettrais le maximum d'étoiles

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