La femme changée en renard de David Garnett

La femme changée en renard de David Garnett
( Lady into fox)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Donatien, le 24 août 2008 (vilvorde, Inscrit le 14 août 2004, 81 ans)
La note : 6 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (39 872ème position).
Visites : 4 818 

conte cruel

David Garnett(1892-1981), écrivain anglais, membre du groupe de Bloomsbury (Virginia Woolf et consorts), objecteur de conscience, finit ses jours en France , à Montcuq près de Cahors.

Nous sommes dans la campagne anglaise, dans l'Oxfordshire, où la chasse à courre est régulièrement pratiquée. Une femme faite y est changée en renard! Sylvia "Fox" avait été initiée à ce type de chasse à l'âge de dix ans. La coutume voulait que le visage de l'initié soit barbouillé de sang de renard ! Ce qui l'avait effrayée . (On la comprend).

Richard Tebrick en tombe follement amoureux et l'épouse quelques mois plus tard. Lors d'une promenade, Sylvia se transforme brusquement en renard!!!
L'époux décide de s'adapter immédiatement à la situation . Il licencie le personnel, tue ses deux chiens qui représentent le danger principal et clôture la propriété afin d'éviter les visites de chasseurs.
Au fil du temps, et malgré des tentatives de garder le contact avec la renarde, la partie animale de Sylvia prend le dessus jusqu'au moment où il y a basculement irrémédiable vers la vie sauvage.
La renarde rejoint les bois et donne naissance à cinq renardeaux.
Richard n'abandonne pas et se rend régulièrement dans les bois devant le terrier où il fait la connaissance des petits. Le renard mâle l'observe avec curiosité, alors que le mari ne peut s'empêcher de la considérer comme son rival!
Mais Sylvia est définitivement perdue pour lui.
Ce histoire ne peut que mal finir.

Ce conte léger mais triste laisse un drôle de goût dans la bouche.
Un critique a parlé du style de Garnett de "légèreté railleuse", ce qui est bien qualifié.

Cette histoire procure un moment de plaisir et d'angoisse, au premier degré
Je n'ai cependant pas pu m'empêcher de penser que ce livre édité en 1922 pouvait me faire penser à certaines maladies, dont les différentes formes de démence, qui occasionnent des drames pour les couples , toujours amoureux.
Voir son conjoint disparaître progressivement, s'éloigner dans l'oubli tout en étant victime et donc innocent, est déchirant . De plus en plus de personnes sont confrontées à ces situations tragiques où malgré le courage et l'amour, il faut lâcher prise . Tout mais pas ça!

Mais l'on peut en rester au premier degré et savourer cette longue nouvelle.

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Un conte merveilleux dans l'Angleterre victorienne - et peut-être symbolique de l'émancipation des femmes

9 étoiles

Critique de Eric Eliès (, Inscrit le 22 décembre 2011, 49 ans) - 14 janvier 2024

Comme l’évoque Donatien dans sa présentation, ce court roman, qui se présente comme le récit d’une histoire racontée au narrateur, a des allures de conte cruel. Tout commence comme une belle romance entre Richard Tebrick, un homme de la bonne société britannique, et Silvia Fox, la jolie et charmante fille d’un pasteur. Après leur mariage, ils s'installent à la campagne, où est pratiquée la chasse à courre au renard. L’auteur était sans aucun doute un farouche opposant à cette chasse, car il en raconte des détails assez atroces, comme le badigeonnage « initiateur » du visage d’une petite fille avec le sang de la bête tuée…

Néanmoins, le récit bascule brutalement dans le fantastique et le merveilleux. Un après-midi, alors qu’ils se promènent dans la campagne et croisent des chasseurs, Mme Fox, sans raison ni explication, se transforme soudain en renarde ! Le jeune époux, effrayé et bouleversé autant que son épouse, la ramène à la maison en la cachant, mais c'est la marque du merveilleux dans le romanesque. Sans davantage chercher à comprendre le "pourquoi" et le "comment", Richard ne songe qu’à rester auprès de sa femme, dont l’esprit semble être encore humain dans un corps de renarde. On peut s’étonner de l’attitude fataliste de Richard, qui accepte presque placidement l’épreuve à laquelle il est confronté, et s’isole avec son épouse. Au début, après tué ses chiens et renvoyé ses domestiques, il tente de la protéger et de continuer à mener la vie plus « normale » possible mais, progressivement, son épouse devient de plus en plus renarde et sauvage, et cherche à le fuir. Je ne dévoilerai pas la fin du récit, qui contient plusieurs rebondissements surprenants, jusqu’à un dénouement assez cruel, raconté dans un style étonnant, à la fois léger et oppressant.

Comme Donatien, j’ai eu le sentiment que le roman se prêtait à une lecture symbolique mais la folie ne me semble pas être le ressort de cette double lecture. Certes, la transformation brutale de Silvia et l’effondrement de Richard, qui s’isole et se délabre physiquement et psychologiquement, suscitant rapidement des rumeurs de folie dans son entourage, qui suspecte que son effondrement est dû à la fuite de son épouse, peuvent ressembler à la description d’une crise de démence mais il m’a semblé plutôt que la transformation de Lady Fox s’apparente plutôt à celle de l’adultère. Sa femme, au début douce et aimante, devient, après sa transformation, de plus en plus sauvage et se libère comme une jeune femme pourrait chercher à s’évader des contraintes sociales, que Richard continue à subir tout au long du récit, y compris dans son amour (allant jusqu’à habiller la renarde avec des habits taillés dans ceux de son épouse, car il est très gêné par la nudité de sa femme-renarde !). Quand, quelque temps plus tard, la renarde revient vers Richard, en lui témoignant de l’affectation, c’est pour lui montrer qu’elle a refait sa vie et fondé une nouvelle famille avec un renard sauvage, comme si elle cherchait à se réconcilier en lui disant « tu vois, je suis partie mais ce n’était pas contre toi, c’est juste que j’étouffais dans cette vie confinée, mais, même si je t’ai quitté et que je suis maintenant avec un autre, j’aimerais bien qu’on reste amis ». Cette interprétation peut sembler un peu tarabiscotée mais elle me semble renforcée par le double sens, en anglais populaire, du mot « fox » dont l'auteur a peut-être intentionnellement joué en opposant le côté sauvage de Silvia et les convenances de l'époque, dont son époux ne se libère que tardivement en acceptant la nature réelle de son épouse, après avoir songé à la tuer puis à se suicider (exactement comme un époux jaloux découvrant l'adultère de son épouse). En se transformant en renarde, Lady Fox incarne en quelque sorte une « foxy lady », c’est-à-dire une femme libre et libérée (c’est par exemple cette expression qui a donné son titre à la célèbre chanson de Jimi Hendrix). Dans cette lecture, on peut alors interpréter les chasseurs comme les censeurs et les gardiens de la morale victorienne.

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