Les règles de la fiction suivi de Marcel Proust de Edith Wharton
( The writing of fiction)
Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Critiques et histoire littéraire
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L'art de la fiction
Dans cet essai, Edith Wharton réfléchit et théorise sur son art, celui d'écrire de la fiction. Les règles ne sont pas tout évidemment, et on ne peut pas tout formaliser ("Les règles générales en art sont utiles comme une lampe dans une mine ou comme la rampe d'un escalier ; elles servent à nous guider, mais ce ne sont pas elles qui nous font avancer".), n'empêche qu'il y a des techniques et des considérations qui permettent d'appréhender pourquoi certains romans restent dans l'histoire de la littérature comme des chefs-d'oeuvre et d'autres pas. Et puis Wharton a une culture et une érudition incroyable. Balzac, Tolstoï, Stendhal pour les continentaux reviennent constamment, James (qui était son maitre), Jane Austen, et bien d'autres pour les anglo-saxons. Elle nous fait découvrir plein d'auteurs, en mettant en évidence leur particularité, et de livres qu'on a envie de lire.
Sa réflexion couvre tout les aspects de l'écriture. Le style ("la façon dont les épisodes sont "saisis et colorés" par l'esprit de l'auteur"). La forme. Le sujet. La façon d'introduire les personnages : à la manière de Tolstoï dans "La guerre et la paix", qui débute par un bal dans lequel l'auteur introduit tout ses personnages d'un coup, à la manière de Dostoïevski dans "Les frères Karamzov", ou tout aussi géniale la manière de Stendhal dans "Le rouge et le noir". Le choix entre roman et nouvelle, en fonction du sujet. "L'attaque" : il faut savoir commencer l'histoire au bon moment (par exemple Wharton nous dit que Stendhal s'est planté dans la Chartreuse de Parme en dépeignant sa superbe scène de la bataille de Waterloo trop tôt dans le livre). Elle parle de la supériorité de la narration sur le dialogue dans le roman, la manière de passer d'une conscience à une autre pour embrasser tout les points de vues, la différence entre les romans de mœurs et de situation, et la suprématie des premiers sur les deuxièmes... et pleins d'autres choses.
Le dernier chapitre est consacré à Marcel Proust qu'elle considérait comme le plus grand, même si elle n'a jamais voulu le rencontrer car elle trouvait une bassesse morale à Proust (Jean Pavans, dans la préface, montre en quoi Wharton se trompait à cet égard).
Ce petit livre, superbement écrit, est très intéressant pour réfléchir sur la manière d'écrire de la fiction, mais aussi pour mieux comprendre les techniques utilisées et pourquoi certaines fictions ont prise sur nous et d'autres pas.
Les éditions
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Les règles de la fiction [Texte imprimé] Edith Wharton traduit de l'anglais et présenté par Jean Pavans
de Wharton, Edith Pavans, Jean (Traducteur)
V. Hamy
ISBN : 9782878582239 ; 59,97 € ; 14/03/2006 ; 144 p. ; Broché
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L'art de l'affliction ?
Critique de Bolcho (Bruxelles, Inscrit le 20 octobre 2001, 76 ans) - 27 juillet 2009
Pas grand chose à ajouter à ce qu'en dit Saule. J'ai noté quelques détails significatifs de la vision de Wharton :
- la fiction moderne commence quand l'action est transférée de la rue vers l'âme avec Madame de Lafayette et « La Princesse de Clèves » ;
- le pas suivant, dans « Manon Lescaut » et « Le neveu de Rameau », c'est lorsque les personnages deviennent des humains reconnaissables dans la vie
- c'est lorsque les personnages deviennent des produits de leurs conditions matérielles et de leur milieu (Balzac, Stendhal) qu'on arrive à la fiction moderne.
J'ai noté, comme Saule, l'explication de Wharton sur les dangers du recours au dialogue. Et je suis tellement d'accord ! Elle dit, par exemple :
« Quand dans la vie réelle, deux personnes ou davantage parlent ensemble, tout ce qui est entendu entre elles est écarté de leur conversation ; mais quand le romancier emploie la conversation comme un moyen, non pas seulement d'accentuer, mais de mener son récit, ses personnages sont obligés de se raconter bien des choses que chacun sait déjà que l'autre connaît. Pour éviter une impression d'invraisemblance, leur dialogue doit être truffé de banalités réalistes, et de détails extérieurs au sujet, à tel point que, (...) il se traîne page après page avant que le lecteur, perdant patience, n'arrive, dérouté et fatigué, au point où un seul paragraphe de narration l'aurait mené ».
Intéressante également son opinion sur les descriptions de lieux qui, selon elle, ne doivent apparaître que par le biais de la subjectivité des personnages qui y évoluent.
Et, pour finir, cette belle envolée sur le rôle du romancier :
« Le rôle de l'artiste est de faire pleurer, et non pas de pleurer, de faire rire, et non pas de rire ; et s'il est incapable de transmuer les larmes, les rires, la chair et le sang, dans la substance que travaille l'art, il n'a rien à en faire, et nous non plus ».
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