Connaître une femme de Amos Oz
( לדעת אישה)
Catégorie(s) : Littérature => Moyen Orient
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Métaphysique de la vie ordinaire
« Quand ses collègues de bureau lui parlaient du dernier bouquin de John Le Carré en le lui recommandant chaudement, il consentait à essayer de le lire. Le scénario lui paraissait contestable et loufoque ou, au contraire, simpliste et transparent. Après quelques dizaine de pages, il renonçait définitivement. Il voyait dans une nouvelle de Tchekhov ou de Balzac des énigmes qu’aucun roman policier ne recelait.» Après cette attaque en règle du récit policier en faveur de la « littérature pure », on ne s’étonnera pas que ce roman qui met en scène un agent du Mossad à la retraite ne contienne pas de d’énigmes policières mais distille des problèmes existentiels comme autant de mystères.
Joël Raviv apprend lors d’une mission en Suède que sa femme est morte dans des circonstances mystérieuses qu’il ne cherchera jamais vraiment à élucider. Dès ce jour, il décide de prendre sa retraite et de louer une maison pour vivre sous le même toit que sa fille épileptique, sa mère et sa belle-mère en se consacrant à de multiples activités domestiques. Lors de la visite de la maison, il est fasciné par un bibelot représentant un félin bondissant en bois d’acajou. Ce qui l’intrigue, c’est la façon dont le corps de l’animal repose sur son support : « la tension était telle que Joël crut ressentir dans sa chair la douleur de la patte fixée au socle et la frustration du bond retenu. »
On comprend que ce bibelot décrit d’emblée est une métaphore de la condition de cet homme, retiré de l’existence et qui cherche à en comprendre le mystère, le mécanisme. Au terme du récit, on peut lire : « Désormais, les yeux las mais grands ouverts, il se bornerait faute de mieux, à scruter sans mot dire le cœur des ténèbres,- dût-il se concentrer sans jamais relâcher sa vigilance, heure après heure, jour et nuit, durant des années - , dans l’espoir de contempler le voile où se produirait l’illumination, le vacillement fugace qu’il ne faut, à aucun prix manquer ou mésestimer. Car peut-être révèle-t-il ce en face de quoi nous ne sommes qu’émotion et humanité.»
Son esprit bute aussi sur l’identité d’un invalide en chaise roulante entr’aperçu à Helsinki lors de sa dernière mission et qui lui rappelait quelqu’un sans savoir qui au juste. Il écrit que cet homme sans membre est incapable de commettre le péché.
Joël est du côté de la vie, de ses imperfections comme de ses mystères.
Le roman est fait de ces tâtonnements dont sont pétries nos vies. Dans le tohu-bohu du travail et des rencontres diverses, au milieu de nos activités routinières, nous ne gardons pas moins la faculté de réfléchir sur des questions importantes qui interrogent le sens de notre existence. Par manque de temps, nous isolons quelques faits, des déclarations qui nous ont touché (ainsi dans ce récit, les propos du beau-père qui dit que le monde ne peut exister sans ces trois choses intrinsèquement liées, le désir, la joie et la pitié, sans hiérarchie) afin de tenter de résoudre l’énigme de notre présence au monde. C’est ce que raconte, au travers du parcours de cet ex-agent secret qui a choisi de vivre sans jamais mentir, en ne perdant pas de vue le caractère éphémère de l’existence : « Si le seul but de la vie, c’est d’en glorifier le caractère sacré, alors vivre signifie mourir. »
Dans une interview accordée au Magazine littéraire (disponible sur le Net) à la sortie de « Seule la mer », l’auteur parlait en ces termes du compromis :
« Dans mon vocabulaire, le mot «compromis» est synonyme de vie et son contraire n'est ni intégrité ni idéalisme, c'est fanatisme, mort. Défendre l'idée d'un compromis, ce n'est pas tendre la deuxième joue mais rencontrer l'autre à mi-chemin, faire des concessions, arrêter de tuer et de mourir. Vivre, en étant malheureux s'il le faut, mais vivre. Il y a deux manières de résoudre une tragédie, en l'occurrence le conflit israélo-palestinien. Soit on s'inscrit dans la tradition de Shakespeare et l'on se retrouve à la fin de la pièce avec une scène jonchée de cadavres et de fortes probabilités que la justice règne. Soit on préfère la manière Tchekhov: à la fin, tous les personnages sont amers, déçus, mélancoliques, mais vivants.
Les éditions
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Connaître une femme [Texte imprimé], roman Amos Oz trad. de l'hébreu par Sylvie Cohen
de Oz, Amos Cohen, Sylvie (Traducteur)
Calmann-Lévy
ISBN : 9782702119419 ; 6,26 € ; 01/04/1994 ; 278 p. ; Broché -
Connaître une femme
de Oz, Amos
le Livre de poche
ISBN : 9782253061892 ; EUR 6,40 ; 01/11/1992 ; 315 p. ; Poche
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Les critiques éclairs (2)
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PERPLEXE!..
Critique de Septularisen (, Inscrit le 7 août 2004, - ans) - 20 septembre 2011
Je dirai donc juste un mot du style et de l’écriture de l’auteur dans ce livre…
Autant le dire tout de suite j’ai trouvé l’écriture très belle, cela respire le grand auteur confirmé à plein nez… Le livre se lit facilement et on sent vraiment une grande maîtrise de son style et de ses écrits…
Mais, car il y a toujours un mais… et il se situe ici au niveau de l’histoire !... Car là, le grand auteur Israélien semble avoir perdu la maîtrise de tout!
L’histoire tourne sans cesse en rond et est très répétitive… sans queue ni tête serais-je tenté de dire. L'auteur passe en effet, des dizaines de pages à nous parler de l’entretien du jardin en toutes saisons, de la mort de sa femme, de son voisin, de son métier, de sa voiture…
Mais tout cela pendant plus de trois cents pages (dans l’édition de poche), cela lasse quand même un peu à la fin!... J’avais parfois envie de dire, de crier, à l’auteur : « M. OZ, franchement on s’en fout de comment le félin tient sur socle en bois… avec votre grand talent, racontez-nous une histoire… une vraie ! »…
Ici il ne se passe rien. L’histoire est linéaire, sans surprises, sans rebondissements d’aucune sorte, le héros se contentant de vivre et de laisser vivre les autres lorsque on voit la fin du livre arriver… Amos OZ, ne cesse de ressasser du début à la fin du livre les mêmes thèmes, la même histoire, et les mêmes petites histoires dans la grande histoire… sans bien sûr, nous donner le plus petit début du commencement d’une réponse à toutes les questions que l’on se pose…
Finalement tout cela m’a un peu gâché ma tranquille lecture, et j’en suis sorti avec une opinion très mitigée sur ce livre… C’est comme si je venais de lire une très belle BD, très bien dessinée, mais avec un très, mais très mauvais scénario…
John Le Carré à l’envers
Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 24 octobre 2008
« L’été, la télévision diffusait quantité de séries policières, d’espionnage ou des histoires de services secrets. Joël s’endormait régulièrement au milieu pour ne se réveiller qu’au moment des informations de minuit … Il n’avait jamais trouvé le moindre intérêt à ce genre de films et n’avait guère eu le temps de se pencher sur la question. Ce qui valait aussi pour les romans du même style. Quand ses collègues du bureau lui parlaient du dernier bouquin de John Le Carré en le lui recommandant chaudement, il consentait à essayer de le lire. Le scénario lui paraissait contestable et loufoque ou, au contraire, simpliste et transparent. Après quelques dizaines de pages, il rebonçait définitivement. Il voyait dans une nouvelle de Tchékhov ou de Balzac des énigmes qu’aucun roman policier ne recelait. »
Ouïe, ouïe pour Le Carré (que j’apprécie). Mais quel bel hommage à Balzac et Tchékhov ! Rien de tel que les mystères de l’âme tout de même !
C’est que Joël Raviv, donc, était agent spécial des Services Secrets, mais que sa vision des choses n‘en était pas particulièrement romanesque. Qu’en dit-il ?
« A dire vrai, il se voyait plutôt comme un négociateur de marchandises abstraites. Il se rendait à l’étranger, rencontrait un inconnu dans un café de Paris, Montréal ou Glasgow et mettait en place une ou plusieurs transactions en s’efforçant de parvenir à un accord. L’essentiel de son travail se bornait à des impresions, des intuitions, de justes appréciations de la psychologie de ses partenaires et de patients marchandages. Il n’avait jamais eu à bondir par-dessus des barrières ou à sauter d’un toit à un autre – de pareilles idées d’ailleurs ne lui seraient pas venues à l’esprit. »
Ne nous attendons donc pas à un roman échevelé. Plutôt à de petits mystères non résolus et dont Amos Oz semble fort bien s’accomoder (hey camarade, tu nous laisses un peu sur notre faim avec l’ingénieur tunisien, l’handicapé sans bras ni jambes et la mort de sa femme, Ivria ?). C’est plus l’histoire d’un homme dans la confusion et ses problèmes personnels qu’une adaptation israélienne de James Bond, c’est clair !
Joël Raviv raccroche son activité au retour d’une mission, dont on ne saura pas grand chose au bout du compte, mais pendant laquelle Ivria, sa femme, meurt dans des conditions qui portent à interprétation. Et des interprétations, il ne cessera d’en faire. De même qu’il essaiera de renouer au maximum avec sa fille, Netta, adolescente épileptique. Le tout dans un contexte féminisé à outrance puisqu’il partage aussi sa maison avec sa mère et sa belle-mère. (Je vous le dis ; James Bond est définitivement enterré !).
L’ex-agent secret qui se flattait de savoir lire dans les âmes de ses « correspondants » a bien du mal evec celles (d’âmes) de son entourage. Et il s’enfonce progressivement dans une opacité des plus perturbante. Quand, en plus, celui qui l’a remplacé trouve la mort à Bangkok au cours d’une mission que, lui, a refusé …
Il lui restera à tenter de reconstruire un peu de vie, une liaison avec sa voisine, son investissement caritatif auprès de malades …
Moi, je vous le dis ; jamais James Bond n’agirait ainsi ! Et pour John Le Carré c’est un peu pareil !
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