Ego, ego de Laurent de Graeve
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Surprenant...
« Je cherche un lecteur, comme je cherche un amant, un vrai de vrai, frénétiquement. Depuis plus de trente-deux siècles, moi, je rêvais de vous, qui ne rêviez pas de moi. Je me suis tu, et ce fut long. Je n’avais jamais eu tant d'humilité, ni tant d'orgueil, et j'avais toujours aimé parler de moi, mais je revis, enfin : Egisthe est de retour.»
Voilà : le premier paragraphe de ce roman devrait déjà vous en dire long. Une histoire vieille de milliers d'années et pourtant terriblement actuelle… Laurent De Graeve est un jeune écrivain belge qui n'a pas la langue dans sa poche. « Ego, Ego » est un roman original et vrai qui ne se lasse pas de surprendre, de choquer ou de faire sourire.
Egisthe est le fils de Thyeste et Pélopia, mais aussi le demi-frère d’Agamemnon, roi de Mycènes. Très vite, le jeune Egisthe découvre sa nature profondément homosexuelle et nous conte sans le moindre scrupule sa vision purement égocentrique du monde. Orgueilleux, superficiel, cynique (« Le cynisme n'est que la lucidité en tenue de gala » ou encore « La sympathie n'est jamais qu'une prostitution du caractère, c’est dégradant et mal payé ». Ca a le mérite d’être clair.) mais terriblement intelligent et non dénué d’une certaine sensibilité, il se construit un monde fait de plaisirs à tous points de vue. Goûts de luxe, orgies débridées (mais exclusivement masculines), tout est au menu.
Egisthe grandit. Du jardinier au précepteur, chacun a sa place dans son éducation sexuelle. Exilé de Mycènes pendant plusieurs années à la mort de ses parents, Egisthe devra attendre la guerre de Troie pour rentrer au Palais des Lumières, auprès de Clytemnestre, la femme d'Agamemnon, devenu roi et parti rechercher le bien de son frère Ménélas : la belle Hélène.
De retour à sa vie de faste, Egisthe connaîtra l’amour dans les bras de son jeune neveu Oreste, et sera plus par hasard que par désir l'amant d'un soir de Clytemnestre. Il n'en faudra pas plus pour décider la reine, adepte du gin et femme au foyer délaissée, de fomenter l’assassinat de son mari, avec Egisthe comme principal complice… Tout au long du roman, on découvre un Personnage avec un grand « P ». Déroutant, c’est un homme retourné sous toutes ses mauvaises coutures. Faiblesses, vices et plaisirs souvent au dépend d’autrui sont ses réalités quotidiennes. Réalisme, sarcasme et satires bien placées lui permettent de se composer un rôle de favori dans l'assemblée. Un bouquet d'épines vêtu de satin. Mais le retour à la réalité sera inévitable.
Vraiment, ce roman étonnant est le fruit d’une plume qui ne manque pas d’originalité ni de verve. Intemporel, ce récit est plongé dans notre propre actualité (bizarrement, on retrouve des mots tels que « marche blanche »…). Comme quoi la mythologie n’est pas qu'une jolie fable : elle est aussi là pour nous offrir une image caustique et critique des principaux soucis de notre société. Un bon roman, corrosif et extrêmement bien écrit : à découvrir !
Les éditions
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Ego, ego [Texte imprimé], roman Laurent de Graeve
de Graeve, Laurent de
Éd. du Rocher
ISBN : 9782268030074 ; 17,10 € ; 30/06/1998 ; 243 p. ; Broché
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Les critiques éclairs (4)
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Quelle critique !
Critique de Jules (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 80 ans) - 3 décembre 2001
Oui, Egisthe est égoïste, superficiel, intelligent, cultivé, raffiné et inutile. Il mène toute sa vie pour l'être, seuls ses plaisirs comptent. Oui, Laurent De Graeve avait une superbe écriture, riche et luxuriante. Oui, ce livre vaut vraiment la peine d'être lu !
Je voudrais cependant ajouter un élément personnel et un autre d'ordre plus général. Le personnel est que j'ai rarement lu des scènes érotiques aussi poussées et belles que dans ce livre: les peaux, les odeurs,les cheveux, les simples effleurements, le moindre pli d'une nuque, le dessin d'une courbe, d'une fesse, et l'on va jusqu'aux différents sucs produits par le corps humain. Le problème est que quand je me rappellais qu'il s'agissait de deux hommes, cela me faisait retomber durement sur terre. Ce n'est pas un reproche: une simple constatation, un simple réflexe physique... L'autre, d'ordre plus général, est que De Graeve, utilise pour la fin de son livre, un principe de base de la philosophie grecque quand Egisthe, condamné à mort dit: "On ne défie pas impunément les dieux, sans risquer quelque brusque retour de manivelle." Là réside le fondement de ce que les Grecs anciens estimaient l'équilibre. Il y avait la condition humaine et celle des dieux. Tenter de violer cet équilibre équivalait à une mort certaine. La violation de cette règle a perdu Icare et bien d'autres. Egisthe, se prenant bien souvent pour un dieu, n'ayant consacré sa vie qu'à lui-même et à son plaisir, a aussi violé la règle. Il n'y avaitpas d'autre fin possible.
Oui, une grande perte
Critique de Bluewitch (Charleroi, Inscrite le 20 février 2001, 45 ans) - 30 octobre 2001
Oui, nous avons perdu quelqu'un dans le monde de la littérature...
Un grand talent trop tôt disparu.
Critique de Patman (Paris, Inscrit le 5 septembre 2001, 62 ans) - 30 octobre 2001
Une superbe critique !
Critique de Jules (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 80 ans) - 30 octobre 2001
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