Le diable boiteux de Alain-René Lesage
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Un régal
A Madrid, Léandro, jeune étudiant volage, libère Asmodée, un diable boiteux, du flacon où l’avait enfermé un magicien. Pour le remercier, ce démon malicieux lui permet de voir à travers les toits et les murs, d’observer les mœurs de ses contemporains, de découvrir leurs secrets plus ou moins honteux et de faire un riche et heureux mariage…
Ecrit en 1707, ce conte philosophique qui permet à l’auteur de nous régaler d’une suite caricaturale des vices et des vertus de son époque, est un véritable régal qui n’a rien à envier aux « Caractères » de La Bruyère. Le Sage décrit des comportements et des faits de société, bien éloignés des nôtres évidemment. On découvre dans ce livre l’importance de la piraterie en Méditerranée, sa prégnance, son poids sur la société de l’époque. Impossible à l’époque de faire un voyage en mer sans risquer de se retrouver capturé en vendu comme esclave sur les marchés d’Alger ou de Tunis. En lisant ce livre, on comprend mieux que la conquête de l’Algérie et la mise sous tutelle du Maghreb furent d’abord et avant tout une nécessité pour mettre fin à cette forme odieuse d’insécurité et de terrorisme. Les pillages et razzias étaient incessants à l’époque, l’Europe n’en pouvait plus.
Finesse de l’observation, clarté de l’analyse, splendeur de la langue. Ce texte n’a pas pris une ride pour ce qui est du style (inimitable) alors qu’il date énormément quand on s’en tient aux valeurs morales. L’honneur, la probité et la famille sont des valeurs ultimes et respectées. Les affronts sont lavés dans le sang et les filles ne doivent pas sortir du droit chemin ! Il n’est pas mauvais de temps en temps de rouvrir un livre ancien ne serait-ce que pour mesurer l’évolution des mœurs à trois siècles de distance. Et je ne suis pas sûr que la comparaison soit à notre avantage !
Extraits : Le dramaturge prétentieux : « Tous mes ouvrages, a-t-il continué sans façon, sont marqués au bon coin : aussi, quand je les lis, il faut voir comme on les applaudit ; je m’arrête à chaque vers pour recevoir des louanges. »
Le barbaresque esclavagiste : « Aby Ali me dit en langue castillane : Modérez votre affliction : consolez-vous d’être tombée dans l’esclavage ; ce malheur était inévitable pour vous ; mais que dis-je, ce malheur ? c’est un avantage dont vous devez vous applaudir. Vous êtes trop belle pour vous borner aux hommages des chrétiens. Le ciel ne vous a point fait naître pour ces misérables mortels ; vous méritez les tous premiers hommes du monde : les seuls musulmans sont dignes de vous posséder. »
Sur les femmes : « Les femmes ne s’aiment point. J’en suppose deux parfaitement unies ; je veux même qu’elles ne disent pas le moindre mal l’une de l’autre en leur absence, tant elles sont amies ; vous les voyez toutes deux ; vous penchez d’un côté, la rage se met de l’autre ; ce n’est pas que l’enragée vous aime ; mais elle voulait la préférence. Tel est le caractère des femmes : elles sont trop jalouses les unes des autres pour être capables d’amitié. »
Les éditions
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Le Diable boiteux [Texte imprimé] Alain-René Le Sage édition établie et présentée par Roger Laufer,...
de Lesage, Alain-René Laufer, Roger (Editeur scientifique)
Gallimard / Collection Folio
ISBN : 9782070375912 ; 4,01 € ; 21/09/1984 ; 341 p. ; Poche -
Le diable boiteux [Texte imprimé] Lesage présentation, notes, annexes, chronologie et bibliogr. par Béatrice Didier
de Lesage, Alain-René Didier, Béatrice (Editeur scientifique)
Flammarion / G.F.
ISBN : 9782080711694 ; 8,50 € ; 09/01/2004 ; 302 p. ; Poche
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Nuit d'enfer sur les toits de Madrid
Critique de Pierrequiroule (Paris, Inscrite le 13 avril 2006, 43 ans) - 17 septembre 2014
Ce roman, publié au début du XVIIIème siècle, nous emporte dans un voyage onirique et tourbillonnant. C’est non seulement un bon panorama de la société vers 1700, mais aussi une réflexion tragi-comique sur les travers de nos semblables. De palais en hôtels particuliers, de navires corsaires en harems, le même spectacle se joue sans cesse pour la plus grande joie du démon. Aucune catégorie sociale n’est épargnée par la satire de l'auteur, pas même ses confrères littérateurs. Comme beaucoup d’écrivains de son époque, Lesage est préoccupé de morale ; mais quelle fantaisie et quel humour comparé aux petits portraits de La Bruyère par exemple. La structure du roman est foisonnante, comportant des récits à tiroir, quelques brèves esquisses, mais aussi des histoires plus longues enchâssées dans les précédentes. L'amour et l'aventure nous tiennent en haleine à chaque page. Finalement, Cléophas et son acolyte boiteux devront se séparer. L’étudiant sera-t-il damné ? Asmodée retournera-t-il dans sa prison de verre ? A vous de jouer, lecteurs.
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