La conscience de Zeno de Italo Svevo

La conscience de Zeno de Italo Svevo
( La Coscienza di Zeno)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Feint, le 20 mai 2008 (Inscrit le 21 mars 2006, 61 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 8 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (1 046ème position).
Visites : 8 485 

Chatouilles

A l’incitation par son psychanalyste, Zeno raconte sa vie : son rapport au tabac, la mort de son père, sa passion pour Ada, son mariage avec Augusta (sœur d’Ada), son amitié pour Guido (mari d’Ada), son amour pour Augusta, sa liaison avec Carla, son association commerciale avec Guido… A tout cela, on a envie de mettre des guillemets : « passion », « amitié », « amour », et même « association commerciale ».
Avant de commencer ce livre, évidemment, je m’attendais à un grand livre. Le prestige de l’auteur, l’épaisseur de l’objet, le patronage de Joyce, les commentaires lus un peu partout… Je n’ai pas été déçu. Ce qu’on ne m’avait pas dit, c’est que je rirais autant. C’est mon petit garçon, mi-intrigué mi inquiet, qui me l’a fait remarquer : « Qu’est-ce qui te fait rire ? » Les enfants ont toujours des questions embarrassantes… Alors, quand même, essayons. Ce qui me fait rire, je crois, tient à un jeu sur l’objectivité / la subjectivité du discours tenu par le narrateur. Il nous dit une chose et, en même temps qu’il nous la dit : rien ne nous autorise à ne pas croire à sa sincérité / tout nous incite à la mettre en doute. En même temps. Une chose peut être « vraie » et son contraire aussi, en même temps. Ça me chatouille.

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L'analyse d'une vie

9 étoiles

Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 46 ans) - 6 septembre 2020

Timide, hypocondriaque, Zeno est assez mal dans sa peau et rappelle quelque peu les doubles successifs que Woody Allen incarnait dans ses propres films. Chaque chapitre, assez long, s'épanche sur un aspect quasi-thématique de sa vie, sur l'incitation de son psychiatre, avec qui les relations s'avèrent tendues. La mort du père, les hésitations existentielles, l'adoration pour Monsieur Malfenti, un homme de l'âge de son père, la volonté farouche d'épouser l'une de ses filles, son amour subséquent pour Ada, son report par dépit pour Aurelia, sa soeur la plus laide, sa liaison torride avec Carla, son amitié profonde avec son beau-frère Guido, mari d'Ada, sa relation professionnelle avec ce dernier et enfin son analyse psychiatrique.
Tout devient assez tordu, sans être véritablement calculé, tout en contenant un humour, tantôt lucide tantôt malgré soi. Le résultat en est drôle et déroutant, avec une intrigue assez bien tenue, sur le fait de savoir comment peut évoluer un pauvre type en partie calculateur et rongé par la peur. C'est assez puissant.

Zeno et ses névroses

10 étoiles

Critique de ARL (Montréal, Inscrit le 6 septembre 2014, 38 ans) - 10 juillet 2018

À la demande de son psychanalyste, Zeno Cosini entreprend la rédaction de son autobiographie sélective, organisée par thèmes: son amour pour la cigarette, la mort de son père, son mariage, sa relation adultère, son association commerciale avec son beau-frère et finalement sa psychanalyse. Le livre nous est présenté comme une publication vengeresse de son médecin qui n'a pas apprécié de voir le malade se soustraire à ses bons soins avant qu'il n'ait pu formuler de diagnostic.

Zeno est un amalgame de contradictions; un personnage névrosé, profondément imparfait, mais qu'il est étonnamment difficile de détester. Ses péripéties sont racontées avec tant d'humour, avec une si grande finesse d'analyse et avec un tel style que l'on ne peut qu'être diverti de bout en bout. La technique narrative de Svevo est moderne, entraînante. On n'a jamais l'impression d'un roman publié au début des années 20. Les personnages sont comiques, humains et surtout très attachants.

Ça faisait un moment que je n'avais pas terminé un roman en souhaitant qu'il soit deux fois plus long.

Un chef-d'oeuvre...?

6 étoiles

Critique de Provisette1 (, Inscrite le 7 mai 2013, 12 ans) - 29 novembre 2014

Avis sans nul doute partagé par certains mais dont, hélas, je ne suis pas: Zeno et ses problèmes de conscience m'ont fait mourir d'ennui à tel point que je n'ai pu terminer le livre.

Un ennui prévisible après d'aussi intenses lectures que furent les oeuvres de Sigismund, Hawthorne, Louis-Combet et mon essai sur l’extrême droite.

Ce livre m'a souvent rappelé celui de Moravia que j'avais abandonné pour des raisons identiques: l'observation introspective de son "nombril" pendant 500 pages et, partant, les examens et problèmes de conscience de Zeno, c'est lassant;-)
(C'est vrai que j'ai à l’instar de ce pauvre Zeno une aversion certaine pour la psychanalyse!)

Il devrait plaire malgré tout, je crois, à nombre de lecteurs.

Seul le style de Svevo m'a été agréable car je l'ai trouve très "moderne".

Une vie

7 étoiles

Critique de Stavroguine (Paris, Inscrit le 4 avril 2008, 40 ans) - 12 août 2012

Voici donc les notes de Zeno Cosini, livrées pour nous par vengeance par le Docteur S. qui ne supporta pas que son patient l’abandonne et l’empêche, comme on prive un enfant de dessert, de lui communiquer les résultats de la psychanalyse à laquelle Zeno s’était livré en écrivant sa biographie.

C’est bien d’une biographie qu’il s’agit, et pas d’un roman à proprement parler. A ceci près, bien sûr, que Zeno est un personnage de fiction et que son autobiographie l’est ainsi tout autant. Toujours est-il que ce roman est dépourvu d’intrigue – même si ça ne l’empêche pas d’en comporter un certain nombre et d’être en outre particulièrement intrigant. A la place d’une intrigue, donc, une simple vie organisée en six thèmes : Fumer, La mort de mon père, Histoire de mon mariage, L’épouse et la maîtresse, Histoire d’une association commerciale, et Psychanalyse.

A première vue, ce découpage semble extrêmement intéressant. En premier lieu, parce qu’il apparaît immédiatement qu’il ne prétend pas à l’exhaustivité, on s’en remet complètement à l’auteur et sa subjectivité : c’est à lui de nous faire connaître les éléments qu’il considère comme les plus importants de sa propre vie, ou du moins les plus pertinentes pour comprendre et guérir la maladie dont il souffre et pour laquelle il entreprend de mener cette psychanalyse – maladie que le lecteur ne cerne pas toujours très bien : tout juste est-il question d’une douleur lancinante dans le coude que Zeno ressent depuis un certain événement. C’est sans doute dans ce premier point que réside la réussite indéniable du roman, dans sa totale subjectivité. Il pose ainsi la question de savoir s’il est réellement possible de raconter sa vie, non seulement en en extrayant les événements les plus importants, mais aussi en étant fidèle à la réalité. En effet, depuis la note du Docteur S., en première page, on sait que le récit de Zeno comporte autant de mensonges que de vérités. On entreprend donc la lecture de la vie de Zeno Cosini en cherchant constamment à distinguer non seulement les aveux sincères des mensonges éhontés, mais aussi et surtout tout ce qui, sans relever véritablement du mensonge, n’est pas vraiment tout à fait vrai non plus, cette part de réalité améliorée, enjolivée ou tout simplement complétée par des souvenirs inventés lorsqu’on fait face à un de ces trous de mémoire étonnamment absents du livre.

L’autre immense avantage de recourir à l’autobiographie pour raconter la vie de Zeno est qu’on n’a jamais qu’un seul point de vue sur les différents événements relatés dans le livre. Ainsi, non seulement le narrateur n’est pas omniscient et on est libre d’imaginer toute une ribambelle d’événements dont il n’a pas connaissance et qui auraient néanmoins un impact sur sa vie, mais surtout, il n’est pas dit, encore une fois, que la réalité soit en tout point conforme à la façon dont il la perçoit. C’est notamment vrai à propos de l’opinion que Zeno pense que les gens ont de lui, à commencer par sa femme qui pourrait être bien plus fine qu’il ne l’imagine.

Si cet aspect de l’oeuvre est parfaitement maîtrisé et donne lieu à bon nombre d’interrogations qui rendent la lecture de La conscience de Zeno particulièrement active et ludique, tout n’est pas parfait, loin de là.

Ainsi, l’autre aspect positif du découpage de la vie de Zeno par thème est qu’on pouvait espérer que certaines situations ou certains personnages abordés sous un angle dans un thème pourraient jouer un rôle différent et dévoiler une autre facette sous un prisme différent. Malheureusement, il n’en est rien. Le découpage par thème se révèle en effet souvent comme une chronologie déguisée et hormis Zeno et la famille Malfenti, les personnages centraux d’un thème ne jouent pratiquement plus aucun rôle une fois clos le chapitre qui leur était consacré. C’est assez regrettable, notamment en ce qui concerne Carla, la maîtresse de Zeno, dont on aurait souhaité qu’elle joue, au moins indirectement, un rôle plus important dans d’autres événements de la vie du narrateur.

Il y a en outre un quelques autres problèmes de constructions qui nuisent au plaisir de lecture. C’est le cas par exemple de ces personnages qui sortent comme des lapins d’un chapeau pour introduire certains éléments capitaux de l’histoire – la « maladie » de Zeno, sa maîtresse, le jeu à la bourse – et en ressortent pratiquement aussitôt pour ne plus jouer aucun rôle (quand ils ne cessent pas purement et simplement d’exister). Le procédé est un peu grossier, surtout lorsqu’il se répète plusieurs fois et concerne des éléments primordiaux pour l’histoire.

On notera aussi quelques problèmes de rythme, notamment dans la partie consacrée à l’entreprise commerciale de Zeno, loin d’être passionnante, et qui rendent parfois la lecture ennuyeuse et rébarbative. En effet, il vient un temps où on en a franchement assez de la famille Malfenti, de la bêtise de Guido (le beau-frère de Zeno) et de ce micmac commercial auquel on peine à s’intéresser.

Heureusement, cette mauvaise impression est chassée par l’ultime partie du roman dans laquelle Zeno évoque librement sa psychanalyse et règle ses comptes avec le Docteur S. sur un ton savoureux auquel il a recours en plusieurs endroits du roman où il lance des petites sentences pleines de désinvolture. Cette savoureuse conclusion fait oublier le côté laborieux de la précédente partie et rappelle certains des meilleurs moments du livre, comme une désopilante séance de spiritisme en début de roman.

La conscience de Zeno est donc un roman bourré de qualités dont l’humour omniprésent n’est pas la moindre. On rit parfois franchement et on ne cesse de s’interroger et d’être pris de perplexité face au personnage de Zeno, original et truculent. Toutefois, des problèmes de rythme et de construction nuisent sérieusement à l'ensemble, si bien qu’on n’est tout de même pas fâché de passer à autre chose une fois tournée la dernière page.

La maladie de vivre

9 étoiles

Critique de Sissi (Besançon, Inscrite le 29 novembre 2010, 54 ans) - 7 août 2012

Zeno Cosini prend tout un tas de résolutions qu’il ne tient jamais. Il arrête de fumer régulièrement, mais ça ne dure que quelques heures tout au plus.
Il n’épouse pas celle qu’on croit, ne veut pas de maîtresse mais en prend une quand même, veut la quitter puis y renonce, dit une chose et fait son contraire. Zeno Cosini s’ennuie « Je vivais dans un simulacre d’activité : c’était une activité tout à fait ennuyeuse », il étudie le droit, puis la chimie, se remet au droit, finalement devient épisodiquement comptable.
Zeno Cosini se dit malade, mais on ne sait pas très bien de quel mal il souffre. Zeno Cosini ment. A son psy, assurément. A lui-même, certainement. Zeno Cosini se trouve beaucoup d’excuses, il passe des petits arrangements avec lui-même (ce que l’on retrouve dans le furtif Ma paresse)

« A présent que je suis là, en train de m’analyser, un doute m’assaille : peut-être n’ai-je tant aimé les cigarettes que pour pouvoir rejeter sur elles la faute de mon incapacité. Qui sait si, cessant de fumer, je serais devenu l’homme idéal et fort que j’espérais ? Ce fut peut-être ce doute qui me cloua à mon vice : c’est une façon commode de vivre que de se croire grand d’une grandeur latente. »

Surtout Zeno Cosini règle ses comptes avec le Docteur S., qui par représailles publie cette vie qu’il lui avait demandé de raconter par écrit.
On se retrouve ainsi avec deux narrateurs qui en début et fin d’ouvrage se répondent et s’invectivent pour la plus grande jubilation du lecteur.
L’autre jubilation, ce sont ces instants relatés rétrospectivement mais avec un tel retour dans le présent qu’on a l’impression de les vivre avec Zeno, en étant ballotté comme lui, tout écartelé qu’il est en permanence dans ses contradictions.
Entre temps, des pans de récit plus traditionnels, parfois un peu longs.

Zeno Cosini est instable.
Et c’est cette instabilité qui est habilement restituée dans ce livre au rythme irrégulier, saccadé, où on tangue beaucoup, sans savoir vraiment où on va, sans aucune certitude sinon celle que Zeno ne sait jamais vraiment ce qu’il veut. Ni qui il est.

Original, atypique, déroutant, incongru.
Un grand texte, où on rit franchement par moments devant la spontanéité, voire la naïveté du propos.
Ainsi lorsqu’il évoque les pleurs de sa fille Antonia et les disputes qui en découlent avec sa femme Augusta :

« Je regardais les femmes, et en même temps j’imaginais un dispositif ingénieux qui aurait empêché tout désaccord entre Augusta et moi. Malheureusement, mon appareil n’était pas réalisable dans l’état actuel de notre civilisation. Il était destiné à un avenir lointain ; pour moi, il n’avait d’autre intérêt que de me permettre de constater que mes disputes avec Augusta tenaient à bien peu de choses. Il aurait fallu, pour les rendre impossibles, qu’un petit tramway domestique, une chaise d’enfant sur roues et sur rails, où on aurait installé Antonia : une simple pression sur un bouton électrique, et le siège, avec le bébé hurlant, se serait mis à rouler jusqu’au point le plus éloigné de la maison. Alors, atténués par la distance, les cris de l’enfant seraient devenus presque agréables, et ma femme et moi serions restés bien tranquilles, en parfaite harmonie. »

En fait Zeno Cosini est tout simplement humain.
Un humain attachant.

tout et son contraire

9 étoiles

Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 22 mars 2011

J'ai découvert l'existence de Zeno dans un livre de Paul Auster. L'envie d'en savoir plus et de louer l'existence d'internet qui permet de trouver un titre en deux temps trois mouvements et hop me voilà à tourner les pages avec frénésie.
Zeno je l'ai perçu comme une énigme, un puits de contradictions, d'hésitations, de doutes qui se confrontent. Un excellent livre qui se lit avec bonheur !

Cinq étoiles en grande partie pour sa fin, cinq de plus pour son milieu, le reste pour la manière dont il débute

10 étoiles

Critique de Fan-taisy (, Inscrit le 25 janvier 2006, 35 ans) - 4 août 2009

"La conscience de Zeno" de l’écrivain Italo Svevo, alias Ettore Schmitz, est un roman dans lequel un psychanalyste, le docteur S. F. – alias Sigmund Freud ? –, propose à son nouveau patient, Zeno, venu de lui-même consulter au sujet de douleurs récurrentes qu’il a et qui l’obsèdent depuis qu’il est jeune homme, et dont il n’est jusqu’alors jamais parvenu à identifier la cause, de rédiger ses mémoires. Mémoires qui constituent les pages du roman, pages qui à certains moments vont laisser place à beaucoup d’humour, d’auto-dérision, de mauvaise foi, de réflexion, de questionnement, de psychologie, etc. de la part de l’anti-héros à force d’introspection à propos de lui-même, de ses passions, ses défauts, ses espoirs, ses déboires, etc. – qui sont aussi ceux de son époque, qui marque la transition entre le XIX et le XXe siècle – ; mais aussi introspection à propos de son entourage tel qu’il le voit et du statut de la psychanalyse qu’il lui arrive souvent de critiquer – à tort ou à raison – ; ces mêmes pages qui à d’autres moments ne manqueront pas de perturber énormément le lecteur, et d’éveiller chez lui le malaise. Par exemple, la note finale du roman, pour ne parler que d’elle et sans la dévoiler, est un pur chef d’œuvre du genre, même si d’un pessimisme assez terrifiant, à propos de laquelle le lecteur se devra ensuite de méditer, si la méditation à son sujet ne procède pas naturellement, au moins comme l'explique Feint pour tenter d'y déceler la part de sincérité indécelable du mémoriste.

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