Dans les pas d'un écrivain vagabond

"Chacun d'entre vous doit apprendre la langue des masques s'il veut devenir un homme. (...) A quoi ressemble la vie d'une âme perdue!" (page 83)

FP Mény se présente comme écrivain parisien, clochard de France ou encore écrivain vagabond... un SDF, en langage moins poétique. Un homme qui connaît le monde artistique, le milieu littéraire, qui connaît bien, aussi et surtout, la galère des ces gens sans toit, rois de la débrouille mais aussi des humiliations et frustrations en tous genres. Un homme qui dérange.

"Ma carafe est pleine comme un nid de serpents dans un champ de kiwis, oasis de fraîcheur. Boire et point barre et noter tout son saoul et rater toute sa vie pendant que d'autres exultent; on va leur sonner le glas sans glamour à ces braves. D'avance je connais vos réponses... le silence" (page 16)

FP Mény a un site et dès qu'il peut, qu'il trouve un ordi, il dépose sur le net ou ici et là des éclats de vie, des tranches de ce quotidien pauvre et foisonnant à la fois. Mény est partout et de partout à la fois, l'homme est empreint d'une richesse d'âme et d'un sens du réalisme qui décoiffent à la lecture de son livre.

"Si on veut me canaliser, bah je suis au bord du canal latéral, j'habite une ville fantôme dans un hôpital ancestral, j'habite une maison de retraite devant la maison du Grand Meaulnes, j'habite chemin du paradis, j'habite en haut de mon chemin de croix, j'habite une chapelle du douzième siècle chez les sauvages de Lozère où l'on soigne dans la fontaine l'eczéma des enfants, je n'ai rien à vous dire, je n'habite nulle part pour le plus grand nombre et pour le Grand Meaulnes comme disent les journalistes fumeux pour conclure un article" (page 10)

FP Mény, au fil des saisons qui rythment son récit, nous raconte ses errances et celles de ses compagnons d'infortune, ses rencontres d'un jour ou d'une nuit, le regard des autres mais aussi le sien, cette tentative de restructuration de soi alors que tout autour, son univers se déstructure. Une décomposition dont est teintée l'écriture de Mény. Pas de témoignage au jour le jour, pas un énième récit sur le monde des SDF, pas un documentaire, mais un texte, poignant par moments, rédigé à la sauce littéraire, avec un réel travail d'écriture et de recherche. Il ne s'agit pas de simplement raconter, il faut aussi composer, rédiger, corriger, travailler... FP Mény est peut-être vagabond, il est avant tout écrivain et c'est l'image que je retiendrai de ce récit; celle d'un homme qui vit par et pour son écriture, parce qu'elle lui permet de survivre, parce qu'elle lui offre la dignité, parce qu'elle fait partie de lui.

"On ne peut pas dire qu'il ne s'est rien passé on ne peut pas faire mine ou faire comme avant...
Je ne dis rien de précis juste de façon générale l'écriture et le problème de sa captation" (page 159)

J'admire la force de caractère de cet homme et sa volonté, envers et contre tout.

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  Conquête du désastre [Texte imprimé] FP Mény

  de Mény, F. P.
  Sulliver
  ISBN : 9782351220399 ; 8,56 € ; 04/04/2008 ; 158 p. ; Broché

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