La Femme de trente ans de Honoré de Balzac

La Femme de trente ans de Honoré de Balzac

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Ferragus, le 24 octobre 2001 (Strasbourg, Inscrit le 8 mai 2001, 61 ans)
La note : 6 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 8 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (3 307ème position).
Visites : 12 680  (depuis Novembre 2007)

De l'inconséquence des femmes...

Julie, une jeune femme bien née, fort belle s'éprend d’un colonel de la Garde portant beau et à qui la gloire a plus d’une fois accordé ses faveurs. Elle l'épouse. Moins de trente pages pour en finir avec le conte de fées.
Ca c’est du Balzac craché ! Car après ça se gâte. Comme bien des soldats balzaciens, d’Aiglemont est un soudard brutal et sans raffinement qui n’est bon acteur que sur les champs de bataille. Son épouse est accablée de tous les défauts féminins ; volage, futile, d’une légèreté coupable, sa vie ne sera qu'une lente descente aux enfers.
Il est bien curieux ce roman. Les habitués des atmosphères balzaciennes s'y retrouveront, auront le sentiment confortable de postures et de figures familières. Et pourtant. Du drame, il y en a à la pelle. Et pas quelques larmes épanchées et vite séchées dans le secret d’un boudoir. Non, des morts dramatiques et impitoyables qui pèsent à tout jamais sur les âmes des proches. Des catastrophes vraies qui plongent une famille dans le malheur et l’hébétude. Mais aussi des maîtresses et des amants, témoins privilégiés d'un mariage raté où tout s'est joué la première nuit. Enfin, on voit comme dans quelques autres ouvrages, l’irruption de scènes fantastiques qui pourraient sembler incongrues ; elles ne font qu’accentuer l’allure si particulière de « la femme de trente ans », l’histoire d'un formidable ratage. Des personnages à qui tout semblait promis, amour, beauté et richesse regardent leur vie sombrer, s'abîmer inexorablement jusqu'à voir leurs enfants les abandonner.
On peut dire de ce livre qu'il est terrible. C’en serait presque un mélodrame outrancier si ce n’était l’inégalable peinture des êtres et des milieux qui fait les romans balzaciens. Cette union, à part dans l’oeuvre de l'auteur, m'a, je ne le cache pas, désarçonné. Je me suis senti bien souvent étranger au récit, sentiment renforcé par un style alternant brillance et langueurs provinciales. Je ne conseille pas au néophyte de débuter « la comédie humaine » par cet ouvrage troublant et vraiment désespéré, posture rare chez Balzac. Il n’en reste pas moins que « la femme de trente ans » doit être lu, ne serait-ce que pour son étrangeté.

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Le monde est si petit !

8 étoiles

Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 13 septembre 2020

Comme souvent avec Balzac, l'anamnèse de ce texte, afin qu'il n’arrive à sa forme définitive est un véritable parcours du combattant. Il serait fastidieux de narrer toutes les éditions, rééditions en tout ou en partie, les modelages, la rajouts et les retraits. Bref il semblerait que l'édition de Furnes soit la dernière mouture et le titre définitif. Même si les personnages changent de nom au fil des humeurs de l'auteur (et de ses ventes car ne l'oublions pas l'homme de lettres était aussi un homme d'argent).

I - Premières fautes
Julie de Chastillon épouse, en 1813, le fringant colonel Victor d'Aiglemont. Un an suffit pour écœurer Julie du mariage. Elle prend en horreur le devoir conjugal. Un bel anglais fait un peu pencher son cœur mais ce dernier paiera de sa vie l'honneur de Julie.

II - Souffrances inconnues
Entre la petite rivière du Loing et la Seine, s'étend une vaste plaine bordée par la forêt de Fontainebleau, par les villes de Moret, de Nemours et de Montereau.
Une jeune femme, célèbre à Paris par sa grâce, par sa figure, par son esprit, et dont la position sociale, dont la fortune étaient en harmonie avec sa haute célébrité, vint, au grand étonnement du petit village, situé à un mille environ de Saint-Lange, s'y établir vers la fin de l'année 1820. Les fermiers et les paysans n'avaient point vu de maîtres au château depuis un temps immémorial.
Le curé de village viendra souvent écouter cette dame, elle est marquise et pleure un amour perdu.

III - A trente ans
La marquise d'Aiglemont a quitté sa retraite pour rejoindre Paris. Elle véhicule sa légende quoique personne n'en sache vraiment le fin mot. Mais les rumeurs sont ainsi faites, moins elles s'alimentent plus elles grossissent. Un certain Charles de VANDENESSE convoite ses faveurs


IV - LE DOIGT DE DIEU
Construction identique au second chapitre. Le narrateur observe une scène dans un parc. Un homme et une femme ainsi que deux enfants.
"Ils entrelacèrent leurs bras avec une si joyeuse promptitude, et se rapprochèrent avec une si merveilleuse entente de mouvement, que, tout à eux-mêmes, ils ne s'aperçurent point de ma présence. Mais un autre enfant, mécontent, boudeur, et qui leur tournait le dos, me jeta des regards empreints d'une expression saisissante." sic

V - LES DEUX RENCONTRES
Le marquis ruiné est parti derrière les océans refaire fortune. Sur le chemin du retour, fortune faite, son bateau se fait attaquer par un brick corsaire.


VI - LA VIEILLESSE D'UNE MÈRE COUPABLE
Le temps a fait son œuvre, seule la marquise et Moïna, devenue comtesse, sont encore en vie. Moïna durant les longues absences de son jeune époux est sujette aux avances d'un jeune homme... le monde est petit, cet homme se nomme comte Alfred de Vandenesse.


Qu'en penser. Balzac signe le premier "vrai" roman de la comédie humaine. Un œuvre avec une fin moralisatrice. La vie de la marquise est digne des grandes épopées. Elle traverse les malheurs avec une cadence effrénée.
L’œuvre eut un succès considérable. Presque deux siècles plus tard, il faut bien sûr se replonger dans le contexte mais n'est-ce pas le but recherché du lecteur... vivre une autre vie ?

Datation
Mariage de Julie en 1813. elle a vingt ans. Une séquence du livre se déroule dans son enfance soit aux alentours de 1805. Fin du roman dans les années 1833.

Personnages du récit.

– Marquise Julie d'AIGLEMONT : née de Chastillonest. Sous ce nom sont unifiés, dans la version de 1842

– Général marquis Victor d'AIGLEMONT : devenu pair de France grâce à sa femme et malgré sa bêtise

– Gustave d'AIGLEMONT : fils des précédents, deviendra à la mort de son père le second marquis d'Aiglemont.

– Moïna d'AIGLEMONT : sœur du précédent, en réalité fille de Charles de Vandenesse, deviendra Mme de Saint-Héréen et la maîtresse d'Alfred de Vandenesse (son demi-frère).

– Mme FIRMIANI : héroïne du roman du même nom

– Mme de SÉRIZY : elle reprend en 1837 (édition Werdet) le rôle du personnage d'abord nommé Mme de Roulay.

– Comte puis marquis Charles de VANDENESSE : frère aîné de Félix de Vandenesse. Il est le vrai père de Charles, de Moïna et d'Abel d'Aiglemont.

– Hélène d'AIGLEMONT : fille de Victor et Julie d'Aiglemont

– Comtesse de LISTOMERE-LANDON

– Louisa de WIMPHEN : son amitié avec Julie d'Aiglemont n'est pas sans évoquer celle de Louise de Chaulieu et de Renée de L'Estorade (Mémoires de deux jeunes mariées).

- Comte Alfred de Vandenesse. Fils légitime de Charles et donc secrètement le demi-frère de Moïna.

Balzac, un écrivain tout-terrain

9 étoiles

Critique de Cédelor (Paris, Inscrit le 5 février 2010, 53 ans) - 18 août 2020

L’histoire de « La femme de trente ans » se départage en 6 chapitres, qui, à l’origine, étaient des textes et nouvelles rédigés séparément et que Balzac a assemblés en les adaptant pour un former un livre. C’est pourquoi on a une impression nette de dissemblance de style et de narration, surtout entre les 3 premiers chapitres, qui sont bien homogènes entre eux, et les 3 derniers qui marquent une rupture de ton. D’où un déséquilibre qui peut perturber le lecteur. Pour schématiser, les 3 premiers chapitres sont un roman d’amour et d’analyse psychologique, et les 3 derniers sont drame et roman d’aventure. L’unité se maintient avec les 3 premiers et se brise avec les 3 derniers.

C’est un livre qui a aussi son lot d’invraisemblances, surtout dans la seconde moitié du livre, et puis, tous ces personnages qui débitent d'une traite de longs discours où se mêlent beauté du style et profonde introspection montre bien que c'est un roman et que personne ne parle ainsi dans la vraie vie.

Mais on pardonnera à Balzac cette construction bancale de son roman. Car il ne fait pas de doute que Balzac y a mis beaucoup de lui-même et en a tiré des pages éblouissantes sur l’amour, sur le malheur d’aimer et de ne pas aimer ou être aimé, dans lesquelles il nous fait goûter toutes les délices des subtilités de l’âme humaine, surtout féminines, comme lui seul était capable de le faire. C’est un livre passionnant à suivre, où on retrouve là sa façon inimitable d'analyse du cœur des hommes et surtout des femmes, qu'il semble avoir étudié de très près. On peut donc qualifier d’excellent ce livre, malgré tout, qui est proche du « Lys dans la vallée », avec lequel il a des correspondances.

C’est en définitive l’histoire de la vie d’une femme, Julie d’Aiglemont et de ses amours heureuses et malheureuses, légitimes et illégitimes et de sa relation avec ses enfants, ceux du devoir et ceux de l’amour, en particulier avec sa fille Hélène, née « enfant du devoir », c’est-à-dire un enfant conçu dans le cadre d’un mariage sans amour. Cela parle donc des souffrances causées aux hommes et surtout aux femmes par les mariages imposés, et tout ce qui en découle : adultères, enfants nés des adultères, enfants préférés ou délaissés, mensonges, doubles vies, compromissions, secrets de famille, etc, ce que Balzac dénonce. C’est toute la condition de la femme au 19ème siècle que Balzac analyse sans concessions, avec une conscience en avance sur son temps. Et avec quel style il rend tout cela ! Balzac a-t-il jamais écrit d’une façon aussi belle et fine qu’ici ? Ah, pourquoi plus personne n’écrit comme ça ? Ca nous changerait du style insipide de trop de nos auteurs contemporains….

La seconde moitié du livre bascule dans le drame et le roman d’aventures, avec des scènes choquantes et cruelles. On n’aurait pas cru Balzac capable d’écrire de telles noirceurs. La fin devient un film de pirates et un mélodrame. Et enfin, Julie d’Aiglemont parvient au bout de sa vie et meurt, dans l’impossibilité de dire à l’une de ses filles un secret de famille. Balzac était un écrivain tout-terrain pour oser un tel mélange des genres !

Précurseur de Madame Bovary

7 étoiles

Critique de Dumas23 (, Inscrit le 23 juin 2014, 29 ans) - 6 juillet 2014

Ce livre a apparemment beaucoup influencé Flaubert pour la rédaction de "Madame Bovary". L'idée est sensiblement la même, à savoir la femme insatisfaite de son mariage qui s'enfoncera peu à peu dans le malheur suite à une vie faite de déceptions. Maupassant s'en inspirera également pour la rédaction de "Une Vie" qui est je trouve plus réussie que l'ouvrage de Balzac.
L'oeuvre est composée de plusieurs parties assez indépendantes les unes des autres qui narrent la vie tragique de Julie d'Aiglemont et de ses proches. La noirceur humaine est fidèlement retranscrite, le destin rattrape sans aucune pitié les personnages et les frappe durement. La cruelle condition des femmes au 19 ème siècle est ici décrite avec réalisme. Les débuts sont très longs mais la fin du roman est plus riche en rebondissements.
L'écriture est terriblement belle même si la lecture est parfois laborieuse. Il est regrettable que plus personne n'écrive de cette manière aujourd'hui. On ne pourra regretter que l'ensemble manque quelque peu de précision dans sa construction.

La femme de Trente Ans

8 étoiles

Critique de Exarkun1979 (Montréal, Inscrit le 8 septembre 2008, 45 ans) - 25 juin 2012

Ce livre est l'histoire d'une femme assoiffée de passion qui se retrouve dans un bien mauvais mariage. Tout ce qui en découle n'est qu'une suite de malheurs. J'ai bien aimé ce roman mais j'ai de la difficulté à dire pourquoi. C'est vrai que l'écriture est parfois anarchique mais en même temps, elle est très belle.

Le trésor derrière l'écueil.

8 étoiles

Critique de Lisancius (Poissy, Inscrit le 5 juillet 2010, - ans) - 12 juillet 2010

C'est un court roman, qui pourrait d'ailleurs passer pour une très longue nouvelle, plein de longueurs, de défauts, d'imperfections, dans un style anarchique, tourbillonnant, d'une virulence et d'une virtuosité rare. La Femme de Trente Ans, à première vue, n'a pas la construction rigoureuse du Père Goriot, ou l'unité stylistique des Illusions Perdues. Pourtant, c'est une réussite tout de même.
Il n'y a pas d'unité dans l'oeuvre. On passe sans introduction d'un abordage en mer par des pirates à une arrivée dans un château d'un criminel, comme on passe d'un fratricide à une épousaille de gamine. Mais quel souffle dans ces deux cents pages !
C'est noir, d'une noirceur rare chez Balzac, c'est plein d'ombres, plein de tristesses, plein de malheurs : le roman est une longue déconvenue, une Illusions Perdues sans Vautrin pour ramasser les pots cassés, et la duègne ne se trompe pas, quand elle dit à Julie "Le mariage ne vous réussit point".
Au final, c'est bien le personnage de Julie qui donne son unité au roman, qui, de prime abord, a été un ensemble de nouvelles, ce personnage qui a été disséqué - tiens, tiens, on reverra cela plus tard, non ? - par un auteur complaisant à ses malheurs. tout autre que Balzac se serait fracassé à ce sujet comme un navire su l'écueil, incapable d'en percevoir les nuances, croquant une gamine éplorée devenue femme inconséquente et incapable de nous toucher. Il a fallu tout l'art de ce romancier de génie pour hisser l'oeuvre au rang d'excellence auquel l'excipit d'une rare émotion peut aisément prétendre.
Il faut le chercher, le trésor derrière l'écueil, et, quand on pardonne les nombreux défauts de cette oeuvre, alors on peut se laisser toucher par son éclat.
Quel plaisir !

Elans de coeurs et conséquences

8 étoiles

Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 47 ans) - 26 novembre 2008

Voilà magnifiquement dressé le portrait - ce qui relève presque du pléonasme pour Balzac - d'une jeune femme, qu'on voit évoluer jusqu'à la vieillesse, qui s'avère être assez fortement soumise à ses passions, à des postures très féminines, notamment dans des caprices relationnels qui ne manquent pas de causer, si ce n'est sa perte, au moins son malheur.
Ce personnage féminin est un peu caricatural, mais l'écriture sauve tout, et en fait un feuilleton virevoltant, bien qu'un peu décousu, en raison du mode de gestation en kit de l'oeuvre.
Les personnages masculins sont également trahis par les défauts patents de leur genre, des manières rustres, la maladresse sentimentale, une relative hypocrisie, une morale et un sens de l'honneur placés bien hauts.
La richesse du style et les rebondissements gardent le lecteur en haleine, avec, à l'appui, le sourire aux lèvres.

à lire après 'le rendez-vous'

10 étoiles

Critique de Prince jean (PARIS, Inscrit le 10 février 2006, 51 ans) - 17 février 2008

c'est la suite d'une nouvelle magnifique de Balzac, 'le rendez-vous' où la jeune fille amoureuse du jeune colonel d'Aiglemont recevra les mises en garde de son père.

"l'amant enfin, se change en un squelette odieux"

"sa gaité est une gaité sans esprit, une gaité de caserne."

"Epouse victor, ma Julie, et un jour tu déploreras amèrement sa nullité, son défaut d'ordre, son égoïsme,son indélicatesse, son ineptie en amour, ..."

pour en revenir à la Femme de 30ans, c est une merveille comme presque tout Balzac

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