Vous vous appelez Michelle Martin de Nicole Malinconi, Michelle Martin

Vous vous appelez Michelle Martin de Nicole Malinconi, Michelle Martin

Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances

Critiqué par Kinbote, le 30 mars 2008 (Jumet, Inscrit le 18 mars 2001, 65 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 5 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 3 étoiles (56 249ème position).
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Suspect, forcément suspect

Nicole Malinconi, dans ce récit, place le lecteur au cœur des échanges qu’elle a eus avec Michèle Martin à la prison de Namur, de février 2006 à mars 2007. Très vite, ce ne sont plus l’écrivaine et la condamnée qui parlent mais deux femmes qui ferraillent par les mots pour trouver une vérité, un terrain d’entente verbale, une plate-forme commune. Malinconi s’adresse dans ce livre à Michèle Martin à la deuxième personne du pluriel, rétablissant la distance qu’un jour, au cours des entretiens, s’était abolie (elles en étaient venues à se tutoyer) et qui a pu faire croire que la romancière écrirait jusqu’au bout « au nom de » Michèle Martin.

Relation intense car l’écrivaine, comme toujours à l’écoute, va chercher des choses que Michèle Martin ne tenait pas ou plus à dire. Si celle-ci a fait appel à Nicole Malinconi, sur les conseils de son avocate, c’était d’abord pour trouver les mots qui rendraient compte de sa vie en prison. Même si elle se confie au sujet des crimes commis dans l’ombre, dans la soumission absolue et aveugle (« Moi, j’étais envoûtée, je ne savais plus qui j’étais, je ne pensais plus, je ne voulais plus rien savoir », dit Michèle Martin) à Marc Dutroux (on y lit des passages terribles qui attestent de sa culpabilité dans les morts de Julie et Mélissa), elle se reconnaît coupable mais elle ne souhaitera toutefois pas, à la lecture du texte final, qu’il soit publié.
Il se fait, commente Malinconi, que la parole de Martin était comme passée chez son interlocutrice qui estime, après mûre réflexion, qu’elle avait le devoir de porter témoignage sur cet échange, de rapporter son propre point de vue qui, sans transiger sur les crimes commis, dépeint une femme faite de chair et de sang pour, dit-elle, poser la question « de l’inhumain dans l’humain, et aussi de l’inverse ».
« C’est l’obligation de ce livre-là, tel un miroir, pourrait-on dire. Il révélerait alors autre chose qu’un monstre d’indifférence, parce que la monstruosité serait dite. Peut-être même serait-il en quelque sorte un miroir pour qui le lirait, celui d’une capacité commune à tous de ne pas voir ce que l’on voit. il indiquerait peut-être notre possible monstruosité commune. »

Ce qui étonne, c’est moins ce livre, dans la droite ligne de précédents ouvrages de Malinconi, offrant des lieux de paroles à des exclu(e)s (des femmes qui avortent dans Hôpital silence, des prostituées dans Jardin public) qu’un certain accueil que des hebdomadaires comme Le Soir magazine, sous la plume de J.-F. Deliège, ou Femmes d’aujourd’hui, lui ont réservé en faisant un mauvais procès à l’auteure, l’accusant de connivence avec Martin alors que, régulièrement au cours des entretiens, elle renvoie la détenue à sa culpabilité. Quand Martin se plaint de ses conditions de détention, du sort que lui ont réservé les médias, de son enfance sans père (dont elle a pu se croire coupable de la mort) et sous la férule d’une mère possessive, Malinconi lui rappelle ce qu’elle a fait ou laissé faire dans le cadre des assassinats et détentions d’enfants.
« Vous préféreriez ne retenir que la connivence, vous auriez comme oublié que nous n’avons pas parlé d’une seule voix. » A tout moment, Malinconi empêche Martin de « relativiser « (« J’entends le mot, relativiser ; il n’est pas à sa place, là où vous le dîtes, il choque. […]. Je pense : rien n’est comparable à la mort des enfants. ») : elle n’entre tout simplement pas dans son je(u). Heureusement Malinconi a reçu plus d’un soutien dont celui de Pierre Mertens ne fut pas le moindre qui a écrit dans le quotidien Le Soir: « Elle mêle sa propre parole à celle qu’en prison elle a entendue proférer par cette singulière interlocutrice. On ne jugera pas prédatrice cette captation d’un témoignage sollicité mais qu’à la lecture, la destinataire n’a pas voulu reconnaître. Le secret de l’œuvre, cependant, c’est qu’on y reconnaît le verbe propre à l’auteur d’Hôpital silence. Quand, sans impudeur mais sans déni, elle traque une vérité partagée par-delà le bien et le mal. Ou quand l’inavouable s’avoue à la frontière de l’humain et du monstrueux. Nulle concession à un quelconque voyeurisme. Cela, la littérature le peut : enfin, une certaine littérature. »

Il semble que parler, aujourd’hui encore, de Michèle Martin sans emprunter la parole de l’avocat ou de l’expert psychiatre demeure insoutenable et donc, pour paraphraser un propos de Duras à propos de l’affaire Villemin, suspect, forcément suspect...

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Faut lire plus loin que le titre!!!

2 étoiles

Critique de Lemmiwinks (, Inscrit le 25 avril 2008, 44 ans) - 25 avril 2008

A mon avis ce livre illustre à merveille la nature de notre société trop pressée qui passe son temps à juger selon les apparences plutôt qu'en profondeur (car qui aurait encore le temps de nos jours de lire un livre page par page?). A lire le nombre de critiques qui "accusent" l'auteur de connivence avec Michèle Martin on se demande si quelqu'un s'est vraiment donné la peine de LIRE le livre ou si ils se sont contenté tout simplement de lire le titre et la description de l'éditeur au verso. D'ailleurs si quelqu'un se serait donné la peine de lire la fin il aurait vu que Michèle Martin elle-même s'est opposée à la publication du livre, c'est dire à quel point il y avait de la "connivence" entre les deux femmes...

Personnellement (et donc contrairement à 99% de "critiques officielles") j'ai trouvé l'auteur beaucoup trop critique à l'égard de Martin. A plusieurs reprises Michèle Martin elle-même lui rappelle qu'elle a déjà été jugée et condamnée pour ses crimes, donc inutile de lui refaire un procès dans le livre (avis que je partage). Cependant Malinconi ne peut s'empêcher d'émettre ses propres jugements toutes les 5 pages du genre "et pourtant vous avez commis un crime", "vous êtes mère et pourtant vous avez fait les pires horreurs", "ce que vous avez fait est odieux!" etc. J'ai trouvé cela fort lassant, pour moi un narrateur se doit de garder la neutralité dans un récit, ce qui est loin d'être le cas ici.

Le seul point positif du livre (d'où mon étoile) est le chapitre où elle raconte l'enfance de Martin et où on pourrait comprendre sa dépendance à Dutroux. Pour une fois l'auteur arrive à écrire objectivement sans émettre trop de jugements. Si seulement le reste du livre était comme cela...

Pendant tout le récit je n'ai pas pu m'empêcher de penser que l'unique but de l'auteur a été de se servir de la triste célébrité de Michèle Martin pour faire de l'argent en vendant un maximum. Et j'ai eu la confirmation à la fin lorsque l'auteur raconte une série d'inepties pour "justifier" pourquoi elle va quand même publier "son" livre malgré l'opposition de Michèle Martin elle-même. Je crois bien, avec tout l'argent potentiel à la clé Malinconi n'allait pas faire machine arrière quand même! lol

Finalement, tant mieux que les critiques ont mal compris le massage du livre, cela fera réfléchir deux fois les auteurs avides de sensationnalisme comme Malinconi. D'ailleurs il faut aussi dire qu'il se croit capable de juger et d'écrire un livre qui "dévoile" la vie privée de Martin (comme si Malinconi la connaissait intimement) après seulement 4-5 brèves rencontres avec elle, c'est dire que finalement l'opinion était toute faite AVANT l'écriture du livre, les rencontres avec Martin ne servant que d'"alibi" pour "faire vrai". Que des écrivains pareils se contentent d'écrire pour la rubrique "faits divers" des journaux à faible tirage et qu'ils arrêtent de prétendre d'écrire des romans...

Mais comme je disais au début de ma critique, tout le phénomène qui entoure ce livre illustre à merveille les problèmes de notre société: des "auteurs" qui gagnent beaucoup d'argent en ecrivant des livres sur des personnes qu'ils connaissent à peine et des "critiques litéraires" qui gagnent à leur tour beaucoup d'argent en jugeant des livres sans vraiment les lire... Et voilà que le cercle est bouclé, tout le monde en sort perdant et finalement c'est mieux ainsi.

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