Le système des inégalités de Alain Bihr (Co-auteur), Roland Pfefferkorn (Co-auteur)
Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités
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Bien pour s'initier à la sociologie
Voilà un thème qui représente une tarte à la crème ou un pont-aux-ânes de la sociologie, traité à longueur de pages dans les magazines généralistes. Cet ouvrage synthétique est une présentation scientifique d'une question archi-classique, qui serait très classique pour tous ceux qui veulent s'initier à cette science humaine, et, plus spécifiquement, à l'épreuve de sciences économiques et sociales du baccalauréat éponyme (E.S.).
Après avoir défini les inégalités, en en précisant leurs natures et leurs impacts socio-professionnels, l'auteur montre leurs interactions, leur cumul et leur reproduction, en étudiant, à chaque fois, les causes, les constats et les effets, avec des tableaux statistiques à l'appui.
Le sujet intéresse évidemment tout le monde, et est traité de manière rigoureuse et scientifique, avec méthode. Le sujet est passionnant, bien que la présentation un peu austère, dont la pagination empêche un emploi abusif d'illustrations, qui manquent un peu ; par ailleurs, comme souvent en sociologie, j'ai pu noter une tendance à l'emploi de ce qui m'apparaît des néologismes, certainement des termes de jargon technique, tirés de substantifs pour créer des adjectifs, voire des verbes.
L'ensemble est court, assez clair et intéressant.
Les éditions
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Le système des inégalités [Texte imprimé] Alain Bihr, Roland Pfefferkorn
de Bihr, Alain Pfefferkorn, Roland
la Découverte / Repères. Série Thèses et débats
ISBN : 9782707152206 ; 20,86 € ; 19/03/2008 ; 122 p. ; Broché
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Inégalités injustes, ou fatalité ?
Critique de Saint Jean-Baptiste (Ottignies, Inscrit le 23 juillet 2003, 88 ans) - 2 avril 2010
Il démontre la difficulté, pour ne pas dire l’impossibilité, d’arriver à sortir de sa condition sociale ; et, personnellement, j’y ai vu le constat d’une fatalité plutôt que d’une injustice.
Mais mon avis, c’est qu’on ne peut tirer de conclusions définitives de cette étude, si ce n’est pour l’immédiat.
Il aurait été souhaitable que ce livre comporte un chapitre sur l’évolution des classes sociales à travers le temps ; en partant, par exemple, de l’Ancien régime.
Parce qu’au fil du temps, des nouvelles classes apparaissent et d’autres disparaissent.
La classe ouvrière, par exemple, n’a pas disparu mais se trouve aujourd’hui très réduite.
Les petits agriculteurs ont pratiquement disparu et les petits commerçants, qui étaient nombreux dans les villes, sont en voie de disparition.
D’autre part, les émigrés forment depuis peu, une classe nouvelle et assez particulière.
L’auteur en parle, bien entendu mais, à mon avis, pas assez et sans le recul nécessaire pour envisager l’évolution des inégalités dans la société de demain.
Une autre limite que je ferai sur la portée du livre est que, si la statistique démontre une vérité en général, elle est loin de définir la vérité des cas particuliers qui peuvent être assez nombreux.
Mon observation personnelle me montre que beaucoup de fermiers, qui ont subi le poids des inégalités, ont des fils qui revendent la ferme, investissent dans du gros matériel et montent des entreprises de bon niveau.
De même, beaucoup d’ex-ouvriers se sont lancés dans l’artisanat, sont devenus des entrepreneurs, des garagistes, ou des carrossiers, et il n’est pas rare d’en voir à la tête de belles entreprises de construction ou de rénovation de bâtiment.
Dès lors, avec la réussite professionnelle, ils parviennent, quoiqu’en dise ce livre, dans la classe moyenne aisée et, avec un peu de chances, leurs descendants auront les moyens de s’y maintenir.
À propos de chances, les auteurs démontent le slogan des politiciens : « chances égales pour tous ».
S’il faut que la chance s’en mêle, disent-ils, il n’y a pas d’égalité mais simplement le fait du hasard qui fournira un diplôme à un bien doué issu des milieux défavorisés, mais sans supprimer les autres causes d’inégalité ; celles-ci étant systémiques, ce diplôme ne lui suffira pas pour s’élever durablement au dessus de son niveau social.
Les inégalités, selon l’auteur, seraient donc bien une fatalité !
Au fond, pour en sortir, il faudrait changer de système et mettre à la place un système sans inégalité sociale. Mais ça…!
Pour conclure, je dirai qu’il y a dans ce livre, à boire et à manger.
Le constat des inégalités actuelles est impeccable et très intéressant : c’est une base très sérieuse pour progresser dans la sociologie.
Mais, à mon avis, l’étude manque de recul et ne permet pas de prévoir l’évolution des inégalités dans un avenir à moyen terme.
Et puis, on peut se demander s’il n’existe pas des possibilités individuelles, qui permettent aux plus résolus de progresser.
L’auteur nous dit qu’on ne sort pas de sa condition et que les quelques cas rarissimes de réussites individuelles, ne doivent pas cacher la réalité.
…La discussion est ouverte. Mais, à mon avis, et au vu de la société belge, il y a beaucoup d’exagération dans ce discours ; mais il est possible que la société française soit plus inégalitaire et, surtout, plus cloisonnée que la société belge.
…Et là aussi, la discussion est ouverte.
Et ce monde vous convient ?
Critique de Bolcho (Bruxelles, Inscrit le 20 octobre 2001, 76 ans) - 18 janvier 2010
Il serait particulièrement intéressant qu'une personne plutôt opposée par principe à l'égalité lise l'ouvrage (allez ! c'est court) et nous en fasse une critique de son point de vue (comme ça on pourra faire gicler le sang dans le forum, chouette alors..., non, sans blague, juste pour avoir les impressions d'un(e) opposant(e)).
Petit résumé du livre
Critique de Saule (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 59 ans) - 16 janvier 2010
Le premier chapitre est très intéressant : il définit le concept d'inégalités sociales. Pour simplifier, je dirais qu'il s'agit d'une distribution inéquitable de ressources, qui engendre un sentiment d'injustice. Les ressources sont matérielles (ex:revenu disponible), sociales et politiques (ex : socialisation) et symboliques (ex: diplôme scolaire, culture,..). Et donc, en gros, les inégalités sont de l'ordre de l'avoir, du pouvoir et du savoir. Mais attention : pour qu'une inégalité soit sociale, il faut qu'elle soit produite par la société. On distingue en effet les inégalités sociales (produites par la société), les inégalités naturelles (dites supra-sociale) (par exemple certaines régions sont plus fertiles au niveau du sol que d'autres) et les inégalités individuelles (dite infra-sociales) qui sont dues aux comportements individuels (par exemple la cigale et la fourmi). Mais il y a relation entre ces trois types d'inégalité : une inégalité sociale agit sur les comportement de consommation par exemple.
Les auteurs appréhendent les inégalités dans un aspect systémique : on est en présence d'un système, dans lequel les inégalités interagissent, souvent pour se renforcer. C'est facile à comprendre : une inégalité en terme de revenu implique une inégalité en terme de logement, en terme de santé, et ainsi de suite, qui va renforcer la précarité de l'emploi, etc.. Cette analyse systémique montre qu'il y a une polarisation (création de pôles) : les avantages se renforcent et les handicaps s'accumulent.
Les auteurs démontent les discours inégalitaristes utilisés pour légitimer les inégalités sociales : ainsi pour certaines personnes les inégalités sont non seulement légitimes mais même désirables ! Même si, selon moi, il tombe sous le sens que ces discours inégalitaristes sont fallacieux (et scandaleux), ils ne sont pas faciles à réfuter et l'auteur n'y parvient pas tout à fait. Mais je répète que pour moi, légitimer les inégalités est par définition une aberration : je colle avec l'approche de Marx qui est "De chacun selon ses compétences, à chacun selon ses besoins".
Les auteurs expliquent que le concept de l'égalité des chances est un oxymore : si il y a égalité, il n'y a pas besoin de chance. Il démonte l'argument qui consiste à considérer les inégalités comme naturelles (ontologique) : c'est intéressant car ça rejoint l'analyse des théologiens de la libération qui montre que le capitalisme est une religion de destin. Les auteurs démontent enfin l'argument d'égalité formelle : le libéralisme serait égalitaire, puisque tout le monde a droit à sa chance d'un point de vue légal du moins. C'est assez facile à réfuter au vu des données présentées dans le reste du livre : il est évident que tout le monde ne démarre pas avec les mêmes chances !
La deuxième partie analyse les inégalités en tant que système : les interactions entre les inégalités. Les résultats sont présentés dans des tableaux synthétiques clairs. Dans la partie suivante, les auteurs mettent en évidence le phénomène de cumul des inégalités (accumulation des handicaps) et ensuite le phénomène de reproduction (de génération en génération), en analysant la mobilité, ou plutôt l'immobilité, sociale. La démonstration est convaincante. J'ai aimé aussi la description des phénomènes de castes, les stratégies par exemple de la bourgeoisie pour protéger ses privilèges, se reproduire entre eux.
La thèse de l'auteur est donc de montrer qu'il y a un renforcement des inégalités et une polarisation, c'est-à-dire : la création de deux pôles à l'opposé de l'échelle sociale : ceux qui ont le pouvoir, le savoir et l'avoir et qui accumulent et ceux qui ne l'ont pas. En fait, depuis 1980, la situation de la classe sociale défavorisée ne fait qu'empirer. Il faut donc démonter la fausse croyance qui est que la classe sociale moyenne aurait rendu obsolète le concept de classes sociales et de lutte de classes. Les auteurs rappellent dès le début que le concept de classes sociales implique une prise de conscience des inégalités et la naissance d'un sentiment d'injustice. Ce sentiment n'existe pas toujours chez les dominés, au contraire de l'époque des luttes sociales.
En conclusion : un petit livre très clair et abordable, qui permet de comprendre le concept des inégalités sociales et qui, données chiffrées à l'appui, montre la pertinence d'analyser ces inégalités en tant que système. Vraiment intéressant.
Bien pour tout autre chose aussi
Critique de Near (, Inscrit le 29 septembre 2008, 42 ans) - 4 octobre 2008
L'analyse est pertinente, rigoureuse, systémique, et les orientations marxistes ou plutôt marxiennes ne déservent jamais le propos. Compléter par des problématiques sur les significations imaginaires sociales (peu ou pas abordées ici), l'ouvrage paraitra incontournable.
Bihr et son collègue écrivent avec clarté, une clarté remarquable et appréciée.
Cela dit, commencer par évoquer le caractère classique du thème est une absurdité ici. Sous-entendre que l'ouvrage est destiné au bachot ES est pure folie! Trop riche et complexe, trop engagé aussi pour être apprécié et utilisé sans danger par un môme de 17 ans ordinaire (c'est à dire formaté), il est en revanche primordial pour tous, citoyens responsables, jeune en rupture et en développement(même de 17 ans pour le coup) etc.
De plus il ne faudrait pas imaginer que le fait de ressasser et d'analyser encore les inégalités leur fait perdre une once existence. Cette question ne peut pas être banalisée de la sorte.
Enfin, cette synthèse n'est heureusement pas que "scientifique": les analyses de données et les méthodes le sont clairement, mais il y a aussi une élucidation proprement philosophique des présupposés idéologiques des discours qui enserrent et légitiment les inégalités.
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