En partance pour l'enfance de Mikel Benoit

En partance pour l'enfance de Mikel Benoit

Catégorie(s) : Théâtre et Poésie => Poésie

Critiqué par MillePoetes, le 8 mars 2008 (Bradenton, Inscrit le 8 mars 2008, 61 ans)
La note : 10 étoiles
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La poétique de l'espace enfantine et la vision tolérante du monde

- Étude sur la poésie de Mikel Benoit.

Depuis toujours, l'enfance était pour les poètes leur paradis perdu, et durant toute leur vie, ils essaient de la retrouver dans et à travers leurs mots pleins de métaphores et riches d'une imaginaire vivante ; car l'enfance, cette belle période où tous les gens y vivent avec un grand amour basé surtout sur l'innocence pour le monde qui l'entoure. Cette enfance leur donne une grande confiance en eux. Elle les rend comme des personnes importantes au moins devant leurs propres yeux.

Certes, l'enfance est le symbole d'innocence : c'est l'état antérieur à la faute, selon Jean Chevalier et Alain Gheerbrant dans leur dictionnaire des symboles, donc l'état édénique, symbolisé en diverses traditions par le retour à l'état embryonnaire, dont l'enfance demeure proche.

C'est pour ces raisons là que le poète cherche en elle son temps perdu, selon l'expression de Marcel Proust. Il veut que cette période enfantine là reste toujours vivante dans ses pensées, car en revenant par la pensée vers ce temps qui était dans nos yeux si beau, si magnifique et si extraordinaire pour le retrouver avec une grande chaleur sentimentale, cela indique que le temps actuel où vit le poète est tout à fait déférent au premier, celui de son enfance, au moins dans ses yeux.

Bien évident que tous les poètes voient le monde de cette façon, et cela montre qu'ils vivent toujours dans l'envie de retrouver le temps perdu de leur enfance. Et puisqu'ils sont des êtres trop humains, selon l'expression du philosophe Nietzsche, ils sont toujours dans l'état de la nostalgie totale. Et lorsque la nostalgie est présente dans un cœur humain qui bat pour le bien de l'humanité, sûrement la poésie n'est pas loin de ses battements chaleureux.

Ainsi, contre vents et marées, le poète va où il convient d'aller, selon la parole du poète Patrick Simon, et notre Mikel Benoit est de ceux là, les poètes qui prennent leur enfance dans leur cœur et essaient de l'écrire sur leur livre personnel, leur journal intime et surtout leur recueil de poèmes.

L'écriture poétique de cette façon, selon cet esprit libre et cette vision du monde, devient un miroir de l'âme, cette âme qui brille tel un soleil dans un jour qui ne veut qu'être beau. Ainsi le poète par son écriture et à travers elle-même, reconstruit le monde :

« Ecrire un mot
Ayant la forme d'une cithare
Ecrire une mélodie
Ayant la grâce
Du corps de la girafe »

L'écriture devient aussi dans ce cas là un remède de cette âme pleine de blessures, de cette âme où vit la nostalgie avec toutes ses manifestations humaines, avec toutes ses envies et ses passions vers le temps d'une période déjà passé :

« Ecrire une lettre
Celle du marin
Celle du soldat
À la bien-aimée
À la maman qui s'inquiète. »

L'écriture ici recrée la silhouette d'une belle sirène qui fait tourner la tête d'un marin amoureux. L'écriture ici recrée les ombres de la bien-aimée d'un soldat qui part à la guerre. L'écriture ici reconstruit, avec amour, le visage de la mère qui s'inquiète de l'absence de son enfant, ce poète de nature.

Le poète, cet enfant éternel, cherche toujours entre les lignes de ces livres, soient ceux qu'il les écrit, ou ceux qu'il les lit avec amour, les ombres de son enfance perdue, les ombres d'un univers poétique qui se manifeste dans les rivages de la nature, dans cette terre dorée par les rayons célestes et dans ce ciel terrestre plein des fleurs et des arbres.

Ainsi les mots deviennent des fleurs pleins de métaphores, et la mer elle-même devient à son tour un livre magique où les mots racontent les voyages du poète Homère et les aventures de ses braves héros.

Certes, le poète veut raconter son enfance mais avec une autre façon poétique, celle qui laisse l'imaginaire s'évade de l'ordinaire et dépasse les limites de la mémoire, en créant des images nouvelles qui n'appartiennent qu'à sa propre plume, la plume qui sait bien dessiner les images fuyantes à travers le temps et l'espace. Le poète aime, en plus, dessiner des toiles, mais avec les mots, bien sûr, c'est pour cette raison qui a besoin de choisir ses couleurs imaginées, telles le bleu, le brun, le vert, le rouge et enfin le jaune. Chaque couleur choisie est dans sa propre place. Le bleu, cette couleur qui est la plus profonde, la plus immatérielle et la plus froide des couleurs. Le bleu est le chemin de la rêverie et quand il s'assombrit, ce qui est conforme à sa tendresse naturelle, il devient celui de rêve. Cette première couleur choisie par notre poète, dans son poème intitulé « Tableau matinal » domine sous ses pouvoirs tous les autres couleurs, puisqu'elle est avec le ciel, avec le haut.

Le poète décrit tout cela à travers ces vers poétiques :

« Un ciel bleu, brun et très léger survole les barques tranquilles de
quelques pêcheurs isolés.
C'est le matin tôt avec une tiédeur presque à boire et qui
Entoure les zones d'eau. »

Pour les autres couleurs : le vert, ce vert qui aile, selon la vision du poète, ramper sur la terre ; le rouge, cette couleur qui symbole le mouvement de la vie, et qui adore se suspendre dans le ciel ; et le jaune qui sort d'une voix ronde et cuivrée. Ces trois couleurs que le poète présente ici, dans le champ de son poème « Tableau matinal » nous montrent sa propre vision au monde qui l'entoure, cette vision pleine de vie et de tolérance.

« Le vert qui aime
Est un vert
Qui rampe sur la terre.
Le rouge qui monte
Est un rouge
Qui se suspend dans le ciel.
Le jaune qui chante
Est un jaune
Qui sort d'une voix ronde et cuivrée. »

La description de la nature prend ici un sens poétique, puisqu'elle est réalisée à travers le jeu des couleurs. En choisissant ses couleurs de cette façon admirable, le poète a réussi à nous inviter à voir son jardin propre, le jardin dessiné par sa propre plume. Ce jardin dont les fleurs prennent leur place à côté des oiseaux. Et selon le dictionnaire des symboles, les oiseaux sont les figures de l'âme s'échappant du corps. Les oiseaux représentent aussi le symbole du monde céleste avec toutes ses richesses spirituelles. C'est pour cela que notre poète dans son poème qui prend comme titre le nom de « l'oiseau » même, décrit l'oiseau comme s'il décrit un poète. Il le décrit dans sa solitude profonde, dans sa plus haute de tristesse :

Un arbre vole
Derrière moi
J'entends ses paroles
Qui traversent les parois
Derrière lesquelles je me trouve
L'oiseau lui reste par terre
Avec sa patte cassée
Il chante un chant de souffrance
Quand fera t-il remarcher ses hanches ?
Mais après tout,
Moi aussi j'aimerai courir et sauter
Dans le verte campagne
Comme l'oiseau,
Je voudrai libérer les bagnes
Dans lesquels
S'enferment mes pensées. »

De cette belle façon d'écriture, notre poète continue son chemin, de poème en poème, d'image en image, en créant avec une grande capacité un univers poétique si riche et si déverse.

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- Mikel Benoit : En partance pour l'enfance, éd Mille Poètes LLC. USA 2007.
- Chevalier et Alain Gheerbrant : Dictionnaire des symboles, éd Robert Laffont / Jupiter. France - Paris 1982.
- Gaston Bachelard : L'air et les songes, Essai sur l'imagination du mouvement, éd : José Corti, France - Paris 1943.
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Noureddine Mhakkak

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