Les vivants et les ombres de Diane Meur

Les vivants et les ombres de Diane Meur

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Sentinelle, le 16 février 2008 (Bruxelles, Inscrite le 6 juillet 2007, 54 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 5 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (14 790ème position).
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Saga familiale en Galicie

Les vivants et les ombres est une saga familiale déployée sur plus d'un siècle d'histoire.

Nous sommes au XIXe siècle en Galicie, région de l'Europe de l'Est située le long des Carpates. Possession de l'empire austro-hongrois des Habsbourg depuis le premier partage de la Pologne en 1772, carrefour multiculturel dans lequel se côtoient avec quelques difficultés polonais, ruthènes, russes, prusses et juifs, ce roman nous conte l'ascension puis la décadence de Jozef Zemka, polonais ambitieux qui veut reconquérir le domaine fondé par son noble ancêtre désargenté en mariant la fille de l'actuel propriétaire.

L'originalité du roman repose sur le fait que la narratrice n'est autre que la maison du domaine. Mariages, ambitions, relations difficiles entre polonais (propriétaires et seigneurs des terres) et ruthènes (serfs), fin de la féodalité, début de l'industrialisation, émeutes, luttes pour l'indépendance polonaise, antisémitismes, amours, adultères, trahisons, tous ces petits et grands événements seront épiés et commentés sans complaisance par cette noble maison qui se cache encore pour un temps derrière son fronton néo-classique.

Mais plus que tout, la narratrice s'intéresse aux femmes du domaine, à leur destin souvent bridé par la bienséance et le contexte historique de l'époque.
Et il y a de quoi observer ! Clara, la femme de Jozef Zemka, donnera naissance à cinq filles, au plus grand désespoir de son époux. Cinq fardeaux à marier, pas de descendant mâle pour reprendre le domaine, cinq destins de femmes finement analysées par notre fidèle narratrice.
Condamnées à des mariages arrangés, à la réclusion domestique, au couvent, certaines trouveront pour un temps le bonheur dans les bras d'un homme aimé mais la culpabilité et les conventions reprendront assez vite le dessus. Et pourtant, ici aussi la révolte gronde ! Certaines n'hésiteront pas à briser les chaînes de la convention sociale pour assumer leur choix et goûter à la liberté. Notre noble narratrice, féminine dans l'âme, ne sera d'ailleurs pas en reste dans cette dernière aventure...

Diane Meur nous convie donc à une grande saga familiale ayant pour cadre la Galicie au XIXe siècle, région mal connue et au passé historique mouvementé.
On pouvait craindre une certaine lourdeur et quelques longueurs lorsque nous voyons le nombre de sujets traités, et pourtant il n'en est rien. Diane Meur a des talents de conteuse et une plume légère et ciselée nous rapporte tous ces faits avec une facilité de lecture déconcertante.

Diane Meur a reçu pour Les vivants et les ombres le Prix Victor Rossel 2007 (le plus prestigieux prix littéraire belge) et le Prix Rossel des jeunes.

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Les éditions

  • Les vivants et les ombres [Texte imprimé], roman Diane Meur
    de Meur, Diane
    S. Wespieser
    ISBN : 9782848050560 ; 29,40 € ; 23/08/2007 ; 711 p. ; Broché
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Chronique familiale.

6 étoiles

Critique de Palmyre (, Inscrite le 15 avril 2004, 62 ans) - 13 juin 2016

Premier roman que je lis de cet auteur. Il s'agit d'une chronique familiale comme je les aime habituellement, l’histoire d'une famille sur plusieurs générations et racontée d'une manière originale, par la maison où ils vivent.
En dehors de l'histoire politique (compliquée!) de la région où ils vivent (la Galicie, actuellement l'Ukraine), cette saga familiale ne diffère pas des autres que j'ai pu lire, et est même un peu ennuyeuse par moments.
Le résumé en quatrième de couverture me semblait beaucoup plus prometteur...

Les casseroles parlent enfin

8 étoiles

Critique de Paofaia (Moorea, Inscrite le 14 mai 2010, - ans) - 4 novembre 2013

Alors là, c'est le cas de le dire, les murs ont des oreilles! A l'affût de tout, la moindre conversation entre humains ou entre casseroles.
C'est donc une saga familiale , racontée uniquement à travers ce que cette maison peut saisir des évènements extérieurs d'une histoire très riche en évènements, celle de cette région au départ Pologne devenue Galicie, pendant une centaine d'années. Et surtout , bien sûr, de la vie familiale qu'elle abrite, très mouvementée elle aussi. Le chef de famille , fils de confiseur, a réussi à épouser la fille d'un comte , "quartiers de noblesse irréprochables et profil de mouton" , et , dans la propriété, construit aussi une petite usine de confiserie qui semble ne fabriquer qu'une sorte de bonbons , les pastilles de la Vierge, qui deviendront plus tard les pastilles de Sissi , les opérations de marketing étant déjà d'actualité à l'époque..
Révolutions, émeutes, et fin de la féodalité , mais aussi antisémitisme marqué pour la vie extérieure, amours contre son rang et enfants illégitimes à l'intérieur.
Bref, une vie chargée... et on ne peut en vouloir à cette maison d'avoir ...déménagé.
Très agréable à lire, très bien documenté, et moi qui connaissais très peu l'histoire de ces pays, j'ai appris beaucoup de choses!
Je me lève aussi la nuit pour essayer d'entendre ce que mes casseroles ont à se dire, mais je pense que cela va vite s'arranger?

Extraits:


Ce ne fut pas la gestion de Wioletta qui coula la sucrerie, bien qu'on prédit dans la région qu'il ne pouvait rien arriver de mieux à une affaire ainsi tombée en quenouille. Ce ne furent pas non plus les modestes revendications de ses employés, ni le boom du sucre russe, qui restait cher à importer. Ce qui perdit l'entreprise si florissante de Jozef fut la décision de l'archiduc Rodolphe , en janvier 1889 , de mettre fin à ses jours dans son pavillon de chasse de Mayerling , avec sa très jeune maîtresse la baronne Vetsera.
J'appris ce drame, comme de juste, dans les cuisines . J'arrivai là un matin, avide de papotages fleurant bon, eux, le monde des vivants; et quel ne fut pas mon étonnement en découvrant , autour de la grande table, notre personnel féminin changé en assemblée de pleureuses!
.....

A l'étage des maîtresses, on ne pleurait pas; c'était pourtant là qu'il y aurait eu le plus de quoi pleurer. Elles l'ignoraient encore, les deux demoiselles, mais c'était, à terme, la fin de leur fortune.
Les "Délices de Sissi"? Ce nom, décidément, sonnait comme une mauvaise blague. En fait de délices, la mère du suicidé avait eu, en vingt ans: un beau-frère, Maximilien, fusillé au Mexique; une belle-soeur, veuve du précédent, devenue folle de chagrin; un cousin, l'extravagant Louis II de Bavière, retrouvé noyé dans des circonstances obscures; sans compter des autres parents et amis, qui , autour d'elle, sombraient dans la démence ou mouraient atrocement. Mayerling était le drame de trop. Dès la semaine suivante affluèrent ici des courriers de pharmaciens annulant leurs commandes, il fallut suspendre la production, faire dessiner de nouvelles boîtes portant la sombre mention " Pastilles Incarnadines" et les mettre hâtivement en vente pour éponger le manque à gagner........

Une passionnante saga de Galicie et d’ailleurs !

9 étoiles

Critique de Ori (Kraainem, Inscrit le 27 décembre 2004, 88 ans) - 10 septembre 2009

Je découvre avec bonheur la veine très inspirée de Diane Demeur qui nous plonge dans une histoire d’époque, celle de la dynastie née au 19è S. d’une alliance entre Clara von Kotz l’autrichienne aristocratique et Jozef Zemka le polonais roturier.

Nous faisons ainsi connaissance avec toute une panoplie de personnages bien typés évoluant sur une terre galicienne chargée d’histoire : le démembrement de la Pologne, la révolte des serfs, les insurrections agitant l’empire austro-hongrois. Nous voyons alors vivre au quotidien, sur 3 ou 4 générations, les propriétaires d’un domaine agricole, leurs serviteurs polonais et ruthènes, et leurs juifs rencontrés ici et là. La généalogie présentée en début de roman s’est avérée fort utile pour nous permettre de trouver notre chemin au travers des 700 pages de cet ouvrage.

Une innovation de la part de Diane Demeur qui lui permet de balayer tout un siècle d’histoire : elle fait parler à la première personne l’âme même du domaine des Zemka, cette narratrice observant alors chaque personnage et le voyant évoluer dans ses héroïsmes ou ses lâchetés, ses passions ou sa grisaille.

Un grand roman !

Une maison qui vous veut du bien

8 étoiles

Critique de Miss teigne (, Inscrite le 6 mars 2008, 43 ans) - 16 juin 2009

L’auteur belge Diane Meur narre avec raffinement une histoire de près d’un siècle. Elle prête sa plume à un témoin de premier plan, qui bien qu’immobile et habituellement silencieux nous relate les évènements ayant jalonné la vie de la famille Zemka.
La maison des Zemka observe, écoute et parvient parfois à s’immiscer subrepticement dans les pensées des intervenants. Ce qu’elle est ? Un grand salon Empire, un petit salon vert, de nombreuses chambres, couloirs et réduits sans compter les 30 ancêtres qui hantent les lieux. Ce qu’elle a vécu ? Une lutte d’indépendance et 3 ou 4 insurrections manquées ainsi que les tourments intérieurs de ses habitants, et de ses habitantes surtout. Car la maison éprouve un intérêt tout particulier pour les femmes de la maison, rendues fascinantes par leur réclusion parfois délibérée et par leurs amours déçues. Prisonnières du conservatisme social, elles ont en commun d’aspirer à une vie plus rocambolesque et romantique que celle à laquelle leur naissance les condamne. Comment sortir de cette existence morne, austère et culpabilisante par nature ? Par le piano, la peinture, la lecture mais aussi l’amour, l’adultère et pourquoi pas, un départ… pourvu qu'elles vivent. En toile de fond, la Galicie et ses troubles, les rapports entre maîtres et serfs, un patriotisme viril,…

Je ne suis généralement pas férue de sagas familiales mais Diane Meur est aisément parvenue à m’embarquer dans le tourbillon des souvenirs de la maison des Zemka, grâce à sa belle plume et l’originalité de la narration.

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